« 我是广州人 » : Rencontre avec M. Bruno Bisson, Consul Général de France à Canton

« Que fait un consul ? C’est un peu comme un préfet c’est ça ? »
Le souvenir de la question d’un responsable de PME normand face au Consul de France lors d’une réception à l’occasion de la Foire de Canton (dont la 113ième édition bat son plein jusqu’au 5 mai) , ajouté au fait qu’une bonne moitié des lecteurs d’Une Fille en Chine soit basée en France m’a amenée à proposer la « Rencontre en Chine du Sud » de printemps à M. Bruno Bisson, Consul Général de France à Canton depuis septembre 2011. L’occasion de préciser les missions d’un Consulat Général, faire le point sur la présence française dans la région, noter l’importance grandissante de la Chine du Sud et discuter de l’influence des blogs et réseaux sociaux aujourd’hui.
Un grand merci à Monsieur le Consul Général pour s’être prêté au jeu et pour la qualité de nos échanges.

Monsieur Bisson, pourriez-vous d’abord nous préciser les missions d’un Consul Général ?
Le Consul Général a pour devoir d’administrer la communauté Française dans sa circonscription et d’assurer sa protection dans le strict respect des lois de l’Etat de résidence. Il agit alors à la fois comme un maire (tenue du registre de l’Etat Civil, délivrance des pièces d’identité, organisation des élections) et comme un sous-préfet, sans la responsabilité du maintien de l’ordre public mais avec un devoir de protection consulaire de la Communauté Française. Le Consul Général est aussi amené à exercer des fonctions notariales, a une mission d’assistance aux français en difficultés et met en règle avec le service national. Nous venons ainsi d’organiser une journée d’appel à la préparation à la défense, obligatoire en France, qui a rassemblé 25 jeunes.
Le Consul Général représente également la France pour les autorités du pays, en relais de l’Ambassadeur. Le consulat gère ainsi les demandes de visas par exemple, qui ne cessent d’augmenter : nous avons reçu plus de 50000 demandes de visas pour la France en 2012, pour 28000 en 2010.
Le Consulat Général est enfin présent pour appuyer les entreprises françaises, en coordination avec les différents dispositifs en place tels Ubifrance, la Chambre de Commerce et les Conseillers du Commerce Extérieur, et s’efforce pour cela de dynamiser en permanence la relation bilatérale. Il s’agit d’aider les entreprises françaises à mieux réussir en Chine, mais aussi les entreprises chinoises à aller davantage en France, en complément de ce que fait l’AFII.
Il y a 113 consulats généraux dans le monde, et la Chine Continentale en compte cinq, à Canton, Chengdu, Wuhan, Shanghai et Shenyang. Il convient de mentionner également l’Ambassade de France à Pékin, et le Consulat Général de Hong Kong et Macau.

Quelle est la présence française en Chine du Sud ?
Le Consulat Général de Canton couvre les provinces du Guangdong, Fujian, Guangxi et l’île de Hainan. Cela représente 570000  kilomètres carrés, soit une superficie plus grande que celle de la France.
2800 français sont enregistrés à ce jour, dont 92% dans la province du Guangdong. Shenzhen puis Canton représentent les 3/4 de la présence française, il y a également 115 compatriotes enregistrés à Zhuhai, puis à Foshan, Dongguan, etc…

Le dispositif mobile pour faciliter le recueil de données pour les demandes de passeport biométriques mis en place ce mois-ci va donc vous être utile ?
Très, Canton a d’ailleurs été un poste pilote pour le test de l’outil. Cela n’exclut pas toute contrainte logistique cependant, il faut par exemple pouvoir disposer d’une bonne connexion internet.

