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[Critique] ONLY GOD FORGIVES

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] ONLY GOD FORGIVES

Festival de Cannes 2013 – Sélection Officielle –  En Compétition

Titre original : Only God Forgives

Note:

★
★
½
☆
☆

Origines : France/Danemark
Réalisateur : Nicolas Winding Refn
Distribution : Ryan Gosling, Vithaya Pansringarm, Kristin Scott Thomas, Tom Burke, Joe Cummings, Sahajak Boonthanakit, Oak Keerati, Byron Gibson…
Genre : Drame
Date de sortie : 22 mai 2013

Le Pitch :
Julian et son frère Billy dirigent un club de boxe thaïlandaise à Bangkok, servant de couverture à leur trafic de drogue. Le jour où Billy se fait sauvagement assassiner, la mère des deux frères débarque en Thaïlande et réclame vengeance auprès de Julian. Julian qui va devoir se frotter à Chang, un étrange personnage, aussi imprévisible que violent…

La Critique :
Si Drive, le précédent film de Nicolas Winding Refn, avait interloqué et déçu une partie du public, mais aussi fasciné une autre, il est indéniablement devenu -et cela très rapidement- un objet de culte, aux codes désormais tout de suite identifiables et à l’imagerie mythique. Pas évident de passer après, pour Nicolas Winding Refn… Pour autant, lui semble se foutre royalement de l’image qu’il peut donner à travers ses œuvres et poursuit son bout de chemin, sans tourner le dos à ses convictions artistiques. Comme nombre de ses précédents longs-métrages, Only God Forgives s’appuie sur un pitch très simple. Une histoire qui demeure basique et directe sur le papier et qui, auprès d’un public peu habitué au cinéma du réalisateur, peut promettre des choses qui de toute façon ne se retrouveront pas dans le produit fini. Un cauchemar de distributeur, car on se doute que de tels films demeurent difficile à vendre, sans jouer justement sur certaines accroches, en les transformant en annonces tonitruantes. Le cas de Drive est devenu un cas d’école et les personnes qui s’indignèrent devant le film alors qu’elles s’attendaient à un ersatz bourrin de Fast & Furious, ont marqué la trajectoire du métrage dans les salles à travers le globe. Idem pour Bronson ou pour Valhalla Rising qui pouvaient laisser espérer autre chose que ce qu’ils sont véritablement.
Ceci dit, c’est aussi là que se situe le talent de Refn : dans sa capacité à transcender des récits en apparence basiques, pour multiplier les niveaux de lecture, tout en offrant un ensemble cohérent, viscéral, complexe et original.

Mais sans s’attendre évidemment à un espèce de mélange de Kickboxer et de Kill Bill et en se doutant bien que le film ne sera pas une énième histoire de vengeance truffée d’affrontements martiaux, on ne peut s’empêcher d’éprouver une grande déception à la vue de ce trip vaguement soporifique qu’est Only God Forgives.
Dédié à Alejandro Jodorowsky, le dernier film de Nicolas Winding Refn se perd plus qu’à son tour dans les méandres d’une ambition certes louable, mais pour autant plombante. Car Only God Forgives est ennuyeux. Il n’a beau durer qu’une heure et demi, il n’empêche que rarement la sauce prend. Bâti autour de la notion d’impuissance, le long-métrage traduit celle de son réalisateur à véritablement donner corps à ses intentions sans tomber dans la redite ou dans l’exagération de ses propres gimmicks de mise en scène et de narration. À force de faire l’économie des mots, Refn peine à raconter quoi que ce soit et tombe plus d’une fois dans un ridicule gênant.
Ses protagonistes parlent donc peu, les métaphores sont souvent grossières, et les accès de violence, froids et fulgurants, sont trop attendus pour faire mouche et ainsi souligner brutalement le propos.

Dans Drive, Refn parvenait à communiquer toute la force de son cinéma, tout en livrant au final une œuvre relativement accessible. En soi, le mélange parfait. Ici, il donne la désagréable impression de s’auto-caricaturer. Ses personnages soulignent d’ailleurs à la perfection les défauts du film. Ryan Gosling se traîne à longueur de temps, creusant un peu plus le sillon minimaliste auquel il s’est abonné depuis Drive (et dans lequel il fait néanmoins merveille). Incapable de forniquer, réduit à mater, piètre boxer et fils à maman soumis, son Julian est tout bêtement inintéressant. Qu’il se fasse défoncer la tronche ou gueuler dessus par sa génitrice, peu importe. Kristin Scott Thomas par contre, apporte une touche pimentée à l’entreprise, mais semble s’agiter dans le vide. Un vide que Vithaya Pansringarm, qui incarne un bad guy nébuleux en forme d’entité surpuissante et nonchalante (et chanteur de charme à ses heures. Si si), occupe d’ailleurs tout à fait correctement.
Des personnages qui évoluent dans un univers labyrinthique, filmé à la manière de Kubrick et raconté à la façon d’un David Lynch sous valium (celui de Lost Highway et surtout de Blue Velvet (voir les scènes ou Pansringarm pousse la chansonnette).
Glauque car réservant des scènes gores et autres situations dérangeantes mais malheureusement vaines, également pompeux, Only God Forgives n’arrive par contre pas à instaurer sur la longueur le malaise de toute évidence souhaité.

Nicolas Winding Refn pensait à ce film avant de se lancer sur Drive. Aujourd’hui superstar des cinéphiles et d’une certaine fange de intelligentsia, le réalisateur danois continue sur sa lancée. Après un choc comme Drive, il était prévisible qu’il trébuche, mais là n’est pas le problème. Le problème en l’occurrence réside dans le côté justement prévisible et pourtant décevant d’Only God Forgives.
On parle certes d’un mec qui sait tenir une caméra et qui offre quoi qu’il en soit une œuvre léchée à l’identité visuelle très puissante. Un mec qui donne l’impression ce coup-ci d’avoir enclenché le pilotage automatique et d’avoir pris le melon. Il se perd dans les méandres de son propre langage cinématographique, incapable de retomber sur ses pieds. Et le pire, c’est qu’au bout d’un moment, entre plans contemplatifs, regards énigmatiques et fatigués et autres éruptions d’hémoglobine, et bien on finit par s’en foutre poliment.

À réévaluer dans quelques années, mais encore faut-il en avoir envie…

@ Gilles Rolland

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Crédits photos : Le Pacte/Wild Side


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