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Philippe Petit

Publié le 29 mai 2013 par Lifeproof @CcilLifeproof

Philippe Petit est un musicien autodidacte à l'origine de deux labels (Pandemonium Records et BiP_Hop), ainsi que de nombreuses sorties de disques. Avec Hervé Vincent, il a également co-fondé Strings of Consciousness, un collectif international situé à la croisée du post-rock, du jazz, de la musique électronique, du drone, de l'ambient et de l'expérimentale. Ce projet a pour particularité de fonctionner sur une base de collaborations avec différents chanteurs/euses tels que : Eugene S. Robinson (chanteur d' Oxbow), Lydia Lunch, Pete Simonelli (chanteur d'Enablers), etc. Philippe Petit propage aussi la bonne parole des musiques innovantes et alternatives par le biais d'émissions de radio, de fanzines et des soirées BiP_Hop. L'idée étant de rendre les musiques pointues davantage accessibles. Actif depuis plus d'une vingtaine d'années, il se produit désormais aussi sur scène avec the European Chamber Orchestra. Entretien avec un homme curieux, ouvert, qui travaille et exerce son art depuis la cité phocéenne.

Philippe Petit PHOTO BY Pirlouiiiit Concertandco com
© Pirlouiiiit

Tu as fondé Pandemonium Records, puis BiP_Hop. Pourquoi avoir démarré un deuxième label ? Quelles sont les différences de ligne éditoriale et de pédagogie entre ces deux entités ?

Pandemonium signifie « un état où règne le bruit et le désordre », une définition qui collait bien au son Noisy/Post-hardcore développé au début du label, qui au fil des ans s’est tourné vers des univers plus cinématiques. D’ailleurs «Musiques Parallèles pour Sentiments Perpendiculaires » en était devenu le slogan. BiP_HOp poursuivait dans ce sens autour des musiques électroniques contemporaines et je l’avais créé afin de pouvoir repartir sur quelque chose de neuf, mettre de côté un label établi (ayant signé des disques avec Melt Banana, Unsane, Guapo, Flying Luttenbachers, Zeni Geva, Cows, Hint, Condense, Ruins, et tant d’autres qui sont aujourd’hui plus que jamais cultissimes), pour retrouver la sensation de risque, l’idée de partir vers une nouvelle aventure, cette excitation de vivre une nouvelle expérience prometteuse.

Peux-tu nous parler des soirées BiP_HOp stp ? Ont-elles toujours lieu aujourd’hui ? Où se passera la prochaine ?

BiP_Hop fut un webzine, une émission radio, une structure organisant soirées/concerts et surtout un label... Il y eut plus ou moins 70 soirées BiP_Hop Génération entre 2000 et 2006. Elles me conduisirent dans la plupart des capitales européennes, aux USA, au Canada et même au Mexique, mais je les ai arrêtées vers 2006. Les soirées BiP_Hop cherchaient à promouvoir, d'une manière à la fois ludique et pédagogique, les musiques électroniques contemporaines. Se jouant du clivage musiques à danser/musiques à écouter, invitant aux plaisirs des oreilles, des yeux et des jambes en associant :

Live-act d'artistes internationaux de la scène Electronica et Techno Minimale.

Performances DJing dédiées au dance-floor ou à l’écoute. L’envie des soirées Génération BiP_Hop était de briser la routine du « métro – concert – dodo » où les lives s’enchaînent puis le public rentre chez soi. Je faisais donc des transitions DJ entre les concerts afin que les gens soufflent, boivent un verre, apprécient le lieu, et se rencontrent… se parlent…

Décoration particulière et vidéo-projections, audio-graphie pour donner une esthétique spéciale au lieu investi.

L'action se déroulait pour chacune des soirées dans un cadre original, façonné et détourné par plusieurs artistes issus des arts plastiques et visuels, sensibles à la rencontre avec des univers sonores singuliers.

Comment s’est faite la rencontre entre Ric Hudgins (vidéaste) et toi ? Illustre-t-il toujours tes sets de DJ ? Le fait-il aussi pour Strings of Consciousness ?

Ric était le VJ du groupe américain Twine dont j’avais publié un album sur BiP_HOp, j’aimais l’idée d’avoir des vidéos durant mes DJ sets, puisque par essence ce rôle ne favorise pas le côté scénique, donc regarder un quidam derrière des platines est moins excitant que de se retrouver encerclé par de belles images. Pour ce qui est de Strings Of Consciousness, ou de quelque autre de mes collaborations ou sets solos, pas besoin de VJ puisqu’il y a matière à occuper tes yeux. J’attache beaucoup d’importance au côté scénique, visuel, performatif du live, qui est le premier des possibles échanges avec ton public. Vois pour exemple cette vidéo où je bouge des platines : http://www.youtube.com/watch?v=SIzLuUxlOKs

Qu’aimes-tu créer, susciter chez l’auditeur au travers de ton travail de DJ, de tes compositions personnelles, de tes nombreuses collaborations avec des personnes telles que Eugene S. Robinson, Lydia Lunch, ou encore au travers de ce collectif international qu’est Strings of Consciousness ?

