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Depuis Indurain, le Tour ne fait plus rêver

Publié le 25 juin 2013 par Jeanpaulbrouchon

ATT00183On peut tourner le problème dans tous les sens, analyser les divers aspects du phénomène : force est de constater que le Tour ne fait plus rêver ! Du moins ceux qui l’ont connu dans les décennies passées.

Certes, il réussit encore à passionner les foules de l’été, mais surtout celles des estivants et non plus celles des véritables connaisseurs qui se mobilisaient jadis pour crier leur admiration à Merckx, Ocana, Thévenet, Hinault ou Fignon; ceux qui s’intéressaient à la course et vivaient pour elle. Désormais la compétition s’efface devant la caravane publicitaire, en forte progression et en recherche constante d’originalité afin de s’attirer la sympathie du public. Au fil des années, c’est elle qui est au cœur de l’événement et c’est toute la différence !

On l’a déjà souvent dit et écrit : à l’origine du Tour de France, il y avait la course et les coureurs. C’étaient eux les héros. Le succès commercial n’est venu que plus tard. Le Tour des Desgrange, Lefèvre, Goddet, Steines s’est construit d’abord autour de l’extraordinaire aventure humaine qui lui a souvent donné des airs d’épopée. Aujourd’hui, tout a changé. L’événement Tour de France a connu un tel boom ces dernières années, par la promotion médiatique et la télévision, qu’il privilégie l’emballage à la compétition, au point d’accorder plus d’importance au décor qu’à ceux qui pédalent dedans. La mise en images du patrimoine historique et touristique nous fait préférer les châteaux et les panoramas sublimes aux hypothétiques performances de champions qui n’en ont plus que l’appellation !
Il faut dire que les Virenque, Pantani, Ullrich, Mayo, Vinokourov, Armstrong et compagnie ne sont plus là, et l’on sait pourquoi ! Dans le cyclisme actuel, les grands exploits se font de plus en plus rares, et pas forcément à cause de la traque au dopage. Tout est planifié, programmé, millimétré, contrôlé, comme en Formule 1. Il n’y a plus de place pour l’esprit d’initiative, le coup de cœur, l’offensive irréfléchie, ou rarement. Et quand un impétrant ose bouleverser le plan établi, on lui en fait le reproche, même quand il gagne à Porrentruy et y révèle sa personnalité, comme le jeune Pinot l’an passé…
Où sont les forçats de la route, les géants du Galibier et du Tourmalet, les conquérants du Ventoux et de l’Alpe d’Huez ? L’évolution actuelle fait le désespoir des anciens suiveurs, qui ont encore à l’esprit les exploits de ceux qui ont écrit les plus belles pages du Tour et forgé sa légende. L’avènement d’Indurain, en 1991, a tué le rêve par la consécration d’une machine industrielle qui a tourné à plein régime sans la moindre panne pendant cinq ans. Mais aussi sans état d’âme. Un champion lisse et sans relief qui n’a jamais rien eu à dire tout au long de son règne, et aujourd’hui encore !
Triste cyclisme, triste Tour qu’un propriétaire-organisateur plus affairiste que passionné veut nous vendre comme « la plus grande course au monde » ! Mais il n’a pas suivi le Giro ces dernières années, ni la Vuelta ou d’autres épreuves où le spectacle est autrement plus intéressant que durant les trois semaines de la Grande boucle. En 2012, trois étapes seulement sur les vingt ont véritablement influé sur le classement général. C’est peu pour un événement qui se fend d’être l’un des plus grands rendez-vous planétaires…
Désormais le vacancier de juillet vient pour "Cochonou" et ses saucissons, pour glaner quelques casquettes et recevoir les derniers gadgets du "Crédit lyonnais". On tend les mains pour tout et n’importe quoi et l’on récolte au passage des piles de papier et de prospectus qu’on ne lira jamais. Qu’importe, le Tour c’est la fête, dit-on, et qu’est ce qu’on se marre ! Tout est prétexte à un immense cirque où le spectateur est utilisé comme une bonne poire et le coureur comme un faire-valoir, peu concerné en définitive par une gigantesque entreprise commerciale qui augmente son chiffre d’affaires à chaque édition au profit des actionnaires d’ASO.
On l’a constaté depuis belle lurette, pour le grand public français, celui du bord de la route, le cyclisme commence avec le Tour de France et se termine avec lui, à une exception près : Paris-Roubaix ! Aucun intérêt pour Paris-Nice, le Dauphiné, le championnat du monde et les autres grands rendez-vous internationaux. L’insupportable matraquage médiatique orchestré autour du Tour fait de lui un événement à part et privilégié, tellement au-dessus des autres qu’il fait de l’ombre à tous. Comme pour cette 100ème édition, déjà portée aux nues avant qu’elle ait véritablement commencé !
Espérons simplement que le spectacle soit à la hauteur de l’attente…

Bertrand Duboux


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