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Eduquer oui mais pourquoi ?

Publié le 13 juin 2013 par Juval @valerieCG

« On n’est pas là pour vous éduquer » est la phrase que j’entends le plus souvent (et que je tends à prononcer de plus en plus souvent également) face aux personnes qui ne sont pas féministes.

Il faut tout d’abord que je vous explique comment se passe systématiquement une discussion avec un non féministe.

- Non féministe : « moi je suis pour l’égalité homme/femme mais je ne suis pas féministe car les féministes veulent la supériorité des femmes« .
- Féministe : « ah ? Où as tu lu cela, tu as un nom, une citation »

Long silence de 15 minutes car il n’a evidemment aucune source.

- Non féministe : « Non mais de toutes façons c’est bon l’égalité est acquise« .
- Féministe : « Et tu fais abstraction des violences, de l’inégalité des salaires, des tâches ménagères etc etc ? »
- Non féministe : « Tu as des sources sur le viol« .
Féministe fournit une source. Non féministe demande une autre source car la première lui semble « biaisée ». Puis une troisième. Il conclut en disant de toutes façons qu’il est contre le viol (ah bon ?) et que c’est avant tout un problème humaniste.

Il va alors demander des sources sur les tâches ménagères. Puis d’autres. Puis encore d’autres. Et la conversation se terminera par « bon salut on m’attend« . Et toi tu as passé deux heures à lui chercher des liens, en checkant que chaque lien est bien argumenté, bien propre. Il se sent complètement légitime à ce qu’on l’éduque, qu’on lui donne des liens, des livres, qu’on lui réponde patiemment. Il n’entend même pas qu’il en soit autrement. Si l’on s’énerve parce qu’il nous a abordé d’un joyeux »alors fini le repassage » ou parce qu’il a sorti l’antienne « l’humanisme oui le féminisme non » il sera tout étonné et nous trouvera bien intolérante sans se dire qu’on a répondu à cela des milliers de fois. Non il est original, sa pensée est géniale voyons.

Je n’ai jamais connu aucune féministe qui l’était pour le merveilleux plaisir intellectuel qu’il y a à taper le bout de gras sur le genre, ou parce que consacrer ses soirées à taper « rapeculture » dans google nous fait mouiller. Toutes les féministes que j’ai connues le sont devenues car elles se sont pris de manière plus ou moins violente le sexisme dans la gueule. Elles auraient pu se dire que c’était « comme cela » (plein de femmes se le disent), que c’étaient des accidents, des cas isolés. Elles ont conclu que la seule réponse est politique. Féministe tant qu’il le faudra on dit. Pour lui, c’est juste un sujet comme un autre, il s’en fout complètement en fait ; il n’a aucune urgence à être féministe ; cela n’a de toutes façons aucune incidence sur sa vie de l’être ou pas.

C’est compliqué putain. Vous avez un type qui vient de vous sortir en trollant ou pas peu importe, un truc super sexiste et il faut encore l’éduquer. Alors que la seule réponse logique serait de lui mettre son poing dans la gueule.
Sauf que ce sont ces gens là qui tiennent le manche qui vous cogne dessus.
Je ne dis pas que le mec sexiste lambda est celui qui va nous violer, nous agresser ou que sais-je. Je dis juste qu’il participe, à sa manière, au pourrissement de nos vies. C’est lui qui se demande quelle espèce d’hystérique on est quand on insulte un mec qui nous a insulté dans le métro.  C’est lui qui aura des gamins à qui il expliquera qu’une fille qui couche vite est une pute. C’est lui qui, l’air de rien, comme ca, à coups de petits gestes, alimentera le sexisme, la culture du viol qui traumatise dans de gens (surtout les femmes violées hein je le rappelle au passage).
Je me souviens il y a dix ans d’un boulot où l’ambiance était extrêmement sexiste. En plus du harcèlement (moral et sexuel) les hommes passaient leur temps à faire des blagues de cul et plaçaient les femmes dans deux catégories ; celles qui rient étaient des salopes qui baisent, celles qui ne riaient pas  étaient des salopes qui ne baisent pas. On perdait dans TOUS les cas. Et ils ne voyaient absolument pas le problème ; pour eux, c’était « just for fun » et basta.

Alors est-ce qu’il faut éduquer les sexistes ? J’ai bien peur que oui. Tant qu’ils tiendront le manche, tant qu’ils seront plus nombreux que nous, tant qu’ils seront plus forts, il faudra leur parler. Encore et encore. Expliquer, sans se lasser. Fournir des lectures qui seront pas lues. Ce qui est marrant c’est que tout le monde a un avis sur le féminisme. J’ai envie de dire que tout mec qui a fourré une fois une fille pense que son divin pénis lui a conféré des qualités spécifiques pour « comprendre les rapports hommes/femmes ».

Expliquer, non pas pour eux, mais pour nous. Parce qu’une personne qu’on convainc du bien-fondé du féminisme n’alimente pas ou plus la violence sexiste. Et l’air devient un peu plus respirable, un peu plus vivable.

Guère plus d’une minute après la parution de cet article, un homme est venu demander si je  pensais que tout homme était sexiste et se répandre donc. Comme dit Tanxx : « en fait je crois qu’on peut pas écrire d’article féministe sans qu’un mec vienne dire sa souffrance. » Je vous le dis donc gentiment. Fermez-là. Ecoutez. Mais fermez la.


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