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Carton, Serge Joncour

Publié le 17 avril 2008 par Antigone

carton

Libraire est un métier à risques. A bien faire, la tétanie s'installe et, du jour au lendemain, l'être de chair se transforme en PLV, en tête de gondole. Sous la pression marketing, la silhouette cannelée devient un auteur qui cartonne. (extrait de la quatrième de couverture)

" - C'est l'histoire d'un libraire dans un hypermarché.
  - Et le carton qu'est-ce qui fout là-dedans ?
  - Et ben, y vend des livres." (Résumé, en préface)

Je me suis braquée dès les premières pages de ce livre...le fait d'avoir été libraire moi-même explique sans doute les quelques détails sur lesquels j'ai un peu tiqué, le bonheur du libraire en hypermarché par exemple, sa léthargie entre autres... Et puis, je n'ai pas compris l'intérêt dramatique de cette transformation d'un être humain en carton, même d'un point de vue métaphorique, même en y cherchant du second degré, même en voulant y trouver de l'absurde bien placé... Dommage ! J'ai bien compris pourtant qu'il s'agissait d'une critique du système "best seller" et j'avais envie de l'aimer ce livre, alors je me suis efforcée de le lire, jusqu'au bout, et puis non, toujours rien, je suis restée jusqu'à la fin sur ma faim.

Heureusement, quelques extraits, franchement intéressants, ont attirés mon attention. Je vous les livre ci-dessous, ils sont très réalistes, loin de l'image "idéale" que l'on peut avoir parfois du métier de libraire, métier dont j'ai malgré cela encore parfois la nostalgie, il faut bien l'avouer :
"Libraire de livres, ça a l'air tout simple comme rayon, d'apparence bien moins sollicitant que le fruits-et-légumes ou que la boucherie, mais c'est sans compter que de nos jours le livre est un produit frais, et qu'on doit lui assurer des rotations assez proches de celles du beurre ou du jambon... En dépit de l'apparence, l'activité de coin-librairiste est complexe, car, en plus d'un certain goût de l'agencement, il faut avoir les nerfs du dos solides, et même des muscles pour manier ces aller et retour de cartons, sachant que le propos général est de faire en sorte qu'il y ait moins de cartons qui repartent qu'il y en a eu d'arrivés."
(et oui être libraire, c'est cela aussi : manutention, gestion des stocks et maitrise de l'art de l'emballage, pour les retours)

"Comme tous les mardi, c'est donc dès huit heures qu'il était là, impeccablement mis, cravaté comme un cadre, glorieux et frais comme un après-rasé. Ah ! quel plaisir que d'entendre un homme parler avec autant d'entrain de ses produits, me certifiant chaque fois que ce coup-ci ce serait le carton garanti, des cartons pour assurer le carton. Le carton, c'était pour lui l'unité de mesure, la valeur-étalon en deçà de laquelle un livre n'était jamais qu'un exemplaire. Une fois qu'il m'avait fait son petit topo, mêlé de chiffrages et de choses et d'autres, sa première manie était de me refuser le café que je lui proposais, trop occupé qu'il était par ses listes, sa deuxième priorité étant de trouver bien vite une prise de téléphone afin d'y raccorder son ordinateur, module à partir duquel tout se décidait en temps réel et non abstrait. Une fois installé, il ne me demandait qu'une chose : l'écouter, et surtout ne plus bouger."
(le "bonheur" des commandes avec les représentants, une vision assez réaliste, surtout en ce qui concerne les gros diffuseurs: il y a les nombreux titres commandés à l'unité, "en office", et les autres ceux qui vont se vendre, qui ont le droit à leur pile, à leur mise en avant, à leur ventes, programmées (?))

"Le ressort de la tension du flux, c'est d'avoir tellement bien identifié les attentes, que le produit se pose là, face au manque, sans même plus le besoin de le préconiser. Du point de vue de la morale, rien n'est pire qu'un produit qui ne se vent pas, rien n'est plus déprimant, et malgré ses prétentions, de ce point de vue le livre n'est guère mieux loti que le biscuit.
En terme d'organisation, mes linéaires ne faisaient jamais que reprendre le vieux principe de l'universelle rotation du monde, un mouvement confondant d'intransigeance et d'obstination, certains diront de manque de souplesse, mais un principe largement éprouvé à ce jour. Dans des sphères aussi rotatisées que les nôtres, tout article ne devrait guère avoir le temps de s'attirer la poussière, et si l'on pose comme principe qu'il est bon que tout produit soit propre et immaculé d'apparence, plutôt que de les épousseter, de les entretenir dans un aspect de fraîcheur, el plus simple était bien qu'ils partent vite avant qu'on les vire.
Pour ma part, ça me rassurait de savoir mes produits propres, d'autant que ce serait trop bête qu'un acheteur se ravise au dernier moment à cause d'une trace de quoi que ce soit sur une couverture ou sur la page de garde. De toute façon, le livre supporte mal la souillure, à moins bien sûr qu'elle procède du parti pris. Le genre littéraire est suffisamment vulnérable pour ne pas avoir à souffrir de trace de quoi que ce soit."

(Ah le stress des badauds à sandwichs ! Ah le stress de la pile "sans retour possible" qui ne descend pas, et nous fait se réveiller la nuit en sueur - mais je m'égare !)

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Note de lecture : 2/5 (je suis vraiment passée à côté !)

Ce roman est un

livrevoyageur
gentiment prêté par Goelen.
La lecture, beaucoup plus enthousiaste que la mienne, de Gambadou, et celle, toute en nuances, de Katell.


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