Pour moi le DJ n'a pas qu'une vocation à faire danser les gens, mais doit, en tant que spécialiste de la musique, partager avec ses auditeurs, c'est à dire les divertir, les surprendre. J’aime raconter une histoire, avec un début et une fin, mais pas seulement puisque l'espoir principal est d'inspirer les auditeurs, ceux-ci ayant leur interprétation, leur histoire. Le contenu d'un mix est donc primordial et la technique doit venir en appui créatif pour ajouter une note live à l'enchaînement des enregistrements, de sorte que la prestation du Dj soit un vrai spectacle vivant.

Lorsque je mets en son j’ai également dans l’idée de raconter une histoire, mais surtout au fil des albums il est crucial qu’aucun ne se suive et se ressemble. Je veux être surpris, et bien que les disques forment un tout, chacun correspond à une période de ma vie, mais leur somme ne permettra pas de me faire entrer dans telle ou telle case. Et pour se renouveller, être surpris, quoi de mieux que de collaborer avec des gens bien plus talentueux que soi-même ?! On pourrait dire que tout ça part d’un sentiment égoïste, premièrement viscéral : ce besoin de sortir quelque chose du plus profond de moi-même. Puis ensuite de me surprendre et le faire évoluer aussi loin que possible. Après tant mieux si cela peut convaincre et emmener des auditeurs. Je préfère me qualifier d’ “Agent de voyage musical” plutôt que du terme de “Compositeur” car mon envie est justement d’emmener des auditeurs dans mon univers.

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© Philippe Petit

Lorsque l’on lit le contenu de tes différents sets de DJ, on a l’impression de retrouver quasiment tout ce qui est constitutif de Strings of Consciousness. Qu’en penses-tu ?

C’est bien possible, enfin en partie, tu sais je joue également du Avant Hip-Hop, de l’ Electro, du Disco, du Chachacha qui ne sont pas dans SOC. Mais bon il est certain qu’en tant que passionné j’aime jouer des disques, que ce soit lors de mes émissions de radio ou pour un public, afin de partager mes passions musicales. Donc je joue les choses qui me touchent à un moment donné, et bien sûr tout ça peut se retrouver derrière l’éthique de SOC. Comment te dire, c’est moi, c’est mon quotidien depuis 40 ans, c’est ma vie, authentique.

Pourquoi avoir prévu une trilogie pour Strings of Consciousness ? Quel est le concept, l’intention derrière ? Strings of Consciousness se dissoudra après ces 3 opus ?

Au bout du compte nous ne ferons pas une trilogie, l’idée était de faire des disques en invitant des chanteurs et chanteuses, des gens capables d’écrire un texte mais aussi ayant une voix/aura forte. Fort de ce principe-jeu nous avons complété deux albums qui ont largement dépassés mes espérances et je ne vois pas comment on pourrait faire mieux. SOC va s’arrêter dès que nous aurons dit tout ce que nous avons à dire.

Une première collaboration entre Eugene S. Robinson et Strings of Consciousness avait déjà eu lieu lors de la composition de l’album Our moon is full. Tu as édité deux très beaux projets (The crying of lot 69 + Last Of The Dead Hot Lovers) avec lui en tant que duo et il participe à Hurt is where the home is, morceau issu du deuxième disque (From beyond love) de Strings of Consciousness. Comment s’est passée ta première rencontre avec lui ? Concernant The crying of lot 69 qui a eu l’idée de ce projet ? Comment se passe le travail avec lui ? Tu composes, lui envoies les morceaux et il pose son chant par-dessus ou est-ce plus complexe ?

J’ai rencontré Eugene lors de la première tournée européenne d’ Oxbow, il y a 20 ans et nous sommes restés proches, Oxbow devait d’ailleurs participer au single club Erase–yer- Head/Pandemonium, mais le temps qu’ils aient finis leur morceau j’avais arrêté le label… Bref, Eugene, en plus d’être un ami, est selon moi l’un des grands paroliers en son genre et sa voix est exceptionnelle. En plus des deux albums que tu cites qui sont parus, arrivera le troisième volet de notre trilogie, dont je lui ai déjà envoyé la musique. Il écrit en ce moment les textes, réfléchit au sujet… Et donc oui je crée la bande-son puis lui envoie, il s’enregistre, me renvoie et là je mixe/produis/masterise…

Idem pour ta rencontre, ton travail avec Lydia Lunch. Comment s’est fait In Comfort ? Peux-tu nous dire comment s’organise le travail avec elle ?

