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Coûts et optimisation de la filière Cash

Publié le 14 mai 2013 par Sia Conseil

Coûts et optimisation de la filière Cash Malgré les prévisions de plusieurs experts qui proclament l’avènement d’une société sans argent liquide, des études récentes montrent que les espèces restent le moyen de paiement le plus utilisé en Europe.

Selon les chiffres de l’EPC et de la BCE, il semble que l’argent liquide représente encore 60 à 80% des opérations de paiement annuelles dans l’Union européenne, et ce malgré l’essor de moyen de paiement plus modernes. Un constat qui n’est pas neutre pour les banques‌

Le cash reste roi !

Il n’est bien évidemment pas facile de connaître le volume exact de paiements en espèce, étant donné que le liquide sert principalement dans des transactions de faible montant, qui ne sont pas enregistrées. Néanmoins, plusieurs études ont essayé d’en estimer la proportion et sont toutes parvenues aux mêmes conclusions : le liquide reste de loin le moyen de paiement le plus utilisé en volume de transactions.Même si l’utilisation des espèces a diminué proportionnellement  par rapport à l’ensemble des instruments de paiements, de nombreux consommateurs, notamment les plus anciens, se sentent toujours plus à l’aise avec le liquide, qui offre toujours certains avantages :

  • Accessible à tous : personnes non-bancarisées, adolescents‌
  • Gratuit pour l’utilisateur : pas de cartes, de terminal de paiement, de commission interbancaire ou de risque de découvert‌
  • Intraçable : protection de la vie privée, économie parallèle‌
  • Tangible et simple : non dématérialisé, non dépendant d’un support ou d’un réseau d’acceptation.

A noter que quelques différences existent entre les pays de l’UE. Les pays d’Europe du Sud et de l’Est (tels que l’Italie, l’Espagne, la Grèce, la Roumanie, la Hongrie et la Pologne) sont encore des grands utilisateurs d’argent liquide. Cela peut s’expliquer notamment par des raisons historiques et culturelles.

A l’inverse, les pays du Nord sont à l’inverse de grands utilisateurs de carte, portés par les nouvelles technologies, l’efficacité des paiements électroniques et même par la loi. En Belgique par exemple, les paiements en liquide ont été limités en valeur pour lutter contre la fraude et le blanchiment d’argent. D’ici 2014, le montant maximum de paiement en espèce sera de 3.000 EUR. En France, il est question d’abaisser ce montant à 1.000 EUR.

Figure 1 – Statistique par pays dans l’UE d’utilisation d’espèce

Une gestion qui reste coĂťteuse

Pour le client, le liquide est dénué de charge d’utilisation : pas de frais ou d’abonnement alors que c’est souvent le cas pour les autres moyens de paiement. Cependant, bien que le liquide semble gratuit, c’est en réalité un instrument de paiement très couteux, particulièrement lorsqu’on le compare aux autres. Dans une étude récente menée par la BCE sur un échantillon de 13 pays européens, son coĂťt total représenterait 0,49% du PIB, soit plus que tous les moyens de paiement réunis.

Figure 2 – CoĂťts sociaux par partie prenante et instrument de paiement

Ce coĂťt intègre non seulement la production, le stockage, la distribution, la sécurité associée, la collecte, le recyclage, mais aussi le coĂťt social de la fraude et de l’évasion fiscale associée. En 2008, ce coĂťt total était estimé à 84 milliards d’euros, soit l’équivalent de 130 euros par personne. Les principaux coĂťts de gestion du cycle de l’argent liquide sont portés par les banques et les commerçants. Les commerçants subissent les coĂťts les plus élevés en acceptant et utilisant du liquide (manipulation, coĂťt de transport, coĂťt de sécurité‌) et les banques arrivent en seconde position, avec des coĂťts plus élevé pour le liquide que pour la gestion des paiements par carte !

De nombreux consommateurs ne sont pas conscients de ce coĂťt de bout-en-bout, car il ne leur est pas imputé directement. Les coĂťts de transport, un exemple parmi d’autres dans le cycle de vie des espèces, sont significatifs et sont notamment financés via le prix des services et produits fournis aux commerçants. Et c’est le client qui le paye indirectement dans le prix des marchandises et services.


Figure 3 – Part des coĂťts tout au long de la chaine de valeur des espèces

Pour les banques, le coĂťt de l’argent liquide représente un problème significatif, car elles se positionnent aux deux extrémités du cycle. Pour diverses raisons (culturelles, règlementaires, commerciales), les banques ne sont pas en mesure d’imputer directement le coĂťt de l’argent liquide sur les utilisateurs finaux, et son utilisation est subventionné de manière croisé par d’autres revenus bancaires.

Dans le but de diminuer le coĂťt du liquide et d’optimiser les activités opérationnelles, les banques se doivent avoir une compréhension profonde des dynamiques qui influencent le coĂťt des espèces, ainsi que les facteurs influençant les préférences de paiement de leurs clients, dans le but d’identifier une stratégie gagnante et d’encourager un changement du liquide vers les paiements électroniques.

