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La parenthèse attendue

Publié le 17 avril 2013 par Pascal Boutreau

IMG_0938Et voilà, retour au monde non civilisé après dix jours passés dans le désert du sud Maroc. Pas facile la transition même si l'arrivée du printemps sur la France a permis d'atténuer le choc thermique (plus de 40° certains jours du côté du Maroc). 

Le Marathon des Sables, c'était la troisième fois que je le vivais. Une première fois en tant que coureur en 2009 puis ces deux dernières années comme journaliste pour le service de presse de la course. L'occasion de voir les deux facettes de cette course pionnière des courses extrêmes, à une époque où le mot trail n'existait pas encore et où les organisateurs ne rivalisaient pas pour savoir qui avait la plus dure (je parle des courses). 

Aujourd'hui, le Marathon des Sables, c'est plus de 1000 coureurs venus de près de 50 pays et une équipe d'organisation de plus de 400 personnes. Un vrai barnum qui se déplace de bivouac en bivouac pendant une semaine avec pour les coureurs six étapes comprises entre 30 et 75km à parcourir en auto-suffisance alimentaire. Ce barnum, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé. Mais la richesse du Marathon des Sables repose dans la multitude des petites histoires qui au fil des éditions ont permis d'écrire la grande histoire de l'épreuve. Des petites histoires de coureurs et d'organisateurs qui font que le MDS a une âme. J'essaierai dans une prochaine news de partager quelques-unes de ces petites histoires et surtout de ces rencontres qui font du MDS un rendez-vous à part dans la vie d'un coureur d'ultra. 

Pour le moment, voici la compile des news que j'ai eu le plaisir de régider tout au long de la semaine. Vous pouvez les retrouver sur le site de la course www.marathondessables.com avec également plein de jolies photos et de portraits de coureurs. 

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« Demain, c’est la liberté ».- Il est à peine 6 heures du matin. A l’horizon, le soleil peine encore à éclairer le djebel Irhs où se s’est posé le premier bivouac du 28e MDS. Le vent qui a agité la première nuit s’est heureusement assagi. Autour du bivouac, certains courent déjà. Un décrassage de quelques minutes pour dérouiller les jambes. L’occasion aussi de se rassurer, de s’immerger dans l’ambiance.

En attendant le passage aux contrôles techniques, il y a les habitués, les vieux routiers. Depuis plusieurs années, ils se retrouvent sur le MDS avec la sensation de s’être quittés il y a à peine quelques jours. Pour eux, la routine est bien installée. Mais par expérience, ils savent aussi que le MDS n’est pas une course comme les autres et que tout peut y arriver.

Et puis il y a les « bizuths ». « C’est la journée la plus difficile, confie Fulvio Villano. L’Italien de 70 ans a l’expérience de six MDS. « Tu passes ta journée à te demander ce que tu prends avec toi et ce que laisses dans ta valise. C’est le point de non retour. Après le contrôle technique, c’est terminé. La seule chose dont tu es sûr, c’est que ce stress d’avant course, tu le laisses dans cette valise. Et demain, c’est la liberté ! »

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En route pour l’aventure.- Le mythique tube « Highway to Hell » d’ACDC a soudain retenti dans le djebel Ihrs, quelque part dans le Sahara sud-marocain. Le traditionnel signal de départ sur le Marathon des Sables, la libération pour les 1024 participants de cette 28e édition, un record. Tandis que les favoris s’envolaient dès les premiers kilomètres, la longue file indienne des coureurs s’étendait à travers les somptueux paysages. Après la traversée d’une petite vallée débouchant sur l’oued Rhéris, un des plus gros oueds de la région, la caravane pénétrait ensuite dans son premier champ de dunettes. Moment toujours magique pour ces coureurs venus du monde entier, l’esprit rempli de ces images qui ont fait la légende du Marathon des Sables.

Cette première étape est pour les plus anciens l’occasion de retrouver leurs repères. Pour les novices, elle est une immersion dans l’aventure, dans l’esprit MDS où la difficulté du parcours est largement compensée par le plaisir de laisser sa trace dans ce décor unique. Un dernier col très caillouteux pour pénétrer dans l’oued Tijekht et la banderole d’arrivée, symbole de délivrance et de repos, est en vue.

Plus longue que d’ordinaire, cette première étape aura marqué les esprits. Les organismes aussi avec des températures déjà supérieures à 35°. Peu de répit pourtant sur le Marathon des Sables.