Avant « In Comfort » Lydia et moi étions déjà allé en scène en duo une bonne dizaine de fois, et nous avions sorti chez Monotype « Twist Of Fate » un DVD + CD + minibook. Tout comme Eugene, Lydia est une amie et j’aime ses textes, son engagement, sa révolte permanente, son individualisme, sa force… Donc c’est toujours un plaisir de collaborer avec elle. Concernant « In Comfort » l’envie était encore une fois de ne pas répéter les recettes utilisées pour « Twist Of Fate » et du coup j’ai voulu un résultat plus aéré, une musique plus composée, à laquelle j’ai invité des amis à jouer de leurs instruments. Tu retrouves donc Bela Emerson ou Fred Lonberg-Holm au violoncelle, James Johnston à la guitare, ou encore Perceval Bellone jouant des bols tibétains…

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© Philippe Petit

Que ce soit pour Our moon is full ou From beyond love, y a-t-il un thème narratif ou abstrait que les différents chanteurs/chanteuses sont "tenus" de développer ou chacun écrit librement ?

Oh non, lorsque j’invite quelqu’un à collaborer, que ce soit un chant ou un instrument c’est parce que je suis/apprécie leur travail de longue date et leur fais totalement confiance. En fait, mon envie est qu’ils me surprennent, apportent à mes musiques le plus que je ne pourrai donner, et du coup je ne vais pas les brider en imposant quoi que ce soit.

Comment se déroule un live de Strings of consciousness ? Je veux dire par là : comment gérez-vous la partie chant, étant donné que la plupart des chanteurs invités sur vos disques sont originaires des USA et/ou sont déjà accaparés par d’autres projets personnels ? Es-tu déjà parvenu à faire un live avec tous les membres impliqués dans l’élaboration d’un des deux disques de Strings of consciousness ?

Je trouve très important de bien dissocier le travail studio et le live. Un disque est destiné à être entendu plusieurs fois, enfin j’espère donner l’envie à mes auditeurs d’y revenir… Alors que le concert est par essence fugace, spontané, une expérience physique que tu vis une fois. Fort de ce principe, il ne m’est même jamais venu à l’idée de réunir les quelques 20 invités qui font Strings Of Consciousness. Nous avions développé une formule live à 4, composée de Rafaelle Rinaudo à la harpe électrique, Perceval Bellone au sax, Hervé Vincenti à la guitare, et moi aux machines et platines.

Quant au fait de gérer les collaborations, que ce soit SOC ou solo, il est clair que je demande à des gens que j’aime depuis longtemps et du coup qui sont déjà reconnus et de fait très sollicités. Donc ils n’ont aucun besoin de moi pour faire avancer leur carrière, s’ils ont acceptés c’est seulement parce que les musiques/idées proposées les ont séduit, donc j’en suis extrêmement flatté. Bref ce n’est que du bonheur à gérer si tu vois ce que je veux dire…

Tu as également collaboré avec des orchestres de musique classique en tant qu’artiste électronique solo. Peux-tu nous dire comment s’est créée cette/ces opportunités ? Sont-ce des expériences qui seront renouvelées dans les mois à venir ? Si oui avec qui ?

Le European Contemporary Orchestra (E.C.O.) a décidé de poursuivre notre collaboration en 2013 et donc dans les mois qui viennent, nous jouerons en Roumanie et en France. Pour moi qui n’ai aucune formation musicale, ne lis pas la musique sur partition, c’est comme un rêve que de me retrouver en scène au milieu de 33 solistes tellement talentueux, et dirigé par deux chefs d’orchestre. Voir comment fonctionne un tel ensemble de l’intérieur m’a beaucoup appris, et sur scène à savoir rester à ma place. Je veux dire savoir écouter et laisser la place à tous de s’exprimer, savoir s’effacer au service du tout, gommer l’ego puisque ce qui importe le plus est que la musique soit belle, pas qui fait quoi, comment…

Comment se présente l’avenir pour toi et tes nombreux projets, ainsi que pour tes deux labels ?

Les deux labels resteront en sommeil bien qu’une bonne partie des disques continue de se vendre. Toutefois je ne signerai plus de nouveaux artistes, puisque après 25 années au service des musiques d’autrui j’ai décidé de privilégier les miennes. Cela m’occupe énormément et je suis constamment en train de mettre en branle de nouveaux projets excitants. Dans les mois qui viennent mon disque en duo avec Murcof verra enfin le jour, après 5 ans de préparation, de travail ensemble. Nous irons de nouveau en scène mais plus seulement en duo, avec Mark Cunningham (de Mars).

