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Utopiales : pères fondateurs, livres-univers, narration et vulgarisation

Publié le 09 novembre 2012 par Fuzzyraptor

Jeudi matin, RDV à 10h pour la première conférence de la journée. J’en suivrai 9 ce jour-là, live-tweetant frénétiquement les échanges entre les auteurs, illustrateurs et chercheurs. Aurélie Bordenave n’était pas en reste et a proposé un live-sketching de la majorité des conférences qu’elle a suivi. Morceaux choisis :

Utopiales : pères fondateurs, livres-univers, narration et vulgarisation

Les Pères fondateurs

Avec Claude Ecken, Gilles Ménégaldo, Tommaso Pincio, Robert Charles Wilson et Lauric Guillaud

Lauric Guillaud lance la conversation : « Qu’est-ce qu’un père fondateur ? Quand commence la science-fiction, avec l’Épopée de Gilgamesh, les lumières ou les récits de Jules Verne & H.G. Wells ? La science-fiction a connu son âge d’or pendant les années 1950 aux Etats-Unis. Depuis, elle a évolué et s’est conformée aux temps nouveaux : poids de la science, des idéologies, des croyances… ». Tommaso Pincio présente un portrait de Jules Verne qu’il a peint : « Ce qui fait la science-fiction, c’est le voyage : l’endroit où vous voulez aller. Jules Verne a écrit une géographie du monde entier et des mondes inconnus ». Robert Charles Wilson et Claude Ecken citent Wells, Mary ShelleyRudyard Kipling et J.-H. Rosny aîné. Selon Claude Ecken, la « science-fiction est née deux fois : en Europe pendant l’arrivée de l’industrialisation et aux Etats-Unis au 20ème siècle ». Gilles Ménégaldo renchérit : « à un moment, la science-fiction a eu besoin d’être légitimée. On l’a ancrée dans des origines très lointaines ».

Puis Lauric Guillaud relance : « l’œuvre de Jules Verne est marquée par un pessimisme croissant. Est-ce que ces pères fondateurs étaient enthousiastes ou craintifs vis-à-vis de la science ? ». Robert Charles Wilson, très calme et pince-sans-rire : « Entre pessimisme et optimiste, j’essaie d’être agnostique ». Selon Claude Ecken : « Rosny aîné et Wells ont écrit des romans préhistoriques et ont regardé le monde des origines. Dans un futur lointain, l’homme aura peut-être disparu et laissé place à une autre espèce ». Gilles Ménégaldo ajoute : « H.P. Lovecraft a écrit sur la dégénérescence de l’humain, susceptible de disparaître et de laisser place à une autre espèce ». Lauric Guillaud complète : « archéologie, géologie, paléontologie ont eu un énorme impact sur la science-fiction et l’imaginaire au sens large ». Selon Claude Ecken, « on peut être optimiste et considérer que l’homme arrivera à surmonter ses problèmes. La fin du monde dans la fiction est plutôt une réflexion sur le monde et la manière dont on le voit ».

La discussion enchaîne ensuite sur la différenciation entre les genres (science-fiction, thriller, horreur, fantasy…), avec l’exemple de Dracula (Bram Stoker), qui n’est pas considéré comme un roman de science-fiction contrairement à Frankenstein (Mary Shelley). Tommaso Pincio : « Philip K. Dick est considéré comme un écrivain de science-fiction mais était mainstream pendant presque toute sa vie. Ce qui est important pour lui est la manière dont il voyait le monde, pas les sciences ». Lauric Guillaud conclue en indiquant qu’en « France, environ 3000 romans de sciences ont été rédigés – quasiment anonymement – entre 1860 et 1950 et aux Etats-Unis, 1500 romans de mondes perdus ». Autant de « pères fondateurs » oubliés…

Les livres-univers : un laboratoire pour les scientifiques ?

Avec Ayerdhal, Pierre Bordage, Laurent Genefort, Nathalie Le Gendre et J.Vincent

L. Genefort sait quelque chose sur les livres-univers, lui qui a créé une Sphère de Dyson pour un de ses romans. Quant à Pierre Bordage, il ne laisse « pas de place pour la science et le scientifique au départ. Je pars avec des personnages et je découvre le monde par leurs yeux. Ça m’arrive de me tromper au niveau des lois physiques ». Nathalie Le Gendre fait de même. Laurent Genefort comme Ayerdhal ont eu recourt à des scientifiques pour vérifier la cohérence de leurs univers (l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet, des vulcanologues…).

