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Vers une « radicalisation », dites-vous ?

Publié le 19 avril 2013 par Alex75

Vers une

Les commentateurs ne parlent plus que de cela, et il semble que le gouvernement s’en inquiète aussi. Le mécontentement des Français… se « radicaliserait ». A cet effet, certains voient dans l’ampleur et la multiplication des manifestations contre le mariage des homosexuels ainsi que dans ce qui ressemble à des appels à l’insurrection émanant de la gauche de la gauche ses signes inquiétants. Cela laisserait entendre qu’un nombre grandissant de nos compatriotes ne se contentent plus de rejeter Hollande dans les sondages, et qu’ils n’auraient pas l’intention d’attendre les municipales de l’an prochain pour faire part de leur désenchantement.

Mais comment s’étonner de cette rage des Français, devant l’incurie de ceux qui nous gouvernent ? Aucune des promesses du candidat Hollande n’a été tenue, que ce soit sur le chômage, le pouvoir d’achat, le déficit, la ré-industrialisation du pays ou encore l’Europe, et tout va de mal en pis, à un rhytme encore supérieur à celui que nous avait imposé son prédécesseur. Ainsi, le gouvernement dénonce une « radicalisation » de l’opposition et pointe du doigt certains groupuscules extrémistes sans pouvoir d’ailleurs les désigner avec précision. Mais il ne s’agit pas de quelques groupuscules. Le pouvoir a désormais en face de lui une foule immense de Français dont le ras-le-bol peut, à tout instant, se transformer en colère dévastatrice. Parce qu’ils sont menacés par le chômage  - qui va bientôt battre des records inégalés -, parce qu’ils voient, chaque jour, leur niveau de vie dégringoler - le pouvoir d’achat a régressé d’1,1 % en 2012, marquant son premier recul depuis 1984 ! -, parce que l’avenir n’est plus seulement « incertain » mais de toute évidence catastrophique. L’affaire du mariage des homosexuels n’est plus maintenant qu’un prétexte cristallisant tous les mécontentements, toutes les colères. Or, devant cette ambiance, le pouvoir reste sourd, inaudible, inerte, les bras ballants. Jamais un président de la République n’a été aussi hésitant, balbutiant, vacillant, en face d’une crise de régime, il est vrai, sans précédent. Jamais un Premier ministre n’a été aussi inexistant. Jamais un gouvernement n’a été aussi divisé entre ses socio-démocrates, ses socialistes purs et durs, ses écologistes illuminés.

Là encore, l’affaire Cahuzac n’a été qu’un prétexte (de plus) pour que les Français rejettent cette équipe gouvernementale. Peut-être pas « Tous pourris », mais en tout cas « Tous menteurs ». Cahuzac avait menti sur son compte en Suisse, mais il avait aussi menti sur les résultats de sa politique budgétaire. Tout comme Hollande, lui-même, avait menti en nous annonçant un retour aux 3 % de déficit ou, bien pire encore, qu’il inverserait la courbe du chômage avant la fin de l’année. A cet effet, dans des situations similaires (mais cependant moins graves) Mitterrand avait su opérer le virage de la rigueur, remplaçant André Mouroy, « le Rougeot de Lille » ou « Gros Quinquin » comme on le surnommait par Laurent Fabius, et Chirac n’avait pas hésité à faire une dissolution, quand le pays était bloqué par l’intransigeance de Juppé, « le meilleur d’entre nous », droit dans ses bottes, sur les recommandations de Dominique de Villepin. Si nos institutions garantissent la stabilité du pouvoir, elles offrent trois échappatoires en cas de crise et de blocage : le remaniement gouvernemental, la dissolution et la voie référendaire. Avec, bien sûr, pour les deux dernières solutions, tous les risques qu’elles comportent. Buté comme pas deux, le président de la République préfère faire le dos rond, s’imaginant naïvement, que « les choses » finiront par se calmer d’elles-mêmes pour peu que la croissance redémarre miraculeusement aux Etats-Unis ou ailleurs. Mais « les choses » ne se calmeront pas d’elles-mêmes, car elles sont symptomatiques de la déliquescence de notre économie, et de celle de l’Etat, ce à quoi s’ajoute désormais un rejet viscéral du pouvoir en place.

Face à cette situation, l’opposition reste relativement effacée - divisée au sommet par sa lutte fratricide -, et ne pensant qu’à la présidentielle de 2017, voire même à celle de 2022, en misant sur un hypothétique retour en politique de Nicolas Sarkozy. Entendant ménager la chèvre et le chou, les ténors de l’UMP ont raté la marée populaire se levant contre le mariage dit « pour tous ». Ils n’ont pas bien compris et analysé que si des millions de Français entendaient protester contre ce chamboulement de notre société qu’on leur imposait, ils voulaient aussi profiter de cette occasion pour exprimer leur ras-le-bol contre une politique aggravant considérablement leur situation, sans pour autant donner au pays la moindre chance de redressement. Du coup, l’opposition, la vraie, se trouve dans la rue, sans chef et sans organisation, et sans autre programme que de crier « Hollande démission ». Et forcément, devant le mépris que lui jette au visage le pouvoir, elle se radicalise. Quand Frigide Barjot, la pasionaria des anti-mariage gay, promet du « sang » à François Hollande s’il insiste avec sa loi, quand des ouvriers d’Aulnay font irruption au conseil national du PS pour crier à la trahison des clercs socialistes, quand Jean-Luc Mélenchon attend avec impatience sa manifestation du 5 mai pour « donner un coup de balai » à la Ve République, il y a ainsi de quoi se poser des questions. 

Les mécontents d’aujourd’hui veulent le changement qu’on leur avait promis, pas celui de la société mais celui de leur vie personnelle, faite désormais de privations quotidiennes, de dégringolade sociale, d’angoisse pour l’avenir immédiat. Alors oui, les foules défilant ces jours-ci dans les rues se radicalisent. Il n’y a pas de quoi s’en étonner. Or, ce genre de mouvement, on ne s’aperçoit jamais quand ça commence et on sait encore moins comment ça finit.

     J. D.


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