Magazine Danse

Une leçon de Gaga avec Ohad Naharin

Publié le 01 mai 2013 par Estelle Pinchenzon @on_y_danse

La grande leçon, avec Ohad Naharin, chorégraphe et directeur de la Batsheva Dance Company (Israël).

Lundi 29 avril au Centre National de la Danse (Pantin).

La grande compagnie israélienne la Basheva, est à Paris en ce moment pour présenter plusieurs de ses pièces, dans le cadre de la première édition du festival Sur les Frontières, organisé par le Théâtre National de Chaillot. Le Centre National de la Danse en profite pour inviter Ohad Naharin, directeur et chorégraphe de la compagnie, pour une soirée exceptionnelle. Pendant une heure, nous sommes suspendus à ses lèvres alors qu’il nous explique sa marque de fabrique et ce qui rend si célèbre sa compagnie : sa méthode d’enseignement, dite « Gaga ».

Une leçon de Gaga avec Ohad Naharin
Si vous n’avez pas encore vu les danseurs de la Batsheva se mouvoir sur scène, je vous invite fortement à visionner quelques unes de leurs vidéos. La maîtrise qu’ils ont de leur corps, la façon qu’ils ont d’occuper l’espace et de happer au passage toute l’attention de leur public, est unique et captivante. Chaque mouvement a son originalité, chaque danseur a ses propres mouvements. Leurs postures prennent vite des allures animales, car agiles, souples et rapides.

Explications avec Ohad Naharin.

Deux danseurs sont présents ce soir, et illustrent par leurs mouvements improvisés les propos de Ohad Naharin.

Une leçon de Gaga avec Ohad Naharin
Le « Gaga » est pour Ohad Naharin un langage qui lui permet de communiquer avec ses danseurs, et de prendre soin des corps. Le mot puise son origine dans un jeu très connu des enfants israéliens, ressemblant au cricket. Mais Ohad l’utilise davantage pour sa sonorité, très enfantine, et ce à quoi il ressemble quand il est écrit, que pour sa signification.

Le Gaga établit une connexion entre le plaisir et l’effort. Ohad Naharin l’enseigne aussi bien à des danseurs professionnels qu’à des personnes n’ayant jamais pratiqué la danse. Il renoue avec l’écoute de nos corps, la conscience de l’espace, les sensations de notre squelette, de notre chair, de nos vêtements et nous pousse à dépasser les limites.

Ohad Naharin accorde une grande importance à l’interprétation. Ce qu’il souhaite plus que tout est d’aimer ce que ses danseurs font de son travail. Le Gaga est sa « boîte à outil ». Il permet aux danseurs d’élever ses chorégraphies.

Les corps doivent trouver de nouvelles habitudes. Il s’agit de repérer les atrophies que nous avons tous et de les dépasser pour atteindre la longévité. La force physique ne l’intéresse pas tant que la force qui permet d’aller au delà et d’atteindre l’équilibre dans le corps. Il l’appelle la « force féminine ».

Il donne un autre sens à la rapidité. Il demande à ses danseurs de faire plus grand au lieu de faire plus vite, et d’élargir cet espace temps. La clé est d’avoir le sentiment d’avoir pleinement le temps, de ne pas être pressé, de lâcher prise. Il faut « se rendre », s’en remettre à l’univers et être connecté à lui, ne plus être au centre. 

Il recherche l’efficience du mouvement. Un animal peut bouger très majestueusement alors qu’il n’est pas du tout concerné par l’image qu’il renvoie. Il est juste focalisé sur la tâche qu’il réalise. Le Gaga doit pouvoir amener à cela. Les miroirs sont d’ailleurs bannis au sein de la compagnie, accusés de déformer la réalité. Avec un miroir, on se regarde au lieu de regarder ce qui nous entoure. Les danseurs de la Batsheva apprennent à ressentir les mouvements de l’intérieur sans se soucier de leur image. Les corps vont là où il doivent aller, peu importe l’esthétique ou l’envie de perfection. Ils sont dans le juste, à leur place, connecté à leur environnement. Ce qui compte est la clarté de la forme interprétée par les corps.

Une leçon de Gaga avec Ohad Naharin

Les danseurs participent très largement au processus de création, qui s’initie sous forme de jeux ou de codes. Ohad Naharin les encourage à ne pas se prendre au sérieux quand ils dansent tout en se garantissant des filets de protection. Ils jouent avec les volumes, avec les exagérations, cherchant à aller d’un extrême à l’autre et de trouver une grande variété de mouvements en repoussant toujours plus les limites. L’objectif est de créer des « Waouh moments ». Cela ne nécessite pas forcément beaucoup d’énergie. Un coucher de soleil est un « waouh moment ».

Les mots « hard » et « most » ne sont pas autorisés. Tout est question de challenge et il n’y a pas de mieux ou de moins bien. Si le mouvement est vrai, alors il est juste.

Pour finir, démonstration appliquée sur l’importance de l’étirement. En un petit exercice où l’on étire nos bras au ciel, Ohad Naharin nous fait sentir combien nos os peuvent aller au delà de ce que l’on croit. Et une fois remis en position normale, il nous fait prendre conscience de l’espace qu’il y a entre nos os et notre chair. On se sent bien, on peut bouger allègrement dans notre peau devenue très grande et explorer d’infinies possibilités de mouvements.

C’est sur ce sentiment d’infini que nous le quittons, celui qui nous entraîne dans notre boulimie de danse, à rechercher toujours ce qu’il y a au plus profond pour grandir. Un vrai « waouh moment ».

Estelle

Une vidéo, parmi tant d’autres, à regarder :


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Estelle Pinchenzon 583 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines