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Moscovici, cauchemar du weekend

Publié le 27 mai 2013 par Juan
L'échauffement médiatico-politique s'est à peine calmée. Pierre Moscovici conserve une belle force d'attraction de toutes les critiques, surtout de gauche. En cause, son passé et son présent. Ministre de l'économie et des finances, il concentre pas mal des handicaps de ce début du quinquennat. Bref, un parfait fusible.
1. Pierre Moscovici traîne encore son ancien soutien à DSK comme un boulet. Bien qu'il ait politiquement rompu avec l'homme vers 2008 quand ce dernier l'a lâché en rase campagne au moment de la conquête de la direction du Parti socialiste, pour nombre de socialistes et autres gauchistes, Mosco est un "strausskahnien". Cette façon de marquer du fer rouge de l'infamie est une manière peu courtoise ni sincère de disqualifier le débat. On sait bien qu'il n'incarne pas l'aile gauchiste du PS. Mais un éminent confrère a pu rappeler comment Mosco raillait le "barrisme de gauche".
2. Pierre Moscovici n'agit pas seul. C'est évident. Il n'est pas un ministre solitaire, éloigné de ses patrons, Jean-Marc Ayrault et François Hollande. Nul ne prétend le contraire. Mais force est de constater que la majorité "hollandaise" a disparu au soir du 6 mai 2012 pour des raisons que la politique politicienne connaît. Et que l'équipage gouvernemental actuel est évidemment composite. On peut donc raisonnablement penser que certains ministres incarnent des options politiques différentes, au sein d'un plus vaste ensemble qu'on nommera "majorité". Autrement dit, assimiler Mosco à Hollande est un raisonnement un peu court. Les ministres aiment marquer leur territoire et infléchir l'action générale de leurs petites phrases et grandes interviews.
3. Pierre Moscovici, dans sa funeste interview aux Echos qui fit grand bruit vendredi dernier, a plaidé pour l'autorégulation en matière de grosses rémunérations. C'est l'un des traits caractéristiques du ministre. Il ne réalise pas suffisamment les dommages qu'il fait avec certaines déclarations. Il pense qu'avoir reporté la charge du prélèvement de 75% des revenus excédentaires à un million d'euros annuel sur le dos des entreprises est suffisant comme régulation "externe". Autrement dit, le plafond des gros salaires qu'envisage le gouvernement serait d'un million d'euros. On peut juger ce plafonnement insuffisant. Mais il sera réel. Autorisons nous alors une autre remarque: la "taxe" de 75% a toujours été annoncée comme exceptionnelle, d'une durée de 2 ans. On espérait donc quelque chose de plus pérenne, ensuite, qu'une simple autorégulation.
4. Comme s'il se doutait des critiques à venir, le ministre a cru bon ajouté que le gouvernement n'excluait pas de sévir si l'autorégulation ne fonctionnait pas. Nous pourrions lui donner le bénéfice d'un plus grand doute que celui accordé à Nicolas Sarkozy, l'ancien président des Riches. Mais combien de temps faudra-t-il attendre pour mesurer si cette "autorégulation" tant souhaitée aura fait ses preuves ?
5. Samedi, lors d'un colloque consacré à la construction européenne, le ministre a eu une nouvelle formule malheureuse: "L'économie a changé, le charbon et l'acier ne sont plus les poumons de la puissance économique des pays européens: c'est la finance qui a pris cette place." Inévitablement, la machine à buzz a fonctionné à plein. Le voici accusé de "réhabiliter la finance". Pour le coup, Mosco ne disait pas autre chose que ce tout le monde ou presque considère : la finance a pris une place centrale dans nos économies, ... à tort ou à raison. "La finance qui joue un rôle crucial pour le développement de l'économie réelle et sans laquelle nos entreprises ne peuvent pas croître, pas plus qu'un champ de cultures ne peut croître sans eau."
6. Finalement, quel gage Pierre Moscovici a-t-il à donner à "sa" gauche ? Aucun. Elle ne l'a jamais aimé, jamais soutenu, jamais apprécié. Peut-être va-t-il réaliser enfin qu'il incarne le barrisme de gauche qu'il redoutait. Il aurait tort d'assimiler ses critiques à la "gauche radicale" comme le fait le Figaro. Un autre strauss-kahnien, un vrai et un fidèle des derniers instants, Jean-Christophe Cambadelis, s'est jeté dans la marre en "regrettant la décision" de renoncer à plafonner la rémunération des patrons du secteur privé.


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