Contraintes budgétaires

Un Livre Blanc sur la Défense …moins pire que redouté.
La Défense française n’est pas vraiment mise ŕ la dičte mais s’achemine néanmoins vers des moments difficiles. Le Livre Blanc rendu public lundi soir est un document dominé de bout en bout par des préoccupations budgétaires et franchement moins par la prise en compte de menaces plus que jamais diversifiées et évolutives. Qui plus est, ce document de 160 pages illustre un paradoxe bien connu : d’excellentes capacités d’analyse des situations les plus complexes mais, ŕ l’opposé, des propositions d’adaptation quelque peu décevantes.
On est tenté d’ajouter, d’entrée, que la France donne la preuve, noir sur blanc, qu’elle n’a plus tout ŕ fait les moyens de ses ambitions. Mais la réalité est sensiblement plus nuancée, la preuve étant qu’aucun programme d’équipement n’est abandonné ou reporté ŕ d’hypothétiques jours meilleurs. Mais le Ťformatť va ętre réduit, avec 34.000 postes supprimés (dont 10.000 étaient déjŕ programmés dčs 2008) tandis que l’armée de l’Air et l’Aéronautique navale vont subir de plein fouet les conséquences de moyens réduits : 225 Ťavions de chasseť Air et Marine seront programmés, au lieu de 286. Il y a une vingtaine d’années, chacun s’en souvient, le général Bernard Capillon, chef d’état-major de l’armée de l‘Air, s’était battu pour ne descendre en aucun cas en-dessous des 600 avions de combat…
Le budget d’ensemble dévolu ŕ la Défense, dit le Livre Blanc, se montera ŕ 364 milliards d’euros pour la période 2014-2025, dont 179 milliards pour la durée d’application de la prochaine loi de programmation militaire, c’est-ŕ-dire 2014-2019. Rue Saint-Dominique, au Cabinet du ministre Jean-Yves Le Drian, on redoutait secrčtement le pire, tout en sachant que le départ Ťprécipitéť de Jérôme Cahuzac constituait une bonne nouvelle. Davantage que d’autres, il voyait les budgets militaires comme une proie facile, une variable d’ajustement commode. Le fait est que le pire n’est pas survenu, commandes complémentaires de Rafale mises ŕ part, avec le maintien des 50 A400M programmés (le texte, curieusement, dit Ťune cinquantaineť, peut-ętre en prévision d’un léger recul), sept AWACS et 12 ravitailleurs/MRTT, deux de moins qu’envisagé précédemment. Sont également prévus 12 drones de surveillance, ce qui est bien peu. Mais le porte-avions Charles de Gaulle n’est pas remis en question, encore qu’on ne puisse s’empęcher de noter que l’époque oů il était question de construire son frčre jumeau fait inexorablement partie d’un passé d’avant récession. L’armée de Terre aura des chars lourds (200) et médians (250), 140 hélicoptčres de reconnaissance et d’attaque, 115 autres dits de manœuvre et 30 drones tactiques.
La préface du Livre Blanc due au Président de la République souligne que Ťl’Europe avance sur la voie d’une intégration économique et financičre, mais au prix d’une maîtrise sévčre des dépenses publiquesť. François Hollande saisit l’occasion pour affirmer que Ťles Etats-Unis s’apprętent ŕ mettre fin ŕ une décennie d’engagements militaires et revoient leurs priorités, dans un contexte de remise en ordre de leurs finances publiquesť. Ce qui est exact mais un peu moins simple que ces propos ne le laissent supposer. Enfin, les menaces sont soigneusement énumérées, confirmées, terrorisme, cybermenace, prolifération nucléaire.
La question est évidemment de savoir si la France peut ainsi tenir son rang. D’autant que le budget de la Défense n’est pas tout. Ainsi, le Livre Blanc ne manque pas de s’attarder sur la présence française sur la scčne internationale, grâce au Ť deuxičme réseau diplomatique dans le monde aprčs celui des Etats-Unisť.
Reste le non-dit, ŕ savoir que le budget de la Défense est tombé ŕ 1,5% du PIB, venant de plus de 5% lors de la naissance de la Ve République. Bien sűr, les temps ont changé, les priorités ont profondément évolué. Mais la plančte Terre ne vit toujours pas en paix et, pour une grande puissance ou supposée telle, le temps n’est toujours pas venu de baisser la garde.
Pierre Sparaco - AeroMorning