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Le « College boy », c’est moi !

Publié le 03 mai 2013 par Legraoully @LeGraoullyOff

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Devezh mat, Metz, mont a ra ? Bon, je ne vais pas revenir sur ce sempiternel et exaspérant (à force d’être ressassé) débat que lancent régulièrement les bien-pensants dès qu’apparait en public, fût-ce sur une simple image, un quelconque objet ou liquide faisant partie prenante de la constitution d’un être vivant mais habituellement bien caché. Il suffit qu’on voie une goutte de sang, de sperme ou d’urine pour que ces mal baisés qui ont oubliés que l’être humain n’est pas fait de sucre et de farine montent au créneau et réclament la censure au nom de la protection des mineurs, oubliant au passage que l’urgence concernant la défense des mineurs serait de leur éviter d’avoir à vivre dans des conditions matérielles précaires ou d’être braqués par les forces de l’ordre (en général, les protecteurs autoproclamés de l’enfance sont moins tatillons sur ces questions-là, allez savoir pourquoi) et que mettre en scène la violence n’a pas pour but (ni même pour effet) premier d’y inciter mais d’abord de purger le spectateur de la tentation qu’elle représente. Bref, ce débat-là ne m’intéresse plus.

Je ne vais pas non plus revenir sur la qualité de la production actuellement incriminée, le clip de la chanson College boy du groupe Indochine : à titre personnel, je ne suis pas un inconditionnel du groupe de Nicolas Sirkis mais je ne le déteste pas non plus, c’est un univers musical très particulier auquel je comprends parfaitement qu’on n’adhère pas. Ils ont des chansons que j’aime et d’autre moins, mais on ne peut pas toujours être au top, et faire des chansons parfois très bonnes et d’autres fois très connes, c’est moins bien que d’être toujours très bon (comme Thiefaine) mais c’est toujours mieux que d’être toujours très con (comme Goldman). Quant à savoir si le clip réalisé par Xavier Dolan est à la hauteur du but poursuivi, je ne me prononcerai pas là-dessus, je n’ai pas les compétences pour juger une production cinématographique et comme je suis déjà converti par l’idée défendue par l’œuvre en question, je ne suis pas le plus à même de juger de son efficacité : pour tout dire, je n’accepterai de croire à ladite efficacité que quand je verrai un collégien qui l’a vu faire son mea culpa et promettre solennellement de ne plus persécuter l’un de ses camarades. En attendant ce jour, je voudrais quand même dire franchement une chose au groupe et au réalisateur : MERCI !

Oui, je leur dis merci ! Pourquoi ? Parce qu’on ne daigne parler du harcèlement moral au collège que quand il tue ou blesse physiquement un adolescent : les collégiens peuvent bien se mettre à quinze pour persécuter un camarade dont la tête ne leur revient pas et le rendre névrosé et aigri à vie, les adultes s’en contrefoutent tant que le sang ne coule pas ! On considère le harcèlement moral comme une chose normale, tolérable, on dit « il faut bien que jeunesse se passe »…Mais merde, à la fin ! Le harcèlement moral au collège, je le connais bien, je peux vous le dire, et je n’ai jamais vu ce qu’il y avait de normal là-dedans ! J’avais le malheur de ne pas rentrer dans le moule de mes « camarades », ils me l’ont fait payer cher : j’avais des lunettes, de l’acné précoce, j’étais bon élève, je discutais avec les profs, je ne voyais pas l’intérêt de faire du tapage en classe, je n’aimais ni le foot ni la télé-réalité ; bref, j’étais LA tête de turc rêvée ! D’autant plus rêvée que vous pouvez vérifier en compulsant les œuvres destinées la jeunesse : neuf fois sur dix, un élève qui a ce profil ne PEUT PAS susciter la sympathie ! Il est FORCÉMENT perçu comme le fayot de service, le sale cafard, le rabat-joie, le futur notaire ! Les adultes ne s’y trompaient pas de mon temps, tout ce qu’ils trouvaient à dire pour me défendre était que c’était MOI qui avais des problèmes de « sociabilité » : je ne demandais rien à personne ! Si ça n’avait tenu qu’à moi, j’aurais passé ces quatre ans dans mon coin à étudier, à dessiner à e rêver… Mais c’était trop demandé, c’était moi le « bizarre », je n’avais qu’à faire l’effort d’être « normal » – j’en profite pour dire que rien que pour ça, je n’avais pas vu d’un bon œil que notre président se présente comme tel…

Vous croyez que j’exagère, que je vous dis tout ça pour me faire plaindre et dorloter ? Allez vous faire foutre, si vous ne me croyez pas, je jure sur la tête de Jonathan Hoesch (qui est un précieux collaborateur du Graoully) que c’est vrai : encore aujourd’hui, onze ans après avoir quitté le collège, j’entends résonner à mes oreilles les « tu crois qu’on en a pas marre de toi ? », les « oh, toi ! », les « Quinquis, chouchou ! » qu’on me lançait pour me faire comprendre que j’étais une monstruosité épouvantablement exotique, un moins-que-rien excentrique et désagréable, un empêcheur d’être con et auto-satisfait en rond ! Combien de fois n’ai-je pas pleuré toutes les larmes de mon corps, espérant toucher un hypothétique sens de l’empathie chez mes « camarades » trop contents de se donner l’illusion d’être déjà des hommes en me traitant plus bas que terre parce que je n’avais pas sacrifié mon intelligence et ma sensibilité sur l’autel d’une intégration à leur troupeau de rebelles de supermarché ! S’ils avaient eu la possibilité de me lyncher, je ne serais peut-être pas là pour en parler ! Si j’étais encore collégien à l’heure actuelle, je serais peut-être déjà mort ! Donc, oui, je remercie vraiment Nicolas Sirkis d’avoir fait cette chanson et Xavier Dolan d’avoir fait ce clip : leurs œuvres valent ce qu’elles valent mais elles ont au moins le mérite de tendre aux gens comme moi (car je sais que je ne suis pas seul dans le même cas) une main que les adultes (à quelques exceptions près)) n’avaient pas su me tendre en ce temps-là. Je n’hésiterais pas à dire qu’ils ont brisé un tabou face auquel la démission des adultes est trop souvent totale et je crois que je ne serai pas le seul à qui ça va faire du bien.

Conclusion : Mesdames et messieurs, quand votre enfant ira au collège, faites-lui visionner le clip de College boy en lui expliquant bien de quoi il est question : vous lui éviterez peut-être de devenir comme les petits cons qui ont fait de mes années de collège un enfer… et vous lui éviterez peut-être aussi de faire d’un de ses camarades un nouveau professeur Blequin. Kenavo, les aminches !


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