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Faut-il supprimer la Politique Agricole Commune (PAC) ?

Publié le 25 mai 2013 par Copeau @Contrepoints

Et si on supprimait la Politique Agricole Commune (PAC), quels résultats en sortiraient ? Réflexions à partir d’un exemple étranger.

Par Xavier Chambolle.

Faut-il supprimer la Politique Agricole Commune (PAC) ?

Qu’est-ce que la Politique Agricole Commune (PAC) ?

La PAC est une politique mise en place à l’échelle de l’Union européenne. Elle a pour mission :

  • d’accroître la productivité dans le secteur (donc de produire plus et mieux avec moins),
  • d’assurer un niveau de vie équitable aux agriculteurs,
  • de stabiliser les marchés,
  • de garantir la sécurité des approvisionnements,
  • d’assurer des prix raisonnables aux consommateurs,
  • de faire respecter l’environnement et le développement rural.

Ses quatre principaux outils sont le contrôle des prix, les subventions, le protectionnisme (tarifs douaniers sur les produits importés) et le contrôle de la production (quotas, arrachages subventionnés). Il s’agit donc d’une politique économique interventionniste qui vise à remplacer les mécanismes d’un marché libre.

Comment fonctionne-t-elle et à quoi sert-elle ?

Comment faire cependant pour assurer des prix raisonnables aux consommateurs, tout rémunérant suffisamment les producteurs et en leur permettant d’améliorer la productivité ?

La solution est simple : l’UE subventionne les agriculteurs ! Ainsi, tout le monde est content.

Or l’argent de ces subventions ne vient pas de nulle part, il vient de la poche du contribuable. Or le contribuable est également un consommateur de produits alimentaires…

On défend le consommateur en évitant d’augmenter la rémunération du salarié; on défend le salarié en chargeant d’impôts le capitaliste; on défend le capitaliste en vendant le plus cher possible au consommateur; et la justice se trouve ainsi d’autant mieux satisfaite que le salarié, le capitaliste et le consommateur, c’est presque toujours le même type.

Auguste Detœuf, Propos de O.L. Barenton, confiseur en 1938

Nous serions donc tenté de répondre que la PAC ne sert à rien. Au pire est-elle simplement une politique de redistribution, s’ajoutant ainsi à tous les autres mécanismes de ce type.

La question de son utilité pour les Européens est d’autant plus pertinente qu’elle engendre de nombreux problèmes, parmi lesquels :

  • L’affaiblissement de l’agriculture des pays pauvres, car les produits agricoles européens exportés sont moins chers que les produits locaux à cause des subventions. L’aspect ironique de la situation est que le contribuable européen finance cette concurrence déloyale, celle-ci nuit au secteur agricole de ces pays, contribuant ainsi au chômage, que l’Europe tente de combattre là aussi avec des aides financières, chômage qui contribue à l’immigration en Europe, qui elle aussi a un coût (assistance des personnes, surveillance à la frontière, etc.).
  • L’encouragement de cultures inadaptées localement. Par exemple le maïs, plus subventionné que d’autres cultures, mais grand consommateur d’eau notamment. Maïs subventionné dont le prix sur le marché baisse naturellement, ainsi que ses produits dérivés dont le glucose de maïs.
  • La dégradation des relations entre pays membres, la PAC représentant des enjeux colossaux, chaque pays tente de l’orienter à son profit et au détriment du voisin.

Bien sûr, il ne faut surtout pas oublier de mentionner son coût direct : plus de 40% du budget de l’Union européenne, soit largement plus de 50 milliards d’euros. Évidemment cela ne fait « que » 100€ par an par habitant. Avec 100€, vous pouvez tout de même commander environ 10 paniers de fruits et légumes (bio !) pour 2-3 personnes, ce qui permet donc de tenir plus de 2 mois sur ces denrées. En faisant attention et en tenant compte d’un panier alimentaire plus varié (viande, épices), avec ce même 100€ il est possible de nourrir une personne pendant un mois environ.

Conséquences de la suppression de la PAC

Si nous considérons que la PAC est un succès et a permis de remplir ses objectifs, alors sa suppression entraînerait naturellement une situation opposée, à savoir :

  • une baisse de la productivité dans le secteur,
  • une baisse du niveau de vie des agriculteurs,
  • l’instabilité des marchés,
  • l’insécurité des approvisionnements,
  • l’explosion des prix pour le consommateur,
  • un environnement détruit et un monde rural anéanti,
  • 100€ qui restent dans la poche de chaque contribuable européen, chaque année.

Ceci est parfaitement théorique. Mais cela semble communément accepté, en tout cas c’est une position largement défendue par la France. Généralement, lorsque vous émettez l’idée de supprimer la PAC, on vous répond avec vigueur : «Mais vous êtes fou ! Le marché sera plus concentré, les petits producteurs se feront bouffer par l’industrie agro-alimentaire, la qualité baissera, la diversité en prendra un coup, les pauvres ne pourront plus se nourrir, etc.».

Nous avons tellement été abreuvé par l’État que nous n’imaginons plus nous en sortir sans lui ! C’est dramatique : nous faisons plus confiance en l’État qui organise la production agricole, qu’au marché, c’est-à-dire vous, moi et les autres !