En déménageant de Pékin à Canton en 2006 il m’a semblé que la Chine du Sud était une grande oubliée des voyages diplomatiques français. Cela change depuis quelques temps, puisqu’ Alain Juppé alors Ministre des Affaires Etrangères est venu inaugurer l’institut franco-chinois de l’énergie nucléaire de Zhuhai en septembre 2011, et que vous avez reçu Nicole Bricq, Ministre du Commerce Extérieur en janvier dernier. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
Il est essentiel de bien informer sur ce qu’il se passe en Chine du Sud, et de montrer les zones d’intérêt de la région. Deux domaines se distinguent particulièrement : le nucléaire et l’automobile. Le Guangdong est le siège de la construction d’un EPR de troisième génération, et la ministre Nicole Bricq est venue visiter le site de Taishan avec une délégation d’entreprises dans le domaine du nucléaire en janvier, afin de montrer le soutien du gouvernement français au projet. Par ailleurs la joint-venture CAPSA, qui rassemble PSA et Chang An est le plus gros investissement conjoint dans l’automobile en Chine. Le site fabriquera des DS3, DS4 et DS5, un réseau de concessionnaires a été mis en place et un centre de R&D est en cours de construction. On peut noter la présence dans la région également d’Eurocopter, Véolia, Danone, Sofitel ou Air France par exemple, mais aussi de très nombreuses PME dans des domaines variés. Une enquête menée en 2012 par la société Dragonfly conjointement avec la CCIFC et Ipsos fait état de plus de 600 entreprises françaises en Chine du Sud, de même qu’ il y a en ce moment deux vols directs quotidiens entre Paris et Canton. Le Guangdong est la province la plus riche de Chine et rassemble près de 25% des exportations du pays. C’est ici que Xi Xinping a fait son premier déplacement hors de Pékin après sa nomination, ce qui montre bien l’importance de la Chine du Sud.

 Parlant de visites, vous avez récemment invité Mme Fadela Amara à venir s’exprimer sur la condition des femmes devant des publics chinois divers, à l’occasion de la Journée Internationale de la Femme. Est-ce un sujet qui vous tient particulièrement à coeur ?
Tout à fait. Je n’ai jamais connu de différence de traitement entre frères et soeurs au sein de ma famille, et ai au cours de ma vie antérieure prôné la féminisation dans la Marine, sujet parfois délicat à l’époque. A partir du moment où une personne est formée pour un métier, le fait d’être homme ou femme n’a selon moi que peu d’importance sur la réussite qu’elle aura dans ses fonctions.

Microblog en chinois pour le service culturel du Consulat Général, association régulière de blogs français à vos événements…, comment voyez vous le rôle des réseaux sociaux et des blogs aujourd’hui ?
Les microblogs (Weibo) gérés par le service culturel fonctionnent très bien et rassemblent environ 65000 abonnés en Chine du Sud. Ils permettent de faire connaître en chinois les différentes activités mises en place dans la région, comme le Festival Croisements par exemple, organisé du 10 avril au 3 juillet.
Le rôle des blogs est également essentiel car les français ont souvent une méconnaissance de la Chine du Sud, qui provient d’un manque d’information général. Les guides touristiques parlent peu de Canton ou Shenzhen, il n’y a pas vraiment de sites internets dédiés, et les blogs ont un rôle important à jouer. Si moi je ne les suis pas, qui le fera ?

Pour conclure avez-vous un message particulier à faire passer aux français de votre circonscription ?
Partagez votre expérience de la France avec vos amis chinois, et votre expérience de la Chine avec vos amis français. Soyez vous aussi des relais ; si vous vous plaisez en Chine du Sud dites le, et dites pourquoi. Pour ma part je suis heureux de vivre à Canton, et affirme régulièrement  (ndlr : avec le sourire…), comme lors de la clôture de mon discours pour le Guangzhou Daily : « 我是广州人－Wo shi Guangzhou ren » (« je suis cantonais »)

Photo : Consulat Général de France à Canton
Mme Xiu Xiaosu, Directrice de la Commission des Affaires Etrangères du comité permanent de l’Assemblée Populaire de la Province du Guangdong, M. Bruno Bisson, Consul Général de France à Canton, M. Stefan Gallon, Consul Général d’Allemagne à Canton, M. Li Jian, Directeur Général adjoint du bureau des Affaires Etrangères de la province du Guangdong, M. Deng Rongmin, Directeur Général adjoint du bureau des Affaires Etrangères de la ville de Canton, lors de la cérémonie du cinquantième anniversaire du Traité de l’Elysée, le 22 janvier 2013 à Canton.