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Le Français présente sa première pièce arabe...

Publié le 25 mai 2013 par Fousdetheatre.com @FousdeTheatre

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Créé en France début mai dans le cadre de Marseille Provence 2013,  « Rituel pour une Métamorphose », de l'écrivain syrien Saadallah Wannous (disparu en 1997), faisait samedi dernier son entrée au répertoire de la maison de Molière.  Une œuvre puissante, à la fois politique et poétique, sur le pouvoir, la liberté, la condition féminine, que les comédiens Français transmettent avec intensité dans une mise en scène honorable de Sulayman Al-Bassam  à propos de laquelle nous émettrons plus bas quelques réserves qui ne devront toutefois pas vous dissuader de prendre la direction de la salle Richelieu.

L’action de "Rituel..." se situe dans la Syrie du milieu du XIXème siècle, contrôlée par l'Empire Ottoman. A la suite de basses manœuvres visant à maintenir son influence et l’autorité suprême de la religion, le Mufti de Damas accorde l’émancipation à Mou'Mina, épouse d’un prévôt, qui choisira la vie de courtisane. La liberté d’agir et de penser de cette femme perturbera profondément, durablement, une société  où le sexe fort domine, règne sans partage, et la conduira finalement à sa perte. 

Saadallah Wannous  dénonce les dictatures, la violence, l’intégrisme sous toutes ses formes, l’importance du paraître, l’hypocrisie des hommes face au désir,  leurs contradictions, nous interroge sur  nos valeurs, notre rapport à Dieu, prône la tolérance, évoque même  l’homosexualité avec une saisissante transparence. Ce drame qui devient fable au fil de la représentation ("Je suis un conte" dira l'héroïne juste avant de mourir) est aussi une histoire sublime, à la dramaturgie prenante, poignante, envoûtante, aux personnages merveilleusement dessinés. 

Fuyant tout réalisme, Sulayman Al-Bassam s'empare, plutôt habilement dans un premier temps,  de la théâtralité et de l'onirisme de l'ouvrage pour révéler l'intemporalité et l'universalité du propos. Au sein d'une bâtisse damascène dont seuls les luminaires et ouvertures changent en fonction des lieux qu'elle est supposée symboliser, sur laquelle sont régulièrement projetées de discrètes illustrations vidéos prolongeant le jeu des acteurs, qui se fissure à mesure que l'intrigue avance, il dirige avec précision une troupe investie, à vif,  assumant une certaine grandiloquence. Et ça passe, car la partition s'y prête.

Julie Sicard est une bouleversante Mou'Mina, épouse oppressée se réalisant en devenant Almâssa la prostituée, l'indépendante, l'insoumise, l'icône, la légende... Quelle détermination, quelle force dans le regard, quelle combativité ! La frêle jeune femme ne fait qu'une bouchée de ceux à qui elle a affaire. Impressionnant. Thierry Hancisse campe superbement un Mufti d'abord fourbe à souhait, machiavélique, puis rongé, torturé par le désir de la belle. Belle épaisseur de jeu.  Denis Podalydès est un prévôt perdu, profondément destabilisé par le départ de son épouse, en quête d'une nouvelle spiritualité. Comme à chaque fois magistral. Sylvia Berger en impose également en mère maquerelle autoritaire. Dans un rôle plus modeste mais très présent, Louis Arène loue ses charmes travesti. Partition pas évidente, défi relevé haut la main. Rien à redire non plus aux prestations de Laurent Natrella, Hervé Pierre, Bakary Sangaré, Nâzim Boudjenah, Elliot Jenicot, et Marion Malenfant.

Le dernier tiers de la représentation nous laissa pourtant sur notre faim. Une esthétique maladroitement et brutalement épurée (la bâtisse, détruite, disparaît d'un coup au profit d'un plateau nu) supposée décontextualiser et élever un peu plus le propos , pas toujours très heureuse (Ah, les bougies au sol entourant Almâssa élevée au rang d'îcone...), voire carrément kitsch (il n'y a encore qu'au Macumba Club de Dijon que l'on fait usage du laser vert !), associée à des propositions moins lisibles empêchent le spectateur d'être emporté totalement par une fin pourtant des plus poignantes. Vraiment dommage.

Mais on y va, indiquions-nous en introduction. On y va !

Jusqu'au 11 juillet.

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critique rituel pour une métamorphose comédie française saadalla

Photos : Cosimo Mirco Magliocca


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