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Au pied du mur de sable.- Il est là devant eux. Le djebel el Otfal se dresse devant les 1017 coureurs de la deuxième étape du 28e Marathon des Sables. Deux kilomètres de montée avec une pente à 25% de moyenne, épilogue et point d’orgue d’une étape de 30,7km au cours de laquelle ils ont déjà gravi le djebel Hered Asfer et pu apprécier sur ses crêtes, ses formes si particulières qui donnent parfois l’impression d’apercevoir des châteaux forts. Tous ces coureurs se sont ensuite engouffrés dans une longue vallée avant de se retrouver, là au pied de ce mur de sable. Sur la paroi, haute d’’environ 250 mètres, le sable s’est accumulé au fil des saisons, poussé par les vents du désert. Un sable qui rend chaque pas encore plus difficile, avec parfois même la sensation de reculer. Terrible quand, sous un soleil de plomb, on se bat depuis des heures pour avancer, juste avancer quelle que soit l’allure, pour rejoindre le bivouac posé au pied de la descente. L’effort est brutal, intense. Mais au sommet la récompense est là, un panorama à 360° sur l’ensemble de la région et une immense étendue, fascinante par sa platitude, où les attend le bivouac.

Si les premiers, avec comme la veille les victoires de Mohamad Ahansal et Laurence Klein, auront mis moins de trois heures pour boucler l’étape, derrière, certains auront besoin de plus de 8 heures pour rejoindre leur tente et goûter un indispensable repos.

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De toutes les couleurs.- Le blanc des lacs asséchés, l’orange et le rose du sable, le noir des rochers et le bleu du ciel, la 3e étape du 28e Marathon des Sables a offert aux 1001 coureurs une formidable palette de couleurs sur les 38km entre le Djebel El Otfal et le Djebel Mouchanne. Les pisteurs avaient prévenu : « c’est l’une des plus belles étapes du Marathon des Sables. » Promesse tenue avec d’impressionnantes images de cette longue file indienne se dessinant au travers des brumes de chaleur sur d’interminables lignes droites. Parfois, au loin, on croit même distinguer quelques mirages. Phénomènes physiques, hallucinations dues à la fatigue, difficile de savoir. Grand moment aussi lors de la traversée de la passe EL March avec son oasis, ses palmiers mais aussi son sable qui rend chaque pas plus éprouvant. Il faut pourtant avancer vers le djebel Ras Kemouna, longer les montagnes Zireg où s’est collé le sable et enfin, sous un soleil que la disparition du léger voile du matin rend désormais brûlant,  affronter une ultime ligne droite de près de dix kilomètres sur un lac asséché puis à travers quelques dunettes. Au bout, le bivouac et la perspective de se reposer avant d’affronter la longue étape de mercredi. Une étape de 75,7km entre Mouchanne et le djebel El Mraïer crainte par la plupart des coureurs. Longue sera la route.

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Un long voyage.- Cette étape longue de 75,7km, ils en ont tous rêvé. Certains avec impatience, d’autres, majoritaires, avec anxiété. Beaucoup n’ont jamais couru autant. La fatigue accumulée lors des trois premières étapes amplifie encore les interrogations. Alors, au moment du départ, Patrick Bauer, le directeur de course, tente de les rassurer. « Pas de stress », recommande-t-il. Pas sûr qu’il réussisse à convaincre tout le monde.

Cette quatrième étape du Marathon des Sables est souvent le moment de vérité. Un voyage d’à peine sept heures pour les premiers, de plus de 30 heures pour les derniers (34h temps maximum autorisé). Voyage physique, voyage intérieur aussi où la réflexion sur soi, sur la vie, est souvent la plus fidèle compagne au fil des kilomètres.

Mercredi, à 8h30 (11h30 pour les 50 premiers hommes et les 5 premières femmes), sous un soleil déjà très généreux, 991 coureurs se sont élancés de Taourirt Mouchanne, direction le djebel El Mraïer. Ils ont d’abord franchi un petit col, traversé à nouveau l’oued Rhéris avant d’affronter pour la première fois depuis le départ, de grands cordons de dunes sur plusieurs kilomètres. Ces dunes qu’ils ont vues dans les magazines ou dans les reportages, ses dunes qui les ont fait rêver depuis des mois, des années. Les premiers arriveront en fin de journée mais beaucoup poursuivront leur route toute la nuit, guidés par leur lampe frontale et surtout éclairés par les étoiles. Suivre sa bonne étoile, une philosophie à appliquer à chacun de ses pas sur la caravane du Marathon des Sables. Ce soir, ou demain, quand ils franchiront la ligne d’arrivée, ils seront fiers, d’entrer à leur tour dans la grande histoire du MARATHON DES SABLES.

