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DJ Sprinkles – Where Dancefloors Stand Still

Publié le 22 juin 2013 par Lcassetta

Terre Thaemlitz est – c’est un fait indéniable – l’un voire le meilleur artiste house de ces dernières années. Il opère depuis une vingtaine d’années sous beaucoup d’aliases – et beaucoup d’engagements. Artiste travesti, il ne se réclame d’aucun genre sexuel et a toujours lutté pour la voix des communautés homosexuelles, transsexuelles ou travesties persécutées. Sa musique, en plus de toujours présenter une qualité exceptionnelle, s’est toujours dotée d’une force politique de par son militantisme. Il délivre alors sous son alias DJ Sprinkles son premier mix commercial en plus de vingt ans d’activité, Where Dancefloors Stand Still et transcende la house classique et les lois japonaises contre lesquelles il se prononce. 

En 2009, DJ Sprinkles ouvrait son désormais classique Midtown 120 Blues par ce monologue :

There must be a hundred records with voice-overs asking, “What is house?” The answer is always some greeting card bullshit about “life, love, happiness…”… House is not universal. House is hyper-specific… The contexts from which the deep house sound emerged are forgotten: sexual and gender crises, transgendered sex work, black market hormones, drug and alcohol addiction, loneliness, racism, HIV, ACT-UP, Tompkins Square Park, police brutality, queer-bashing, underpayment, unemployment and censorship—all at 120 beats per minute.

La véritable réponse à cette question se trouverait volontiers dans son mix, à vrai dire. Pour revenir aux sources de la chose, il faut d’abord revenir sur l’artiste. Quand on réécoute son parfait Midtown 120 Blues, on sent un travail empreint de sensualité quasi-provocatrice et de samples politiques. L’artiste, résidant au Japon depuis longtemps, se bat contre les lois fuzoku japonaises, assez illogiques à mon humble avis : Le principe est d’interdire aux clients des discothèques japonaises de danser après 1h du matin – et de danser tout court dans les petites discothèques. Vous comprendrez que pour quelqu’un de son acabit, c’est une affaire plus que personnelle.

Le mix existe en deux versions, une non mixée de 9 chansons et la version mixée de 14 chansons… On s’intéressera à la dernière. Ainsi, en presque une heure et demie, Terre nous transporte dans un univers mystique, où les dancefloors ne bougent pas et où de la house classique des années 90 virevolte autour des clients japonais qui ne dansent pas. On a presque envie de vivre cette expérience, entre la sensation peu commode et l’ambiguïté qui doit se créer entre les clients… Surtout avec une sélection qui donne autant envie de déchirer ses habits. On comprend pourquoi, avec cette musique, les gens préfèrent ne pas danser et se concentrer sur autre chose.

Et c’est vraiment une sélection parfaite de cuts de pure house sensuelle, de tout genres et périodes, de morceaux classiques, de ceux bien deep et sexuels à ceux avec des divas qui chantent. On a vraiment droit à 14 tracks tous aussi merveilleux les uns que les autres et la somme du tout a fait exploser nos pantalons. Sa manière même de mixer est presque touchante tout en étant optimale. Quoi de mieux qu’un mixage quasi superflu, laissant les tracks fondre, voire disparaître, renforcer quelques échos et quelques vocals à certains instants pour véritablement apprécier de la musique aussi profonde et chaleureuse ? Plus que la simple sélection des chansons – parfaite d’ailleurs – c’est sa manière de les rassembler qui touche vraiment.

C’est ainsi que l’album s’ouvre sur le meilleur track de la compilation, 12 Inches Of Pleasure (Ron’s Foreplay) (le titre est… représentatif du plaisir auditif), classique de Braxton Holmes, qui coule doucement entre nos oreilles avec un sample vocal splendide que Terre Thaemlitz amplifie presque innocemment par moments pour intensifier l’expérience. Commencer par un track aussi organique, culte et intense, c’est comme ne pas faire de préliminaires. C’est pour ça que par la suite, le tout s’adoucit et on fond doucement dans l’ambiance magique qu’il installe. Deep S d’Alex Danilov prend le dessus et le minimalisme du track, propulsé par un sample vocal rappelant les meilleurs jours de la house de Chicago et de nombreux hi-hats nous transportent dans cet endroit où les clubbers se regardent sans danser.

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A peine le troisième track qu’on a déjà droit à un troisième highlight, I Can’t Forget de Sound Mechanix, qui scande sur un synthé éthéré avec une voix profonde un amour à sens unique. I wake up in the night and I find myself alone, I remember all the time we spent and now the love is gone. I can’t forget. I can’t forge-e-e-et. No, I can’t forge-e-e-e-et. Le tout croît sans jamais exploser et en à peine un quart d’heure on est déjà immergés dans quelques extraits de la house la plus pure que vous trouverez.

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Si certains tracks comme celui là semblent plongés dans un mood sombre, certains seront les moments de lumière – même s’ils sont tous aussi sensuels et intenses. Après I Can’t Forget, on plonge dans Trentemøller qui remixe The Rythm Slaves pour un moment positivement cliché de soleil qui transperce les nuages brumeux, les oiseaux qui gazouillent, tout ça, servi dans des textures riches, orgasmiques et profondes. Il y a Good Feeling, classique de Gene Farris, avec ses allures de Stardust, bien funky, qui fait claquer un sample pitché répétant I’m in love with you sur une basse voluptueuse.

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L’un des meilleurs moments du mix arrive à la toute fin et c’est le Never No More Lonely des légendaires Fingers Inc., l’un des tracks qui répond le mieux aux standards house de l’époque sur cette sélection, avec une diva chantant l’amour avec un ton soul charismatique. You saved my day, thank you baby, now I’m never no more lonely, I’m not lonely anymore. No more lonely days and empty nights, thank you baby. Le tout est agrémenté par des synthés appelant à la luxure et des interjections explicites.

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Je pourrais passer en revue chaque track, sérieusement. Chacun est parfait en lui-même et la manière dont ils s’imbriquent décuple le plaisir qu’ils procurent. Vous n’écouterez aucun meilleur mix cette année et c’est sûrement le meilleur mix house que vous avez écouté depuis des années. Ce qui est encore plus louable et extrêmement difficile pour un mix de ce genre, c’est que même s’il n’y aucun track de DJ Sprinkles, on sent que le tout garde sa touche sonore ultra-sensuelle sans qu’on ait droit à une seule seconde de son propre travail.

Pour certains, Where Dancefloors Stand Still sera l’occasion de se battre pour le droit de danser. Pour d’autres, il ne sera qu’une soundtrack pour remplacer vos sélections R&B pour vos moments intimes. Pour beaucoup, c’est l’occasion de découvrir 14 pures gemmes de l’une des meilleures périodes de la house, choisies et mixées par l’un des plus grands génies musicaux de notre époque. En attendant, si ces lois infâmes peuvent mener à des compilations aussi spectaculaires, on veut bien qu’il y en ait un peu plus.

katsing


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