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Il n'y a plus d'après

Publié le 17 mai 2013 par Toulouseweb
Il n’y a plus d’aprèsL’Europe va-t-elle renoncer ŕ développer des avions de combat ?
La question est tout ŕ la fois politique, militaire, industrielle et sociale : y aura-t-il un aprčs-Rafale ? La France sera-t-elle en mesure de jouer un rôle majeur dans un programme européen d’avion de combat de nouvelle génération ? Ou, tout au contraire, sera-t-elle amenée ŕ renoncer ?
Il n’est pas prématuré, loin de lŕ, de s’interroger. La production du Rafale, certes, se prolongera sans doute au-delŕ de 2020 grâce ŕ des succčs ŕ l’exportation, et l’appareil français restera en service au-delŕ de 2040. Mais il faudrait sans plus attendre commencer ŕ préparer la relčve, compte tenu de la durée et de la complexité des cycles de développement ŕ prendre en compte. Or, pour l’instant, rien de tel n’est prévu.
L’inquiétude gagne du terrain, et pas uniquement en France. Outre le Rafale, les cycles Eurofighter/Typhoon et Gripen s’acheminent eux aussi vers leur terme. Cette fois-ci, il ne sera évidemment pas question de répéter l’erreur de l’été 1985, c’est-ŕ-dire la dispersion européenne et, tout au contraire, c’est la coopération ŕ part entičre qui devrait conduire ŕ des efforts coordonnés. Sachant qu’il faudra notamment marier des exigences opérationnelles qui feront cohabiter des appareils pilotés et des UAV, UCAV ou drones, selon la terminologie retenue. C’est-ŕ-dire, pour ętre plus précis, des avions de combat classiques ou pilotés ŕ distance.
On est bien loin d’en ętre lŕ. Force est de constater que les menaces sont plus variées que jamais, qu’il serait invraisemblable de baisser la garde alors que c’est tout le contraire qui se produit ailleurs. Seuls les Européens se posent des questions et on a pu le confirmer, il y a peu, avec la publication du Livre Blanc sur la Défense timide, basé sur un effort budgétaire limité ŕ 1,5% du PIB. Certes, la technique a donné naissance ŕ des systčmes d’armes plus performants que dans le passé, ce qui peut justifier, en principe, que l’armée de l’Air française doive se préparer ŕ vivre avec ŕ peine 225 avions de combat. Mais aprčs ?
Si rien n’est fait, dans 20 ans, l’industrie française et européenne des avions de combat sera tout simplement morte. Avec d’irréparables pertes de compétences, un violent recul des moyens de souveraineté et des conséquences douloureuses pour des entreprises de pointe comme Dassault Aviation, Snecma, Thales et beaucoup d’autres. Le cri d’alarme le plus retentissant est venu de l’Académie de l’air et de l’espace dont un document dénonçant ce grand danger a été diffusé auprčs des principales parties intéressées, dans les vingt-sept pays de l’U.E., au parlement européen, etc. Une initiative bien reçue mais qui n’a déclenché aucune réaction politique de grande ampleur.
Les industriels, eux, ont entrepris de dialoguer et les autorités françaises et britanniques ont amorcé un dialogue constructif. Cette semaine, un séminaire tenu dans les murs de l’Ecole militaire, ŕ Paris, organisé conjointement par l’Académie de l’Air et le CEAS, a permis d’aller plus avant.On a ainsi pu constater la détermination du Royaume-Uni de tenter de rompre le dangereux immobilisme actuel avec les travaux du FCAS, Future Combat Air System qui vise la période de 2030 et au-delŕ. L’Air Marshall Greg Bagwell a été clair et direct : c’est la souveraineté qui est en danger tandis que l’industrie risque de perdre ŕ tout jamais de grandes compétences.
Côté français, le général Guy Girier, sous-chef des plans et programmes de l’état-major de l’armée de l’Air, a exprimé, lui aussi, de solides inquiétudes, ŕ commencer par ce qu’il appelle le risque de dé-classification des Forces européennes. Et, lui seul, a dénoncé la participation de plusieurs pays européens au F-35 Joint Strike Fighter de Lockheed Martin, une opération qui scelle la situation de dépendance et de morcellement du Vieux Continent par rapport aux Etats-Unis.
S’exprimant au nom d’Alenia Aermacchi, Pierclaudio Iaia, responsable de la recherche et développement de l’industriel italien, a soulevé d’autres problčmes, évoqué d’autres faiblesses, ŕ commencer la surcapacité industrielle européenne. Il faut rationaliser, a-t-il martelé, il faut moins de concurrence, davantage de collaborations, il est urgent de lancer de nouveaux programmes, a-t-il dit. Et cela bien que la Péninsule, trčs engagée dans le JSF, ne montre pas le bon exemple. Mais, cela, il ne l’a pas dit.
A vrai dire, rien n’avance, et certainement pas dans la bonne direction. On en arrive ŕ se demander si, au-delŕ de la persévérance de l’Académie, l’industrie est capable de lobbying au bon sens du terme. Face au succčs mondial d’Airbus, qui s’est hissé en moins de 40 ans au niveau de Boeing, le contraste est frappant. Tout au long d’une journée bien remplie par des interventions de haut niveau, l’Ecole militaire vient ainsi de raisonner d’une belle succession de voeux pieux. Il n’en faut pas davantage pour que s’installe un pessimisme noir, incompréhensible, inexcusable.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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