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Je vous l'avais bien dit !

Publié le 13 avril 2013 par Perce-Neige

Je vous l'avais bien dit !Pour Violaine Parmentier, l’espace-temps s’avère, presque tous les jours, être une structure éminemment courbe. Car le présent s’arrime. S’accroche. S’interdit vaguement d’autrefois. Mais se juxtapose régulièrement de futur et de participe passé. S’embrouille de lointains horizons qu’à force, parfois, l’esprit récupère. Puis rétrécit. Et dilate à nouveau. Disons que pour Violaine Parmentier aujourd’hui n’est rien qu’une version dégradée du possible. L’éternel retour du même, une hypothèse franchement crédible. Tant et si bien qu’elle opine du bonnet, à regret. Ou plutôt sans savoir. Ce qu’immédiatement Sébastien Fauchon, bien sûr, interprète à la lettre et, donc, comme l’expression d’une tendre approbation. Laquelle pourrait bien, par parenthèse, une fois de plus, confirmer son intuition. La remarquable prémonition dont régulièrement il fait preuve dès lors qu’il s’agit de déterminer ce qui cloche. Et d’attribuer, en l’occurrence, au léger défaut de la pompe l’insupportable chuintement de la chaudière qui se propage de proche en proche dans l’enchevêtrement des tuyaux. Et jusqu’aux ultimes radiateurs nichés dans la soupente. Car Sébastien Fauchon corrobore. Et précise. Entreprend d’expliquer… En quoi, voyez-vous, l’axe plus ou moins vertical de la machinerie, à force d’usure, s’incline faiblement sur l’arrière. Jusqu’à répercuter, plein pot, la vibration du thermostat. Ce qui pourrait bien, à la longue, finir par nous bousiller le bidule. Sans même parler d’encalminer la sonde… En perturbant alors complètement l’écoulement de toute cette flotte. Et c’est bien là que le bas blesse. Voyez-vous… Puis, sans plus attendre, et sans même escompter, à vrai dire, l’ombre d’un quelconque assentiment, dégoupille prestement le tournevis. Et s’enquerre accessoirement du réglage. Consulte et s’interroge. Pressent. Renchérit. Et se pressure. Car Sébastien Fauchon est un maniaque. Une cliente est une cliente. Et la parole donnée vaut de l’or. Si bien qu’il ne perd pas de vue. Ajoute même, mi-fanfaron mi-sérieux, qu’il n’en a plus que pour cinq minutes. A tout casser... Pour peu, tout de même, que ce foutu collier de laiton de bordel de merde ne s’avise pas, subitement, de le laisser tomber en rase campagne. Et qu’en tournevissant comme un  malade, on ne finisse, pétard, par vriller sauvagement la turbine. Puisqu’en pareil cas, il faudrait, alors, changer tout le propulseur. Voyez-vous…Se réprime, d’ailleurs, in extremis un juron carabiné. Et se sacrilège le gosier d’un soudain désir d’obscénité. Vu que le boulon, comme par hasard, semble s’être benoitement crapahuté dans les ténèbres du troisième sous sol, quelque part dans l’entrecuisse nauséabond de cette canalisation à la con. À moins d’un centimètre du réacteur en fusion. Lequel pourrait bien vous griller la patte en moins de deux. Et vous ravager la couenne en profondeur.Proteste alors de sa bonne foi. S’enquille. Et grimace. Et plisse des yeux à n’en plus finir. Jacasse. Puis se contorsionne. S’alambique et s’exaspère. Vu qu’on n’a pas idée, franchement, d’installer l’embranchement de la plomberie dans le renfoncement du couloir, sous l’escalier, à deux pas des égouts. Et qu’il n’y comprend et surtout n’y voit ri-gou-reu-se-ment rien. Et qu’vraiment, voyez-vous, il n’a pas’qu’ça à foutre. P’tain... Et qu’il est déjà sacrément en retard sur son planning. Et qu’il en a sérieusement raz la casquette de tout c’truc. Et que vous ne voudriez pas, par hasard, m’dame, incliner de temps en temps votre lampe vers le mur, plutôt que de me balancer en permanence cent soixante watts en pleine gueule ? Or, précisément, c’est à ce moment-là que Violaine Parmentier parvient, enfin, à extrapoler le rictus du type ! En scannant à toute vitesse le coup d’œil furibard qu’il lui lance. Tout en combinant diverses informations propres à court-circuiter immédiatement sa conscience. Puis en récapitulant les hypothèses en un dixième de seconde (pas plus). Et n’étant, alors, voyez-vous, plus très loin d’approcher une certaine vérité. Dans un des plis de l’espace-temps, il se pourrait bien qu’effectivement, gesticulant lourdement à ses pieds, le technicien chauffagiste ait pu être, un jour, en effet, le propre fils de Maud... Celui-là même dont Violaine Parmentier n’a plus entendu parler depuis des lustres. Celui-là même auquel Georges, radieux, murmurait l’horizon d’animaux fabuleux quand ils avaient appris, à la radio, tous, autour de la table (corrompue de nuits escomptées), qu’il n’y aurait, sans doute, aucun survivant dans le désert de Mogadiscio. Celui-là même qu’un vieil oncle, inconnu au bataillon, avait, en pleurant (crocodile malhabile surgi de nulle part), serré dans ses bras, quelques mois plus tard. Celui-là même qu’ils avaient (tour à tour) bercé de danses (tour à tour) inventées. Protégé du soleil automnal, à l’ombre caressante des bouleaux compatissants. Z’avez toujours votre mère, questionne-t-elle soudain, comme s’ils devisaient paisiblement, à la terrasse nuageuse d’un café samaritain. On ne sera pas surpris d’apprendre qu’alors Sébastien Fauchon (le même) éclate en sanglots. Vu que ce foutu bordel de collier en laiton vient brusquement de céder. Précédant de peu la catastrophe nucléaire annoncée… 

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