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La double image de Keith Haring

Publié le 12 juin 2013 par Pantalaskas @chapeau_noir

A travers le monde quel est l’artiste le plus reproduit ? Léonard de Vinci ? Michel-Ange ? … ou peut-être Keith Harring ? Il ne s’agit pas certes d’une Joconde omniprésente ou d'une chapelle Sixtine diffusée à l’envi. Mais l’œuvre de Keith Haring est partout : sur les badges, les tee-shirts, les assiettes, les foulards, les tasses à café… multipliée à l’infini par un marchandising effréné.

La double image de Keith Haring

Ketih Haring vue générale Musée d'art moderne de la ville de Paris 2013

Naissance d'une image

L’exposition actuelle du musée d’art moderne de la ville de Paris replace cette fièvre dans son véritable contexte :l’aventure d’un jeune homme rebelle à la vie trop courte pourtant remplie par cette frénésie d’inonder l’univers de sa trace personnelle. A l ‘origine, ce sont des milliers dessins qui envahissent New-York. Haring commence à dessiner à la craie blanche sur des panneaux publicitaires noirs du métro New yorkais. Il grave également des dalles de grès des trottoirs dans l'East Village.
Bien avant que notre Street art se soit fait légitimer par son accueil dans les institutions, Keith Haring voyait tout jeune son œuvre prendre une ampleur révélée par les tableaux présentés à Paris actuellement.
Il est remarquable d’observer comment ses premières œuvres d’un graphisme à l'effet quasi abstrait vont donner naissance, incidemment, à travers ce réseau serré de formes enchevêtrées, à ce personnage simplifié qui fera sa gloire.

« The political line »

L’exposition prend comme fil rouge  « The political line » de l’artiste. Le jeune rebelle, dès ses premières œuvres, s’oppose au pouvoir de l’Etat. Il part en  guerre avec virulence contre le capitalisme et la société de consommation. La religion, les médias, le racisme, l’apocalypse nucléaire seront autant de sources d’inspiration pour faire de son graphisme ravageur un outil de combat. L'artiste, dans une posture individualiste affirmée, aura voulu montrer sa capacité d'opposition en solitaire face aux injustices du monde.
Cependant, un de ses combats, le dernier, sera perdu. Atteint du sida, Haring se lance dans cette croisade pour lutter contre l’épidémie, promouvoir les rapports protégés, jusqu’à sa mort à New York en 1990.

La double image de Keith Haring

Oeuvre inachevée Keith Haring

Dans les derniers tableaux présentés en fin d'exposition du musée d'art moderne, le graphisme abstrait reprend le dessus, comme s'il fallait engloutir dans le flot des signes ce personnage à l'image de son auteur destiné à mourir jeune.
Keith Haring n'a donc pas gagné ce dernier combat sur le sida comme il n'a pas gagné non plus celui sur une société de consommation qui a si bien su se servir de son image, de son graphisme et finalement immortaliser celui qui voulait pourfendre l'hégémonie du dollar.
Si bien que l'image d'un Keith Haring en position de résistance à une société qu'il condamne, une fois diffusée mondialement dans les conditions que l'on connaît, s'estompe avec le temps derrière cette autre image d'un produit marchand triomphant, entretenue avec application.

Photos de l'auteur

Keith Harin
"The political Line"
Commissariat de l'exposition:
Dieter Buchhart, Odile Burluraux
19 avril - 18 aout 2013
Musée d'art moderne de la ville de Paris
11 avenue du Président Wilson
75116 Paris


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