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Quand la question de la retraite tétanise la pensée politique

Publié le 14 juin 2013 par Ttdo

Peu de sujets semblent montrer aussi nettement que celui de la retraite l’incapacité de penser par eux-mêmes des politiques et de beaucoup de citoyens.

J’ai beaucoup écrit sur ce thème et je suis maintenant plutôt enclin à observer la répétition d’un vide sidérant de la réflexion.

En premier lieu, le déclencheur des réformes. Toujours un nombre brandi hors de son contexte. Autrefois c’était le rapport entre actifs et retraités. Aujourd’hui le déficit estimé à un horizon plus ou moins lointain. Dans le premier cas manque simplement la richesse créée par actif qui a cru plus vite que la baisse du ratio d’actifs par retraité. Dans le second cas manquent les hypothèses utilisées pour cette estimation et l’impact de leur variation sur l’ampleur du déficit ce qui rend possible toutes les manipulations (par exemple sur le taux de fécondité, le taux de croissance, le taux d’activité des femmes…). Manque aussi le rapport entre le déficit estimé à l’horizon choisi et le montant total des retraites versées : le tableau ne présenterait alors aucun aspect inquiétant.

En second lieu, aucun retour sur le résultat des réformes précédentes. Pour quelle raison n’auraient-elles pas suffi ? Là nous sommes confrontés au vide des statistiques officielles…

En troisième lieu, aucune réflexion sur le sens politique de la retraite. Retraite qui n’existe que par opposition à ce que nous appelons encore le travail et qui pour plus de 90% de la population active prend la forme de l’emploi (ou de son absence), emploi utile ou inutile, voir nuisible socialement, emploi qui fournit, dans le meilleur des cas, l’argent permettant de (sur)vivre et asservit, de plus en plus, à la consommation. Emploi qui fournit de moins en moins ce qu’apportait le métier : la relation aux autres et au monde. Retraite dont le sens  se réduit alors de plus en plus à l’espoir d’un congé de fin de vie.

Enfin, et surtout, aucune pensée sur l’activité, la « valeur », qui est censée être au cœur de nos sociétés : le travail. La raison en est simple. Le productivisme, né au XIXe siècle, et le consumérisme né au XXe siècle, détruisent systématiquement cette « valeur ». Division du travail et marchandisation ont généralisé au monde entier la vision de la vie de Taylor et de Ford, le trop fameux, et trop sinistre, american way of life qui transforme des nations de citoyens en masse de consommateurs grégaires, ou plutôt, grégarisés. Cette vérité, quand on en prend conscience, vous plonge dans un abîme de désespoir ou de colère qu’il est très difficile de transformer en politique.

Une telle transformation est cependant en cours à travers de multiples expériences de nouvelles modalités de vivre ensemble, d’une part, et à travers l’invention de nouveaux modes de pensée s’appuyant sur la relecture des origines du modèle qui nous a conduit dans cette impasse : le modèle occidental, d’autre part. La tâche est immense mais indispensable si nous voulons qu’un monde humain puisse renaître et durer…

Aussi face aux « réformes » proposées par des gestionnaires et des spécialistes de la politique incapables de penser, un tant soit peu, par eux-mêmes, l’attitude à adopter est simple : le refus et le mépris. Le seul élément à long terme présent dans leur approche est l’horizon choisi pour chiffrer le soi-disant déficit. Leurs raisonnements sont tout aussi à court-terme que l’ensemble de leurs « politiques ».


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