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BVA ou l'opinion qu'on forme

Par Alainlasverne @AlainLasverne

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ous savez que le gouvernement s’oppose à une proposition de loi du Front de gauche, visant à amnistier certains délits commis entre 2007 et 2013 par certains syndicalistes, lors de différents mouvements sociaux. Vous personnellement, êtes vous favorable ou opposé à cette amnistie ?

BVA, entreprise de sondage, s'est intéressé le 26 Avril à une loi qui voulait supprimer les sanctions pour les auteurs d'actes de manifestation, contestation et résistance sociale, ce concernant une large population de salariés, paysans, étudiants, migrants et autres enseignants.

La première questionne donne d'emblée les contours de cet exercice qui ressemble d'assez loin à une enquête scientifique et objective.

http://www.bva.fr/fr/sondages/questions_d_actu_bva-cqfd/la_crise_et_les_tensions_sociales.html

Encore une fois, il faut redire avant toute chose que se pose la question de ces groupes privés sondant l'opinion en toute opacité de leurs méthodes et de leurs panels. La Commission des Sondages ne révèle rien là-dessus au citoyen, pas plus qu'elle ne leur demande des comptes ou n'applique des règles avec un régime de sanction et une transparence des sondages. Et pourtant cette Commission nous coûte fort cher pour nourrir grassement quelques hauts fonctionnaires, conseillers et autres.

Il est n'est pas besoin d'aller plus loin que la première question du sondage pour constater l'idée singulière que se fait le staff de BVA de la neutralité d'un sondage.

En préliminaire, il faut appeléer que cette loi, d'abord acceptée par la majorité du Sénat, est appelée « loi d'amnistie sociale », ce qui est déjà un travestissement de la réalité, puisque l'amnistie est connotée.

On amnistie les crimes, les guerres illégitimes, les répressions sans nom. On a amnistié les dictatures notamment, non pas la plupart du temps par souci de justice mais pour ne pas embêter les anciens criminels qui ont encore trop de poids et des secrets bien embarrassants, si on les acculait à les dévoiler...

Revenons à nos moutons sondagiers. Encore une fois, on assiste à une menée propagandiste d'un de ces groupes privés auxquels Sarkozy aimait tant faire appel et avec lesquels il savait se montrer reconnaissant, comme semblent l'établir les enquêtes en cours sur les sondages menés par l’Élysée durant le quinquennat dernier.

Le principe premier d'un sondeur est la neutralité. Où est la neutralité quand on précise à l’interviewé la position du gouvernement sur le sujet de la question ?...Il est évident que cette info modifiera dans un sens ou un autre la réponse.

BVA, toujours par respect déontologique, précise que la loi « d'amnistie » concerne certains « délits »...Dans ces « délits », si l'on regarde le détricotage minutieux du texte, mené par la Commission des Lois de l'Assemblée Nationale, pour in fine rejeter tout, on trouve dans la proposition des faits et des situations qui ne sont nullement des délits au regard de la loi, ou ne le sont plus au regard de la société. Sanctions disciplinaires en entreprise, licenciements de salariés et autres « aides au séjour irrégulier d’un étranger », notamment pratiqués par diverses associations d'entraide et couramment appelées « délit de solidarité ».

Naturellement dans les personnes concernées par cette loi on trouve des syndicalistes. « Certains » syndicalistes, les syndicalistes qui commettent « certains délits ». La répétion de "certains" provoque un effet de rhétorique stigmatisant qui n'a rien à faire dans une question que le sondeur ne doit ni déontologiquementni scientifiquement orienter sous peine d’irrémédiablement fausser les résultats.

Pour finir cette vue en coupe d'un sondage malade, on ne peut manquer la phrase finale, la question qui arrive après qu'on ait amicalement tordu le bras du questionné afin qu'il réponde dans le bon sens.

Elle commence par « Vous personnellement ». Pression de quelques tonnes au centimètres carrés sur l'interviewé qui parachève l'entreprise de déligitimation du projet de loi menée par ce qu'on a quand même du mal à appeler questionnaire. Vous savez que le gouvernement est contre ce projet, vous savez qu'elle lâcherait dans la nature certains syndicalistes – violents, rouges, preneurs d'otage...Barrer la mention inutile – et rendrait leurs délits impunis. Maintenant, c'est à vous, à vous personnellement de voir.

Dernière touche de dramatisation, BVA ne demande à son panel d'être « pour » ou « contre », mais « favorable » ou « opposé ». On ne peut transiger avec le crime, il faut s'engager tout entier pour sauver la France de la horde citoyenne, syndicale et indignée.

On pourrait examiner les questions suivantes de ce sondage sobrement intitulé « La crise et les tensions sociales ». On verrait à peu près les mêmes travers, à un degré moindre peut-être. Exemple (question 2) : « Selon vous, quand le chômage se remettra - t - il à baisser en France ? ». Il est là aussi évident que la question induit la réponse, puisqu'il n'est pas permis de penser, au départ, que le chômage pourrait augmenter.

Au final, nos enquêteurs d'opinion obtiennent 75% d'opinions rejetant le projet de loi d'amnistie. Bien joué, BVA !


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