Finalement, selon Pierre Bordage, « les scientifiques ne sont pas forcément stricts sur les erreurs. Beaucoup sont aussi des lecteurs de SF et fantasy, des gens très ouverts qui souhaitent être étonnés ». Ayerdhal s’intéresse beaucoup aux sciences humaines et lit des thèses et journaux de vulgarisation scientifique. « Parfois la fiction fonctionne bien même s’il manque un « détail » de vraisemblance scientifique. L’important est d’avoir une vraisemblance globale » selon L.Genefort. Nathalie Le Gendre : « on ne peut pas tout contrôler et tout pointer et la documentation nous prend beaucoup de temps ». Ayerdhal prévient les écrivains amateurs : « le lecteur ne doit pas sentir un étalage de connaissance. L’auteur doit oublier ce qu’il a lu et le garder en background ».

Narration interactive : le jeu vidéo et le mot

Avec Laurent Genefort, N.Merjagnan, J.Rousseau, F.de Grissac

Les jeux « Remember me », « From Dust » et « Mars » ont été mentionnés. Pour le premier, N. Merjagnan nous indique que l’action se passe en 2084 et qu’il a fallu imaginer historique, sociologie, techno (digitalisation de la mémoire…). Jehanne Rousseau, qui a fondé la société « Spiders » : « écrire un jeu vidéo c’est dur : 200 000 mots, création d’univers, énorme arborescence pour représenter les différents choix du joueur ». N. Merjagnan : « il existe beaucoup de déchet pour les auteurs de jeux vidéos. Certaines idées peuvent être irréalisables techniquement ou trop longues à mettre en place ». Laurent Genefort qualifie son travail sur « From Dust » comme plus diffus qu’un scénariste, avec la création des formes de vie (une cinquantaine pour 4 retenues). « Les machines n’étaient pas assez puissantes pour gérer la dizaine d’écosystèmes« .

Les nations de la science-fiction

Avec Ayerdhal, G.Panchard, T.Pincio, N.Spinrad, R.C.Wilson et U.Bellagamba

Pour Simon Bréan, l’idée d’école nationale de SF « n’a pas de sens immédiat. La SF traverse les frontières mais souffre tout de même du poids des contextes culturels. Dans les années 50, les français envisagaient le thème du voyage de la SF comme un problème. Ils n’avaient pas la vision aussi libérée que les américains ». Pour Norman Spinrad, « l’émergence de la SF internationale est un signe positif ». Ugo Bellagamba,, en remarquable modérateur, souligne que « la langue est une manière de penser le monde ». Ayerdhal : « D’emblée, je ne me suis pas considéré comme un français mais comme un auteur. J’ai été influencé par la littéraire américaine et d’Europe de l’est ».

Ugo Bellagamba teste les intervenants en posant cette question : « Est-ce qu’on peut considérer la SF comme une nation avec sa langue, ses valeurs partagées, etc. ? ». Simon Bréan avance : « Quand on lit un auteur, des indices nous laissent deviner sa nationalité. La SF qui se fait en France est liée à la SF publiée en France : elle est déterminée par un marché ». Pour Ayerdhal, la langue de la SF est… la traduction. Norman Spinrad est catégorique : « je déteste l’idée d’une nation de SF. Elle conduit à un embourgeoisement de cette littérature. C’est se fermer à l’influence des autres littératures. Où placez-vous Michel Houellbeck et Michel Dantek ?« . N.Spinrad préfère le terme de communauté (auteurs, lecteurs, éditeurs, traducteurs…).

Quelle est la place de la SF dans les revues de vulgarisation scientifique ?

Avec David Fossé, Laurent Genefort, S.Laîné, E.Picholle et A.Mottier

Selon David Fossé, « la SF est marginale ds les revues de vulgarisation scientifique. Ciel et Espace a déjà publié un hors-série spécial SF… qui n’a pas si bien marché. Une partie du lectorat de vulgarisation scientifique n’apprécie pas la SF ». L.Genefort est lui « énervé par Science & Vie qui ne présente pas de SF mais qui joue sur l’esthétique SF sur ses couvertures ». S. Lainé : « La science se définit comme quelque chose qui s’autorise à se remettre en question. On a le droit de jouer avec la science« . D’ailleurs, « Einstein était ravi qu’on joue avec ses idées » selon E.Picholle, tout comme Hawking aujourd’hui selon L.Genefort. Chez Ciel et Espace, David Fossé avoue une envie de publication de nouvelles inédites de L.Genefort mais la contrainte de la place est compliquée. Dans le n° spécial SF, Serge Lehman avait publié Origami avec à la clé, un prix Rosny Aîné. David Fossé plaide alors pour la création d’une revue de SF grand public ! Sur ce, Gérard Klein monte sur scène et indique qu’il a voulu lancer une revue de SF… un projet qui « a planté » à l’époque…


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