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Les temps mauvais : une guerre en minuscules

Par Casedepart @_NicolasAlbert

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Après Paracuellos et Barrio, Carlos Gimenez publie Les temps mauvais, Madrid 1936-1939. Contrairement aux deux premiers, cet album n’est pas une autobiographie. Par cet opus, l’auteur achève son œuvre sur la société espagnole pendant la dictature franquiste.

Dans cette bande dessinée, nous suivons plus particulièrement la famille Marcelino, qui (sur)vit pendant cette Guerre qui opposa les Républicains aux phalangistes de Franco.

Même s’il n’a pas vécu lui même la Guerre d’Espagne, Carlos Gimenez a rassemblé des anecdotes et des souvenirs que des amis ou des personnes lui ont confié pour livrer un album dense, tendre et empli d’émotions, qui est un véritable réquisitoire contre la guerre.

Dans Les temps mauvais, Carlos Gimenez dépeint la vie de tous les jours d’une famille espagnole à Madrid à partir de 1936 jusqu’en 1939. Le père Marcelino est ouvrier dans une usine qui fabrique des caleçons pour les soldats ; il est membre du Izquierda Republicana, le parti du Président de la République Manuel Azana qui lutte contre les franquistes. C’est un homme qui est en permanence en révolte contre l’injustice sociale. La mère Lucia, s’occupe de ses 4 enfants : Paula, Sole, Carmencita et Marcelinito.

Franco mène un putsch pour renverser la république et la guerre civile éclate en 1936. Le pays est alors divisé en deux et se déchire, entre Fascistes et Rouges (républicains).

Pour cette famille humble et de condition moyenne, commence alors les difficultés à surmonter pour vivre et survivre. L’usine qui est réquisitionnée et ferme, le chômage, les bombardements aériens, les caves pour se cacher, les dénonciations, les maladies mais surtout la faim. «La faim. Une faim terrible qui prive les humains de leur dignité et fait d’eux des mendiants ou des voleurs, des égoïstes sans esprit de solidarité. Une faim terrible. Une faim humiliante et sans pudeur. La faim du découragement et des larmes. Une faim messagère, annonciatrice de mort

De la petite Carmencita qui erre dans le ville pour trouver du petit bois pour allumer le feu, à Marcelinito qui essaie de voler des légumes, en passant par la mère qui fait frire les épluchures de légumes ; tel est le quotidien inhumain de cette famille.

Carlos Gimenez excelle dans cette chronique sociale. Il décrit de façon sinistre mais quelques fois teinté d’humour ces héros ordinaires. Il démontre aussi que dans les deux camps, il y a aussi des êtres cyniques et mauvais ; même si les Franquistes sont dépeints sous un jour encore plus défavorables que les Rouges. Les scènes courent sur quelques pages et permettent à l’auteur de rythmer son récit. Celles-ci sont très fortes émotionnellement comme celle intitulée Sito, qui évoque un chat et la faim des enfants, ou comme Un homme bien, qui relate l’arrestation du père et enfin Phtisie, qui met en lumière la mort des enfants par tuberculose. De plus, les moments de bombardements, comme celui du métro ; les abris souterrains où s’entassent des personnes de toutes conditions, sont magnifiquement mis en image par l’auteur espagnol.

Gimenez n’aborde la guerre civile ni en tant qu’historien ni en tant qu’idéologue. Il n’évoque ni les batailles ni les chiffres, il est juste un chroniqueur de l’horreur et du cynisme de la guerre. Les tracas tragiques du quotidien de cette famille en guerre (faim, maladie…) composent une fresque pourtant très vivante.

Les temps mauvais de Carlos Gimenez est une œuvre passionnante, un grand album sur une période noire qui divisa et divise encore l’Espagne de nos jours.

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  • Les temps mauvais, Madrid 1936-1939
  • Auteur: Carlos Gimenez
  • Editeur: Fluide Glacial
  • Prix: 35 €
  • Sortie: 24 avril 2013

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