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Cosy

Publié le 17 avril 2008 par Steven Petitpas

Dans la vie, les choix se font légion. De fait, chacun d’entre nous a déjà été confronté à un choix, le plus basique opposant deux possibilités, deux chemins. On parle de choix binaire, d’alternative, de dilemme : la porte de gauche ou la porte de droite ? C'est là une dualité indépassable, essentielle, qui toujours nous accompagne. Reste que les choix, toujours, sont difficiles, ardus, car même les plus petits d’entre eux sont synonymes d’engagement de soi. Choisir un chemin plutôt que l’autre c’est en effet prendre le risque de se tromper, prendre le risque d’échouer, de rater ou de manquer quelque chose.

Ces fadaises assemblées en guise d’introduction peuvent paraître courues. J’ai pourtant été confronté à un choix, ici, en Angleterre, et, malgré l’aspect anodin du dilemme, ma décision a bien failli me faire manquer quelque chose d’unique. Laissez-moi vous compter cette histoire. Je tenterai, cher lecteur, de dompter mes effets.

Un soir, un soir qui ne se différencie pas vraiment des autres, mes amis et moi avions décidé de nous rendre dans un pub pour fêter dignement la fin de la journée (ou peut-être le début du week-end, je ne sais plus trop, tout devient flou avec le temps). Ayant parcouru la plupart des hauts lieux de High Street, artère de nos soirées d’éthyle, nous avions décidé de nous éloigner un peu des sentiers battus et de nous rendre dans un pub appelé The Ship, non loin de Castle Road. Il nous fallut marcher quatre minutes, peut-être cinq, contre le vent, contre la bruine déchaînée, avant de finalement atteindre, vainqueurs, notre destination. Mais quelle ne fut pas notre surprise quand nous nous aperçûmes que The Ship nous obligerait à faix un choix. Un choix binaire. Terrifiant.


Cosy


Nous étions en effet confrontés à deux portes : une porte à gauche, une porte à droite. Diantre ! Que faire ? Anxieux, angoissées, un rien craintifs, nous décidâmes de franchir la porte de gauche, celle d’où émanaient les sons connus de la boisson. Qu’est-il arrivé alors ? Vous tremblez de le savoir. Exténués par notre longue marche, nous cherchâmes une table où nous vautrer élégamment, et ce dans un lieu qui malheureusement ne payait pas de mine : téléviseurs pro-footbalistiques, bruit, rires gras, décoration banale, glaciale, sans esprit, sans âme… Aussi, refusant de se laisser mourir, bien décidés à chasser la morosité du navire, enclins à noyer notre spleen dans le nectar anglais, nous eûmes un réflexe pour le moins britannique : la bière. Après quelques gorgées bienfaisantes, l’un d’entre nous eut, aussi soudainement que l'apparition de Tirésias à Ulysse, une illumination : et si nous nous étions trompés ? Si la porte de droite avait offert un autre monde, le monde tant espéré ? Et si, de l’autre côté du voile, par delà le bois, s’étendaient des archipels sidéraux ? Des îles dont les cieux délirants sont ouverts aux vogueurs ? Saisis par la pertinence de la remarque, plus légers que des bouchons nous dansâmes sur les flots, et le cœur plein de confiance sortirent, bière en main, prêts à saisir l’espoir par sa poignée de fer. Le cœur serré, furieux, la main fébrile, nous passâmes l’autre porte.

(Silence.)

Je me souviens d’une cheminée de pierre au foyer crépitant. Je me souviens d’une moquette épaisse et douce, moelleuse sous nos pieds. De vieux sièges de velours rouge, des petites tables de bois. Un plafond bas de poutres brunes. L’endroit était petit, cinq ou six tables à peine. Des lumières rouges et jaunes, datées, vieillies. Un comptoir étroit, orné d’une cloche dorée, dont la soif des clients appelait le tintement. Un kitch léger, affleurant à peine sous les gravures et les babioles jetées ici et là. Une atmosphère douce, tranquille, douillette. La chaleur d’un foyer partout autour de nous. Un mot me vient pour décrire les contours de notre bateau ivre : cosy. The Ship, ou l’expérience directe du cosy. Un endroit en tout cas bien agréable.

Cosy

Si d’aventure vos pas vous menaient jusqu’ici, n’hésitez pas, mes amis, à chercher ce bateau. Mais pour fouler le sol souple de cette belle taverne, encore vous faudra-t-il, le moment venu, emprunter le bon chemin…


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