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Messages aux parents

Publié le 07 mai 2013 par Nasakenai

J’ai longtemps, mais longtemps, hésité à écrire un post comme celui que je vais pondre aujourd’hui. Mais le fait est que ce matin j’ai été agressée par un de mes « vieux potes » avec qui je prends occasionnellement le train pour aller au boulot (pas souvent car la plupart du temps je me cache pour pouvoir pioncer tranquille. Ou jouer sur ma console.).

Le pote en question est l’heureux père de deux enfants, et en est extrêmement fier. « J’en suis fier tous les jours », confirme-t-il. Lui et sa femme forment un couple depuis plusieurs années, ont eu des hauts et des bas, etc., peu importe. Ils ont acheté une petite maison et vivent avec un seul salaire, la maman étant femme au foyer. Ils doivent un peu « faire attention ». Je sais que ce bon père de famille adore me montrer des photos de ses enfants, donc quand je le vois, je lui demande toujours des nouvelles des petits (je sais comment faire plaisir aux gens). Je connais même leur âge et leur prénom.

SAUF QUE ce matin j’ai osé dire que je ne pourrais raisonnablement pas me faire à son style de vie. Que malgré mes 32 ans j’avais encore envie de vivre exclusivement pour moi, mon mec, mes potes, et que j’étais pas forcément attachée à l’idée d’avoir des enfants. Et PAF, agression. Que j’allais le regretter, que je « verrais » un jour, car l’horloge tourne, que j’arriverais à la ménopause avec des regrets (« tic tac » que tu as fait), que les enfants – et ensuite les petits-enfants - c’était la vie normale, que quand j’aurai 60 ans et que je ne voudrai plus voyager et je serai seule. Alone. Lonely. Comme une merde, en gros. Seule, sans enfant, vieille. Incomplète, avec une vie de merde derrière moi.

Ca m’a fait mal, espèce de petit con. T’as eu 30 ans avant-hier et t’as 2 gosses, et ta femme est « femme au foyer ». Tes enfants sont TELLEMENT beaux. Et tu en « es fier tous les jours », même si tu galères parfois et que ton job est un peu trop prenant (et qu’en fait t’es jamais chez toi). Tant mieux mec. Je sais aussi que t’as plus beaucoup d’amis parce que vous ne sortez jamais l’un sans l’autre (et pas beaucoup), et que tes beaux-parents sont pas très sympa, mais que tu vas néanmoins régulièrement passer un week-end chez eux (et que ça te fait grave chier; tu me l’as confirmé ce matin). Je sais aussi que ta femme t’as un peu trompé l’an dernier avec un célibataire sympa rencontré sur internet, mais que tu lui as pardonné. Qu’elle t’a forcé à abandonner ton chien parce qu’il était con, mais que tu lui as pardonné. C’est bien, il faut accepter les contraintes de la vie. Puis apparemment tes enfants compensent tout et te rendent heureux, car ils sont gentils, beaux, câlins et aimants. Et ta femme aussi.

Ok. Faisons le point. Moi j’ai 32 ans, j’ai un mec qui a dix ans de moins que moi. Et qui est très beau, aussi. On a aussi eu des problèmes, je ne vais pas le nier. Côté pratique, j’ai acheté une très belle maison et un appart’, seule, à 24 ans. Je gagne très bien ma vie, et j’ai zéro économies, parce que je dépense tout. J’ai monté ma boîte, je fais le boulot qui correspond aux études que j’ai faites. Un jour peut-être je serai rédactrice en chef. Je pars deux fois (trois fois?) par an en vacances, je pars souvent en week-end. J’ai des potes célibataires et cool avec qui je sors quand je veux, je passe mon temps libre à lire de bons livres, ou la presse de caniveau, aller au cinéma, faire du shopping, m’acheter des sacs à main, aller dans des restos différents chaque semaine avec mon mec, boire un verre de vin. Ou deux. Je suis cool, et ma vie est cool. Je me sens jeune, belle, et souvent j’ai confiance en moi, même si je déprime parfois et que j’ai encore des démons à exorciser. Je vis avec 5 magnifiques chats que j’adore. Je ne vois pas mes beaux-parents, je ne force pas mon mec à voir mes parents, même si je les aime et qu’ils sont cool, aussi. Je n’ai pas d’enfants, et aucun regret. Si: je paie beaucoup d’impôts et j’aimerais bien que mon mec fasse la vidange de ma bagnole, mais… il est coiffeur et on ne vit pas ensemble, donc même les choses masculines je dois les faire moi-même. Bon c’est un peu chiant.

Ainsi, tu vois, on n’a pas la même vie. Pas du tout. On n’a rien en commun. Je préfère la mienne, de vie. Tu préfères certainement la tienne, même s’il m’arrive d’en douter dans mes moments de méchanceté. J’adore ma vie égo-centrée, mais peut-être qu’un jour j’aurai un enfant, dans plusieurs années. A 38, ou 40 ans. Si la nature ne me le permet pas, j’adopterai un enfant, ou du moins j’essaierai. Et je lui léguerai ce que j’ai construit, et probablement que je l’aimerai comme tu aimes les tiens, et que je dirai moins de mal des enfants qui puent dans leur couche. Si, ils puent.

Mais c’est pas parce qu’on n’a pas la même vie que tu dois me mépriser. Ce n’est pas parce que je n’ai pas d’enfants que tu dois essayer de me faire peur en me disant que je finirai seule comme une vieille folle. Que quand je serai vieille je n’aurai plus rien. Déjà, tu ne sais pas ce que tu auras. Peut-être que tes enfants seront des ingrats, ou qu’ils partiront vivre en Australie. Peut-être que non. Mais peut-être que moi j’aurai autre chose, des amis, une vie sociale de vieux, un couple solide. Ou pas. Ou peut-être des enfants. Ou pas. Tu n’en sais rien, et moi non plus.

Mais je veux adresser ce message à tous les parents, et surtout à ceux qui sont satisfaits et moralisateurs: la vie des femmes comme moi n’est pas incomplète, et n’est pas moins bien que la vôtre. Et c’est mal de vouloir nous faire culpabiliser, parce que oui, ça marche. Parce que ça nous fait mal, le mépris des parents pour ce qui nous est cher (car notre vie existe et nous l’aimons, retenez ça). Pourquoi cette volonté de vouloir nous (me) voir suivre le même chemin que vous? J’ai envie de dire « mais qu’est-ce que ça peut vous foutre ».  Vos remarques et vos « C’est pour quand? », ça ne me donne pas envie de faire des gosses, ça me donne envie de me terrer encore plus dans ma bulle de liberté et de loisirs. De mettre une plus grande distance encore entre nous.

Il m’arrive de me dire que peut-être c’est l’envie qui vous guide, mais je n’irai pas jusqu’à l’affirmer. Parce que je ne vous juge pas. Et que néanmoins je connais des parents cool, qui me cassent pas les couilles et qui ne m’imposent pas leurs mioches au restaurant, donc, que je vous rassure, tout espoir n’est pas perdu.

Ah oui. Et les photos de vos enfants, les nouvelles de leur rougeole, et la première fois qu’ils vous pissent à la gueule quand vous changez leur couche, j’avais oublié de vous le dire: je m’en fous.

Sans rancune?

;)



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