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Les Mensch de Nicolas Couchepin

Par Alain Bagnoud

On sait que pour son dernier roman, Les Mensch, paru aux Editions du Seuil, Nicolas Couchepin s'est inspiré d'un fait divers : une famille qui ne pouvait pas se payer de vacances les a passées dans sa cave, cachée au regard de tous.

Si ce point de départ est intéressant, c'est par comparaison avec ce qu'est devenu le livre. Nicolas Couchepin transcende en effet complètement l'anecdote pour en faire une histoire onirique, baignée dans une atmosphère qui frise le fantastique, et tourne autour de cette cave mystérieuse.

Celle-ci est en quelque sorte l'inconscient de la maison. La grand-mère l'avait fait combler, quand Théo, le père, était enfant, parce qu'elle ne supportait plus le vide sous ses pieds. Voilà la version officielle. Le lecteur en découvrira une autre, plus tard, quand tout le monde ressortira de ce sous-sol que le père et son fils auront recreusé, aménagé comme une grotte ramifiée, pour s'y enfouir.

Ce fils, Simon, est un personnage à part : handicapé, guetteur de renards et mangeur de terre. Les autres membres de la famille, comme tous ceux qui gravitent autour d'elle (les parents de Théo, une voisine qui joue du piano...), sont des gens qui paraissent tout à fait banals en apparence, qui semblent surgis du quotidien, de ceux qu'on croise chaque jour sans les remarquer. Il n'y a rien de proprement extraordinaire dans leur histoire, si on excepte de petits détails comme la maison qui rétrécit. Et encore peut-on se demander si ce rapetissement n'est pas simplement lié à la perception du père, Théo, au malaise qui l'habite, qui lui fait quitter nuit après nuit le lit conjugal pour se réfugier dans le grenier, sur un petit lit qui a surnagé du désastre de la cave - on comprendra pourquoi et comment à la fin du roman.

Nicolas Couchepin

Ces personnages se révèlent dans quatre monologues, qui mettent en scène le père, la mère, la fille adolescente, et la vieille voisine dont les ratiocinations finales bouleverseront complètement le récit, transformeront la vision que le lecteur s'était faite peu à peu de ces gens et des événements qui leurs sont advenus.

C'est là tout le talent de Nicolas Couchepin. En suivant ces êtres sans histoire, on découvre des gouffres en eux, des visions du monde singulières, des folies. Et on ressort du roman avec une certitude, renforcée par la généralisation que suggère son titre : la normalité n'est qu'une fiction, chacun de nous, même le plus effacé, le plus conforme, porte en lui un univers singulier, décalé, inadapté et somptueux.

Nicolas Couchepin, Les Mensch, Le Seuil


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