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Only God Forgives : Nicolas Winding Refn vous emmerde !

Publié le 29 mai 2013 par Wtfru @romain_wtfru

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Écrit et réalisé par Nicolas Winding Refn
Avec Ryan Gosling, Vithaya Pansringarm, Kristin Scott Thomas, Tom Burke, Byron Gibson, …
1h30

Résumé

Julian vit en exil à Bangkok où il dirige un club de boxe thaïlandaise servant à des opérations de contrebande et au trafic de drogue. Quand son frère Billy est tué, leur mère, Crystal, arrive dans la ville pour rapatrier le corps. Elle veut le venger et force Julian à trouver l’assassin. Les contacts de Julian dans la criminalité le conduisent directement chez Chang, un officier de police à la retraite qui connait tout et est à la fois juge et bourreau. Crystal demande que Julian tue cet homme, un acte qui va lui couter cher…

Avis

Only God Forgives, le nouveau film du génie danois Nicolas Winding Refn (appelons NWR, ça sera plus facile pour tout le monde), résonne comme un bon gros majeur lancé à la face du public, d’une partie de la critique, et surtout des annonceurs, des diffuseurs, et autres parties commerciales entourant la sortie d’un film.
Drive, le précédent film du réalisateur, bien qu’il ne fût initialement pas destiné à devenir un succès en salles, l’est malgré tout devenu -pas si étrangement d’ailleurs, soit dit en passant-, et est parvenu à propulser la carrière de Ryan Gosling, ainsi que celle de NWR.
Ryan Gosling est en effet devenu la star qu’il est aujourd’hui grâce à son rôle de conducteur mutique dans le film, mais également grâce à NWR, ça, c’est une évidence pour tout le monde (son parcours post-Drive est d’ailleurs loin d’être véritablement affriolant, on peut le dire..). La simple présence de son minois sur une affiche attire donc désormais suffisamment de monde pour juger le film rentable.

Pour ce qui est de NWR, la donne est tout de même quelque peu différente.
Le réalisateur danois a en effet toujours semblé plus attiré par l’expérimentation et par le statut « culte » que par les véritables succès publics et la gloire, Drive ne représentant finalement qu’une étape dans son « projet » cinématographique, en l’occurrence, un film américain, ce dont il a toujours rêvé (Inside Job, son 3ème film, n’étant pas à proprement parler un film américain).
Ironiquement, le nom de Winding Refn est dès lors devenu vendeur, capable de rassembler avec lui la critique et le public. Une aubaine pour les financiers, les producteurs ou bien encore les distributeurs, qui peuvent allègrement profiter de la formulation « Par le réalisateur de Drive » pour attirer le badaud.

Oui mais voilà : NWR est beaucoup de choses, mais pas ça ! Only God Forgives est donc sa réponse au succès colossal de Drive (bien qu’il ait été en partie conçu avant ce dernier) ; sa manière de dire à tout le monde : « 1/ Vous ne m’enfermerez pas dans une case, et 2/ Vous ne vous ferez pas de fric sur mon dos ! ».
Le fait que Ryan Gosling, en plein milieu du film, se fasse sauvagement buriner la gueule par le « divin » Chang est d’ailleurs particulièrement éloquent en ce sens : quelle meilleure image NWR pourrait-il trouver pour mieux détruire le mythe qu’il avait lui-même contribué à créer (en l’occurrence, Gosling) ?
En ce sens, le film est donc une parfaite réussite (surtout si on prend en compte le fait qu’il a été très bien vendu et qu’il a su créer de l’attente, notamment grâce à sa bande-annonce, mystérieuse et extrêmement bien foutue pour parfaitement attirer le pigeon).

Malheureusement, en dehors de ces éléments qu’on pourra qualifier d’extra-cinématographique, on ne peut pas dire que cet Only God Forgives ait grand chose à nous proposer.
NWR tombe ici pleinement dans sa propre caricature, dénuant son film de toute émotion et de tout intérêt, mis à part celui d’être une œuvre irréprochable techniquement et visuellement.
Refn n’a jamais été un grand scénariste, ça, tout le monde le sait. Ses histoires sont généralement classiques, mais il parvient à les transcender grâce à une mise en scène intelligente et stylisée à l’extrême. On lui pardonnerait donc aisément le manque d’épaisseur de son récit s’il parvenait à le dépasser autrement, mais ce n’est hélas pas le cas.

Only God Forgives est à vrai dire un film vaniteux.
A force de stylisation paroxystique, symbolisée par une utilisation excessive des silences (déjà fortement présents dans les deux dernières œuvres du metteur en scène) et des actes subits de violence froides, NWR noie littéralement son film et laisse irrémédiablement le spectateur sur le côté.
Il est bien beau de nous expliquer que Refn veut nous montrer l’histoire d’un homme qui se bat contre Dieu et qui est à la recherche de son destin, de sa voie. Mais ce n’est pas ce que nous voyons sur l’écran qui nous fait face. Tout ce que nous voyons c’est un être perdu et inconsistant (Ryan Gosling, aussi charismatique qu’une endive ici) qui, parce qu’il a une mère castratrice et dominante (Kristin Scott Thomas avec des allures de transsexuels… Oedipe, quand tu nous tiens !), se voit contraint d’aller affronter un homme, soi-disant divin (Vinthaya Pansringarm, tantôt grandiose, tantôt bouffon), qui n’est ni plus ni moins qu’un policier taciturne qui agit selon ses propres règles, tel un baron de la drogue.

Et au final, qu’est-ce qu’il reste de ça ? Pas grand chose… Une photographie somptueuse, mais agaçante. Une musique quasi inexistante de Cliff Martinez. Une interprétation bas de gamme. Et puis, de la violence. Toujours de la violence… mais dans une esthétique pop arty qui se voudrait significative et intellectuelle, mais qui s’avère finalement, à l’instar du film tout entier, faussement expressive.

On a beaucoup de respect pour Refn. C’est un metteur en scène appréciable qui a déjà offert de grands moments de cinéma. Pusher, Bronson et Drive pour les citer. Mais il a aussi des casseroles, comme Valhalla Rising.
Only God Forgives est malheureusement dans la lignée de ce dernier, et c’est embêtant.
NWR a finalement réussi son pari : il nous a bien emmerdé !


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