Remettre en question et améliorer le modèle de gestion du liquide

A n’en pas douter, le liquide va continuer d’exister, au moins dans un futur proche, et son coĂťt va rester significatif pour les acteurs du marché. Il est donc décisif pour les banques de connaître les enjeux et les meilleurs pratiques du marché, de suivre les innovations et nouvelles règlementations, ainsi que remettre en question leurs processus internes. Optimiser sa chaine d’approvisionnement ne va pas seulement générer des bénéfices nets en termes de coĂťts et de ressources, mais cela peut aussi transformer le liquide en un élément concurrentiel différentiant. En se focalisant moins sur la gestion logistique complexe, un établissement pourra davantage se concentrer sur la satisfaction client, la réactivité et la qualité de service.

Un premier aspect de l’optimisation de la gestion du liquide consiste à se focaliser sur les coĂťts opérationnels et les tâches et processus associés. Les activités liées au liquide sont en place depuis longtemps, et la plupart du temps n’ont souvent pas été revues ou remises en question suivant l’évolution du marché. Les tâches comme la commande, la livraison et le décompte des espèces, l’entretien des distributeurs, la communication avec les parties prenantes (telles que les banques centrales, les sociétés de transport de fonds, les détaillants …), la comptabilité sont autant d’exemples de processus qui peuvent être régulièrement revus pour être optimisés ou automatisés. En effet, ces activités requièrent des infrastructures substantielles ainsi que des ressources, et sont consommatrices de temps pour les fonctions supports ainsi que les agences. Examiner des opportunités d’externalisation sur l’ensemble de la chaine de valeur est un élément clé de la réduction des coĂťts de la manipulation du liquide, pouvant permettre de se concentrer sur des services à plus forte valeur ajoutée.

Ensuite, améliorer la distribution du liquide au sein du réseau de détail (agences, détaillants, distributeurs) est un autre critère essentiel pour diminuer ou optimiser le coĂťt des espèces. Cela signifie, en particulier, optimiser les montants dans les distributeurs, dans les agences et avec les sociétés de transport de fonds, pour maximiser la disponibilité des espèces à travers les points de liquidités et minimiser le coĂťt total d’approvisionnement. Plus le réseau de distribution est large, plus la méthode de commande utilisée devient importante.

A titre d’exemple, de nombreux gestionnaires de fonds ne mesurent pas la performance des distributeurs de manière précise et ciblée. Comprendre le comportement du client, définir et suivre un ensemble d’indicateurs pertinents et automatisés sont des clés pour assurer la satisfaction du client, tout en améliorant la disponibilité des fonds et la disponibilité technique des distributeurs.

On peut également atténuer le risque opérationnel associé. La manipulation des espèces implique de nombreux intervenants et, de fait, de nombreux échanges de fichiers entre eux. Toute perte d’information entre les parties peut avoir de graves répercussions sur les coĂťts et la qualité de service. Dans ce contexte, la mise en place de tableaux de bord relayant l’information sur la commande, la distribution, le recyclage et la réconciliation des fonds entre la banque et ses parties prenantes peut aussi aider à contrôler l’efficacité opérationnelle et ainsi atténuer les risques. Dans ce domaine, des approches novatrices peuvent être prises en compte, telles que le RFID (Radio Frequency Identification) pour suivre et tracer les espèces transportées entre les clients, les agences, les entreprises de transport de fonds, la banque centrale…. Cela permet d’éviter les erreurs de scan manuel, de pertes,  et de bénéficier d’un suivi en temps réel des commandes et la gestion des stocks.

Promouvoir les paiements électroniques

Comme expliqué plus haut, l’utilisation de l’argent liquide est beaucoup plus cher que d’autres moyens de paiement, en particulier pour les banques et les commerçants. Par conséquent, tout en réduisant les coĂťts de distribution de gros des espèces, divers acteurs dans le marché des paiements sont prêts à promouvoir l’utilisation accrue des instruments de paiement électroniques. Les bénéfices de la substitution de l’argent liquide et de la manipulation des espèces pourraient être considérables et contribuent à expliquer pourquoi les autorités vont continuer la guerre aux espèces. De plus, il représente un énorme marché potentiel pour les PSPs (Paiement Services Providers) pour fournir des nouvelles solutions de paiement. Afin d’accélérer la substitution aux espèces, les banques pourraient par exemple donner des signaux transparents et directs sur les prix aux consommateurs sur les coĂťts réels des moyens de paiement qu’ils utilisent sur les lieux de vente des commerçants.

Les services bancaires mobiles, la monnaie électronique et les portefeuilles électroniques, les cartes sans contact sont autant d’exemples de solutions innovantes destinées à remplacer l’utilisation des espèces. La croissance des paiements non numéraire variera selon les pays, en fonction de plusieurs facteurs tels que l’impact de la crise financière sur l’économie, le secteur bancaire domestique et les infrastructures de paiements, les pratiques commerciales des banques et des acquéreurs, les préférences et habitudes des consommateurs, l’adoption de produits et initiatives technologiques…

Dans tous les cas, nos bons vieux billets en euro ne quitteront pas notre portefeuille pendant un bon moment étant donné que les récents chiffres européens prévoient que le liquide représenterait encore 56% des transactions de détail en 2014, même dans le cas d’un scénario « accéléré » avec des plus grands niveaux de substitution des espèces. On s’attend à ce qu’un tel scénario prenne place d’abord dans les pays nordiques comme la Finlande, la Norvège et la Suède.

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