Magazine Entreprendre

Construction du savoir : Regard d’une psychanalyste.

Publié le 04 juin 2007 par Sébastien Erard

Je vous propose d’ouvrir ce glossaire par une approche psychanalytique de la construction des savoirs. Le regard de Françoise Hatchuel, psychanalyste, complète le tableau des “motivations à apprendre”. La gestion des connaissances serait-elle une forme de réponse à notre angoisse de ne pas retrouver des informations importantes ?…

“Je postule en effet que le savoir n’est pas créé ex nihilo mais qu’il s’enracine, au contraire, dans les ressources culturelles d’un lieu et d’une époque. Mon deuxième postulat est, comme nous l’avons vu avec Freud dans les Trois Essais sur la théorie de la sexualité, que le savoir est une défense, construite par l’individu pour répondre aux questions qui l’angoissent. Il est probable en effet que le schéma où le jeune enfant cherche à comprendre d’où viennent les bébés pour se prémunir de l’angoisse provoquée par l’arrivée d’un nourrisson se reproduit tout au long de la vie, et que c’est toujours pour tenter de trouver un sens acceptable au monde qui nous entoure que nous recueillons, organisons et théorisons des données. À l’instar de Georges Devereux, on peut alors considérer que nous nous intéresserons à ce que nous pouvons “traiter” et laisserons de côté ce qui nous semble insupportable.

Nos choix disciplinaires en tant que chercheurs et chercheuses, par exemple, peuvent donc être vus comme des aménagements défensifs dans le sens où ils nous permettent de procéder à une mise en ordre du monde qui répondra de façon satisfaisante à nos conflits psychiques. Or, ces conflits sont, aussi, ceux que produit notre culture, comme le dit Gérard Mendel lorsqu’il parle de sociogenèse de l’inconscient. Notre savoir lui-même, qui est d’abord un savoir privé, que nous produisons pour nous-mêmes, puise dans ce contexte culturel pour s’élaborer. C’est cette double inscription dans le collectif qui fait que ce savoir peut être à son tour partagé.

C’est pourquoi le succès d’une théorie signifie probablement qu’elle apparaît au bon endroit au bon moment pour apporter dans des termes suffisamment proches de la façon de pensée “commune” des réponses psychiquement plus satisfaisantes que celles qui avaient été élaborées jusque-là. On peut même imaginer qu’un “besoin de savoir” apparaît lorsque les repères offerts par une société pour contenir nos angoisses ne sont plus suffisants à un moment donné. “

Françoise HATCHUEL (2005) “Savoir, Apprendre, Transmettre : une approche psychanalytique du rapport au savoir” Ed. la Découverte


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Sébastien Erard 2 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte