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La Réformation en Hongrie et en Transylvanie

Par Monarchomaque
Le prince de Transylvanie Gabriel Bethlen (1580-1629) recevant le conseil d'un pasteur sur une monnaie hongroise

Le prince de Transylvanie Gábor Bethlen (1580-1629) recevant le conseil d’un pasteur réformé sur une récente monnaie hongroise

L’historiographie de la Réformation protestante aux XVIe et XVIIe siècle a largement négligé l’Europe centrale et orientale. Cet article vise à remédier en petite partie à cette lacune. Depuis le milieu Moyen Âge, la Hongrie formait un puissant royaume au nord des Balkans. La Hongrie avait intégré la sphère géopolitique de la Chrétienté occidentale lorsque Étienne Ier de Hongrie se convertit au christianisme en l’an 1001. En 1526, les Hongrois furent battus par les Turcs musulmans à la bataille de Mohács. Cela entraîne en 1538 l’éclatement de l’ancienne Hongrie médiévale : les Habsbourg d’Autriche s’emparent du territoire comprenant l’ouest des actuelles Hongrie et Slovaquie, zone appelée la « Hongrie Royale ». La majorité de la noblesse hongroise constitue un État comprenant l’est des actuelles Hongrie et Slovaquie ainsi que la vaste région de Transylvanie aujourd’hui en Roumanie. Ce second États hongrois s’appelle dès lors la Principauté de Transylvanie, bien que les Hongrois eux-même l’appellent le « Royaume de Hongrie orientale ». Puis, en 1541, les Ottomans s’emparent du centre de la Hongrie actuelle qu’ils organisent en province, la « Haute-Hongrie », scindant ainsi la Hongrie en trois entités politiques distinctes pour deux siècles et demi.

Voici quelques cartes pour vous situer géographiquement (cliquez pour élargir) :

La Hongrie (en rouge) et la Slovaquie (en jaune) aujourd'hui

La Hongrie (en rouge) et la Slovaquie (en jaune) aujourd’hui

La Hongrie en 1550

La Hongrie en 1550

La Hongrie en 1683

La Hongrie en 1683

La Transylvanie en Roumanie aujourd'hui

La Transylvanie en Roumanie aujourd’hui

Comme en France, le protestantisme se propage rapidement en Hongrie dans la décennie 1550. En 1557, un premier synode national a lieu à Csenger, ville située à la pointe est de l’actuelle Hongrie. En 1567, un second synode national réunit à Debrecen (en zone transylvaine) adopte la Confession helvétique postérieure rédigée par Bullinger, le successeur de Zwingli à Zurich. Debrecen devient dès lors le centre académique protestant le plus important en dehors de l’Europe occidentale, au point que cette cité porte le surnom de Roma Calvinista jusqu’à ce jour. En 1568, la Diète (assemblée) de Transylvanie réunie à Turda (en actuelle Roumanie) reconnaît quatre confessions religieuses (calvinisme, luthéranisme, catholicisme et unitarisme) et tolère l’« orthodoxie ». La plupart des Hongrois de Transylvanie étaient d’obédience calviniste, la minorité bourgeoise allemande était luthérienne, tandis que la paysannerie roumaine de cette principauté demeura « orthodoxe ».

De 1605 à 1699, la Principauté de Transylvanie forme un État quasi-indépendant possédant ses propres institutions, ses propres lois et sa propre armée. Officiellement vassale de l’Empire ottoman mais également convoitée par le Saint-Empire romain des Habsbourg, ses princes réformés réussissent à maintenir une politique d’équilibre et d’autonomie vis-à-vis ces deux pouvoirs hégémoniques. Sous le règne de ces princes, la culture hongroise épanouit et les fondements littéraires du magyar (la langue hongroise) sont établis grâce à des traductions de la Bible. Les écoles et les collèges se multiplient. En 1653, l’érudition réformée produit la Magyar Encyclopaedia, première œuvre de cette envergure en cette langue.

Sources :

Plaque commémorative en l'honneur du prince réformé Étienne II Bocskai à Košice en Slovaquie

Plaque commémorative en l’honneur du prince réformé Étienne II Bocskai à Košice en Slovaquie

Monument de Gábor Bethlen sur la Place des Héros à Budapest en Hongrie

Monument du prince réformé Gábor Bethlen sur la Place des Héros à Budapest en Hongrie

Comme la quantité de ressources françaises sur la Réformation en Hongrie et en Transylvanie est très limitée, j’ai dressé une une listes des princes calvinistes de Transylvanie du XVIIe siècle récapitulant leurs principales réalisations…

  • Étienne II Bocskai (1604-1606) : Il mène une insurrection anti-Habsbourg en 1604-1606 pour la défense des protestants ; il obtient — avec la Paix de Vienne conclue avec les Habsbourg en 1606 — l’indépendance de la Transylvanie et la liberté de culte des réformés en Hongrie Royale.
  • Gábora (ou Gabriel) Bethlen (1613-1629) : Il construit un nouveau palais à Alba Iulia, la capitale transylvaine ; il fonde une académie réformée ; il oblige les propriétaires terriens à scolariser les enfants de leurs serfs ; il guerroie contre les Habsbourg en Slovaquie de 1619 à 1626 pour soutenir les protestants tchèques et allemands dans le cadre de la Guerre de Trente ans ; il obtient le respect de la liberté de culte des réformés en Hongrie Royale.
  • Georges Ier Rákóczi (1630-1648) : Il défait les Ottomans de Haute-Hongrie en 1636 ; assiège Brno (la capitale de la Moldavie) avec les Suédois en 1644 ; il obtient la liberté de culte pour les réformés de Hongrie Royale ainsi que le contrôle des sept comtés (le Partium) au Traité de Linz en 1645 ; bâtit le Palais Rákóczi à Prešov dans l’est de l’actuelle Slovaquie.
  • Georges II Rákóczi (1648-1659) : Il s’allie à la Suède et le Brandebourg (des puissances protestantes) à la fin de la Guerre de Trente ans en 1648. Aux négociations de Westphalie terminant cette grande guerre européenne en 1648, la Principauté de Transylvanie siège comme État indépendant.
  • Jean III Kemény (1560-1562) : Il entreprend une expédition dans le Grand-Duché de Pologne-Lithuanie où il est fait prisonnier par les Tatars de Crimée (des musulmans à la solde  des Turcs) de 1656 à 1659.
  • Michel Ier Abaffi : (1661-1690) : Il combat les Habsbourg dans la campagne de 1683 ; il accepte la suzeraineté des Habsbourg en 1687 en contrepartie d’un traité en vertu duquel la Transylvanie conserve ses droits politiques et religieux.
  • Imre Thököly (1690) : Il est prince de Haute-Hongrie dès 1681 ; il guerroie contre les Habsbourg en 1683 mais est emprisonné à Andrinople par le sultan en 1686 ; il écrase une armée Habsbourg à la bataille de Zărnești (au nord-ouest de l’actuelle Roumanie) en 1690 mais doit se réfugier en Thrace à cause des autres avancées de la « Sainte-Ligue » catholique.
Les trois poches réformées en Hongrie et Transylvanie et début du XXe siècle

Trois enclaves réformées en Autriche-Hongrie au début du XXe siècle (en vert)


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