Parmi les autres faits marquants, je viens de compléter un disque pour un label Français, et ça me fait plaisir car pour la première fois je vais travailler avec un label d’ici, et en plus un de ceux qui me touche le plus : Africantape.

Quelques disques sont d’ores et déjà confirmés pour les mois à venir :

Philippe Petit: Needles In Pain (Pict. Disc vinyl album + Digital/ Alrealon Musique - APRIL 2013)



Philippe Petit & Friends: Space Is The Place (10' vinyl + Digital / Alrealon Musique - June 2013)



Murcof & Philippe Petit: 1st chapter (LP + CD + Digital / Rev. Lab. - Aagoo - September 2013)



Philippe Petit: Cymbalomentums (Monotype / mono 065 – 2013)



Philippe Petit: A Modern Atlantis Down Under A Wave Of Greed (vinyl 10' - Africantape / Dec 2013) 

Philippe Petit: Welcoming... (Aagoo / 2014)



Machinefabriek & Philippe Petit: First Meeting (LP + CD + Digital / Rev. Lab. - Aagoo - 2014)

Et pour être tenu au courant, acheter ou simplement entendre mes sorties le mieux est de visiter :

http://philippepetitamusicaltravel-agent.bandcamp.com/

Philippe Petit VINYL.Pirlouiiiit
© Pirlouiiiit

Quels artistes te droguent les oreilles ces derniers temps ?

Alors écoutes, les disques qui reviennent le plus souvent depuis Janvier 2013 sont:

Xiu Xiu & Eugene S. Robinson "Sal Mineo" (Aagoo)

Spaceheads "Sun Radar EP" (Electric Brass)

Ted Hearne "Katrina Ballads" (New Amsterdam)

Filiamotsa "Sentier Des Roches" (Who's Brain/Les Disques De Plomb)

Julia Kent "Character" (Leaf)

Micah Gaugh Trio "The Blue Fairy Mermaid Princess" (Africantape)

Jessica Sligter "The Fear & The Framing" (Hubrö)

Mutiny On The Bounty "Trials" (Booster)

Yannis Kyriakides "Resorts & Ruins" (Unsounds)

Lydia Lunch "RetroVirus" (ugEXPLODE)

Zahava Seewald & Michaël Grébil "From My Mother's House" (Sub Rosa)

Corin Tucker Band "Kill My Blues" (Kill Rock Stars)

Mathias Delplanque "Chutes" (Baskaru)

Gallon Drunk "The Road Gets Darker From Here" (Clouds Hill)

Hoodlum Shouts "Young Man Old Man" (HelloSquare)

Jarboe "Money" (Thisco)

Dirk Serries "Microphonics XXI - XXV" (Tonefloat)

Quarz "Five Years On Cold Asphalt" (Cronica Electronica)

RM 74 "Two Angles Of A Triangle" (Utech)

Les 2 longs morceaux du Godspeed You! Black Emperor "Wreck'd Us Our Countrie's Amok" (Constellation)… Le magnifique coffret 6 CDs celebrant les 50 ans d’existence de l’Ensemble Musiques Nouvelles chez Cypres…

Merci pour le temps accordé à cette interview. As-tu un dernier mot ? Un vœu ? Bref, c’est le mot de la fin et il t’appartient d’exprimer tout ce que tu veux.

J’espère vraiment ne pas avoir à dire mon dernier mot… Et sinon je cause de temps à autre là :

http://www.philippepetit.info/

ou dans mes émissions radio:

Nonclassical met en lumière des compositeurs qui aiment à bouleverser les musiques Classiques, chaque Dimanche à 00h. sur Grenouille et Mercredi à 23h. sur JET FM :

http://www.jetfm.asso.fr/site/-Non-Classical-.html

http://www.radiogrenouille.com/antenne/grille/non-classical-par-philippe-petit/

la Génération BiP_HOp traite de musiques indépendantes surprenantes :

les musiques "douces"

l'ambiant, le folk, électronica, post-rock, dubby, glitchy, les comptines, le minimalisme

les musiques "dynamiques"

l'electro, le rock, avant-hip-hop, la techno, les attentats sonores ou autres bruiteries inhabituelles...

L'émission est reprise sur plusieurs radios, ce qui favorise une plus grande diffusion :

le Jeudi sur L'EKO des Garrigues FM / Montpellier:

http://www.ekodesgarrigues.com/article.php3?id_article=1413

le Vendredi via JET FM / Nantes :

http://www.jetfm.asso.fr/site/-Generation-BiP-HOp-.html

le Samedi sur Campus Grenoble :

http://www.campusgrenoble.org/Generation-BiP_HOp,1445.html

ainsi que le Dimanche sur Grenouille à Marseille :

http://www.radiogrenouille.com/emission/generation-bip-hop-3/

Cyril


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