Alors sortons un instant de ce cadre théorique. Prenons un exemple concret.

La Nouvelle-Zélande

Faut-il supprimer la Politique Agricole Commune (PAC) ?

La Nouvelle-Zélande avait et a encore un secteur agricole occupant une grande place dans son économie. Dans les années 1980, ce secteur était particulièrement subventionné (3ème rang de l’OCDE). Confronté à une grave crise budgétaire, l’État néo-zélandais coupa massivement dans ces aides, au point qu’aujourd’hui la Nouvelle-Zélande est le pays de l’OCDE qui subventionne le moins son secteur agricole. Certes de nombreuses exploitations ont fermé, incapables de vivre par leurs propres moyens. Le secteur agricole a simplement été assaini, pour le plus grand bien du secteur lui-même, mais également pour celui des consommateurs.

Plutôt que de détailler les multiples bénéfices de la suppression quasi-totale des aides (restent des aides en cas de catastrophes naturelles, par exemple), citons simplement les Fermiers Fédérés de Nouvelle-Zélande qui transmettent aux pays et agriculteurs du monde entier un message rassurant via leur ambassade :

L’expérience des quinze dernières années de réformes en Nouvelle-Zélande a complètement détruit le mythe que le secteur agricole ne pouvait prospérer sans aides gouvernementales ; et que l’environnement ne pouvait pas rester sain.

[…]

La suppression des subventions agricoles s’est révélée être un catalyseur pour les gains de productivité.

[…]

La diversification de l’utilisation des terres, introduite par la suppression des subventions, a été bénéfique pour les exploitants et a augmenté la taille et l’éventail du secteur agricole néo-zélandais ; alors que de nouveaux produits innovants ont été développés.

Exploiter en Nouvelle-Zélande continue à offrir un revenu assez conséquent afin d’assurer un retour sur capital similaire à d’autres pays et un bon standard de vie.

Les agriculteurs ne sont plus à la recherche de subventions, cherchant une production maximale à n’importe quel coût. Les agriculteurs maintiennent des structures de coûts, reflétant les capacités réelles des revenus de leurs fermes. Ils investissent dans la protection de leur environnement, et la valeur de leurs terres est basée sur leur capacité de revenus sur le marché.

Avec l’arrêt des subventions, les pratiques agricoles sont désormais menées par les demandes du marché et des consommateurs.

[…]

La Nouvelle-Zélande a également profité de bénéfices environnementaux. La qualité de l’eau s’est améliorée ; de plus, les gâchis dus aux subventions ont stoppé.

[…]

Des prédictions annonçant qu’une grande proportion des agriculteurs quitteraient leurs terres ne se sont pas réalisées.

[…]

Une grande majorité des coûts de production agricoles sont désormais plus bas. Des réformes introduites dans d’autres domaines économiques ont réduit les coûts agricoles et accru la compétitivité de l’économie du pays en général. Des exemples à citer incluent la dérégulation des marchés de l’emploi et des transports ; ainsi que la réduction des taxes d’importation sur les charges agricoles.

[…]

il n’y a pas eu d’effort substantiel de la part du gouvernement afin de soulager les conséquences de la transition.

[…]

Sur le long-terme, les dommages apportés à l’agriculture néo-zélandaise par les subventions furent importants. Les subventions restreignaient l’innovation, la diversification et la productivité en corrompant les signaux et nouvelles idées des marchés. Cela amena un gaspillage des ressources et un impact négatif sur l’environnement. Une grande part des agriculteurs de pâture avait une exploitation, en effet, dans le seul but d’obtenir les subventions.

L’arrêt des subventions en Nouvelle-Zélande a donné naissance à une économie rurale vibrante, diversifiée et durable. Les agriculteurs néo-zélandais sont fiers de leur indépendance et sont décidés à ne jamais plus être soumis aux subventions gouvernementales.

Cela semble clair. Alors on nous rétorquera que la Nouvelle-Zélande est un petit pays… Mais l’agriculture de ce petit pays est excessivement tributaire de ses exportations vers le monde entier ! Et il a conclu de multiples accords de libre-échange… Ce qui n’est pas sans rappeler notre Zone Schengen qui créé un environnement similaire.

Qu’attendons-nous pour supprimer la PAC ?

Nous attendons que nos parlementaires gagnent leur indépendance vis-à-vis des lobbies de Bruxelles (un siège permanent à Strasbourg aiderait).

Nous attendons que la France cesse de défendre mordicus cette maudite politique agricole commune, qu’elle fasse son deuil de Colbert.

Nous attendons que les responsables politiques aient le courage de dire la vérité aux Européens (la PAC ne sert a rien, est coûteuse et nuisible) et admettent que nous n’avons pas besoin d’eux dans ce domaine (notamment !).

Nous attendons que l’Union européenne respecte le principe de subsidiarité (la responsabilité d’une action publique, lorsqu’elle est nécessaire, doit être allouée à la plus petite entité capable de résoudre le problème d’elle-même) et acte le fait que cette politique n’est clairement pas nécessaire.

Bref. Nous allons attendre longtemps. Et ce d’autant plus que les fédéralistes ne luttent pas avec force contre les mauvaises politiques de l’Union européenne.

Sur le web

En Nouvelle-Zélande, les agriculteurs ne veulent pas de subventions.


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