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Hors limites.- Toute la nuit, des cris ont troublé le silence du désert. Des cris de joie, de soulagement, de libération même au passage de la ligne d’arrivée de la 4e étape du 28e Marathon des Sables, l’étape longue, celle que tous les concurrents redoutaient tant. Un peu plus de 75km entre Taourirt Mouchanne et djebel El Mraïer, pour entrer dans la dimension hors du temps du MDS. Pendant des heures ils ont avancé de CP en CP, d’oued en oued, de dune en dune, guidés la nuit par leur lampe frontale et par la lumière du grand laser vert posé au CP 5. Guidés par leur flamme intérieure aussi. Ceux qui auront eu la chance de traverser au coucher de soleil le grand champ de dunes situé entre le 45e et le 53e kilomètre, n’oublieront jamais le spectacle qui leur a été offert. Ces teintes uniques du sable et de roche, un décor grandiose pour l’un des plus beaux panoramas 360° que l’on puisse imaginer. Certains ont préféré dormir quelques heures à un point de contrôle avant de repartir boucler leur périple à travers lacs asséchés et longs plateaux parsemés d’acacias.

Au fil des heures, le bivouac a fini de se remplir au cœur de la nuit puis de la journée de jeudi. Les derniers n’arriveront qu’en fin d’après-midi, plus de 30 heures après s’être lancé dans cette grande étape. Des heures dont ils se souviendront tous toute leur vie. Des heures qui pour certains changeront même peut-être le fil de leur vie. Sous les tentes, des coureurs usés, soulagés mais avant tout heureux. Il ne leur reste plus « que » le marathon de vendredi, dernier tronçon chronométré, pour recevoir des mains de Patrick Bauer la médaille de finisher. Pour écrire l’histoire du MDS. Ou plutôt, pour écrire leur histoire.  

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Au bout de leur rêve.- Ils sont allés au bout de leur rêve, là où la raison s’achève. Au terme des 42,2km de la dernière étape chronométrée du Marathon des Sables, les 980 coureurs au départ de la cinquième étape ont enfin pu laisser exploser leur joie. Oubliée la fatigue, oubliées les douleurs, les ampoules. Oubliés les doutes. Ils sont finishers du Marathon des Sables au terme de cinq étapes qui marqueront leur vie de coureur, mais surtout leur vie d’homme.

Quelle que soit leur performance, à l’instant de franchir la ligne d’arrivée, beaucoup auront conscience d’avoir repoussé ce qu’ils pensaient être leur limite. Beaucoup se seront découverts des forces et des ressources insoupçonnées.

Pour aller chercher cette médaille dans cette étape marathon entre le djebel El Mraïer et Merdani, ils ont d’abord traversé l’oued Ziz, avant d’enchaîner sur un long plateau caillouteux. Après les oueds Moha Fighnas, près du village de Taouz, ils sont entrés dans un nouveau champ de dunettes, hors d’œuvre avant les grandes dunes de l’erg Znaïgui. A la sortie du djebel Debpuhaa, ils ont traversé l’ancien village de M’Fis aujourd’hui en ruine mais qui il y a encore une cinquantaine d’années grouillait d’ouvriers des mines de plomb voisines. Images étonnantes de ces coureurs en train d’écrire leur histoire personnelle dans un décor où l’on ressent l’histoire d’un pays.  A l’horizon, ils ont enfin aperçu la si désirée banderole d’arrivée, plantée là, sur une sol de cailloux noirs, au pied des dunes de Merzouga, les plus hautes du Maroc. Sur la ligne, beaucoup de larmes, de cris de délivrance, des scènes de joie, des moments intenses d’émotion au moment de recevoir la médaille des mains de Patrick Bauer, le directeur de course, comme le veut la tradition. 

Même si elle n’est pas chronométrée, la dernière étape, samedi, parrainée par l’UNICEF, reste obligatoire. L’occasion pour tous d’écrire à travers les dunes de Merzouga, le point final de leur aventure. L’occasion de méditer sur leur expérience, pour certains, de partager ces instants avec leur famille et leurs amis. Partage, maître mot du Marathon des Sables.  

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