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L’affaire est dans le sac

Publié le 22 avril 2013 par Fabricegil @thenewreporter

Il est devenu un accessoire incontournable, devançant même la cravate. Oui messieurs, nous tous, ou presque, transportons désormais notre vie professionnelle et/ou intime sur le dos ou à bout de bras. Plongée curieuse… dans l’univers du sac d’homme.
Les séducteurs l'aiment en cuir, patiné et vieilli. Les sportifs le portent bien sanglé sur le dos. Les urbains se ceignent le torse de sa bandoulière. Même les minimalistes en promènent un - en plastique - souvenir nostalgique de supermarché… Qui? Le sac ! Délesté de son épithète à main, il s’est immiscé où beaucoup ne l'attendaient plus, sur la silhouette masculine. Révolution stylistique du début du siècle: le sac est devenu une affaire d'homme.

L’affaire est dans le sac

de gauche à droite : modèle Daniel GM - Louis Vuitton www.louisvuitton.frmodèle r509 Murray - Freitag www.freitag.ch

No Alzheimer, toutefois : c'est l'homme qui inventa le sac au néolithique, poussé par la nécessité vitale de garder les mains libres pour chasser. C'est l'homme encore une fois, monarque du Moyen Age, qui planquait ses sous dans une bourse au bout d'une cordelette. Malgré ses origines glorieuses, le baluchon d'homme moderne est désormais sorti de son funeste purgatoire. Le sac masculin survient dans les années 1980, avec l'irruption du sac à dos - fondamental, puisqu’il décomplexe instantanément la gente masculine. Il séduit les cadres dynamiques d'alors; ceux qui, grisés par leur nomade bureau, transportent leur ordinateur portable du haut de leurs rollers-skate. Ce sac de baroudeur, leader du marché, sied à l'envie moderne d'une allure légère et sportive. Il crée comme une petite armure tenant chaud au dos et libère le geste sans faire courir le risque de paraître efféminé. Bref, il est parfait. Tous les hommes des villes l'adoptent, devenant des "fashion alpinistes".Décrispés, déniaisés, les hommes n'auront bientôt plus besoin de ce subterfuge, qui a l'inconvénient de rendre l'allure toujours sportive ou relâchée. Désormais, ils assumeront de porter un sac, tout court. Les plus avant-gardistes opteront dès les années 1990 pour une besace design ou pour une gibecière brute, inspirée du sac de plombier. Une tendance qui perdure très fortement, à coups de cuir patiné fleurant bon le vintage. Autres succès: les sacs dits de coursiers New-yorkais et les sacoches de DJ, grandes comme des 33-tours. Qu'elles soient signées Freitag(signature suisse de sacs en bâches de camion) ou frappées du damier Vuitton, elles triomphent.
Trendy depuis plusieurs saisons déjà, le port du sac explose vraiment sur le podium des défilés masculins. Il dépasse désormais la cravate… et les hommes exultent. Le sac masculin n'est plus seulement un attribut fonctionnel, il devient accessoire de mode proprement dit : le mâle du nouveau millénaire s’assume et l’assume complètement. Audacieux, Monsieur s'essaiera même à la Pochette qui contre la règle tacite du sac d'homme - grand pour faire mec - arbore un Goyard ou Pierre Hardy. 

L’affaire est dans le sac

de gauche à droite pochettes : Pierre Hardy www.pierrehardy.com Goyard www.goyard.com

Certes, ce ne sont là qu'épiphénomènes branchés bobos parigots en manque d’existentialisme, mais les tabous tombent peu à peu. L'un d'eux avait cédé… concernant son port. De plus en plus d'hommes avaient délaissé la besace pour un réticule bien plus chic, tenu à bout de bras: le cabas. Le fameux sac à provisions d'antan, celui garni d’une belle baguette et de quelques légumes fraichement achetés sur le marché. Vertical et assez haut, il s'était annoncé comme le nouvel accessoire culte. Tout juste était-il muni d'anses un peu plus longues que sur un cabas féminin. Joker pour les réticents: le sac polochon, inspiré du baluchon de sport, ou le sac week-end (souvent nommé 24h ou 48h), se confondait avec un petit bagage. Quel que soit leur choix, beaucoup d'hommes perçoivent aujourd’hui leur sac comme un attribut narcissique. Même s'ils sont encore pléthore à se réfugier derrière l'alibi du sac purement professionnel, ils masquent tous un lien tendre et jaloux pour leur musette. Et, quand il s'agit de plonger dans leurs sacs, les hommes sont étonnamment loquaces et passionnés. "Je promène mon sac comme mon gros toutou, me dit un ami. J'en ai besoin tout le temps. C'est comme une extension de ma maison, il est rempli de choses personnelles, il contient un peu de moi."
Si les femmes ont souvent deux sacs (un intime, l'autre professionnel), les hommes n'en ont qu'un, lieu de passage d'une identité à une autre. Le sac du Cadre est aussi celui de l'amant ou du papa. Leurs vies se chevauchent, concentrées en quelques milliers de centimètres cubes… Un savant brouillage des pistes qui renforce le poids d’un secret bien gardé. Autrefois, le sac du travailleur était détenteur de son secret professionnel : les savoir-faire étant devenus immatériels. Reste une ultime énigme: quels hommes vivent sans sac? "Souvent ceux d'un certain âge, que le mot même effraie. On pourrait ajouter: les machos, raidis dans leurs certitudes, ou plutôt... perdus dans un cul-de-sac ! Pour les autres, pour nous, plus de doute sur la morale de l'histoire: on l’affiche naturellement, de façon expressive… intemporelle.Fabrice Gil 

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