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Les Damnés: La Malédiction des Petrova – Chapitre XXIX

Par Artemissia Gold @SongeD1NuitDete

Assise en tailleur dans l’herbe humide du matin, Noura tâchait de mettre en application les quelques conseils donnés par Goran dans la nuit. Le visage concentré, ses yeux  ne quittaient pas le ballet de fleurs qu’elle faisait voltiger devant elle comme si elles étaient portées par une brise légère.  Elle essayait tant bien que mal de faire abstraction de ce qui l’entourait et surtout de contenir toute pensée qui pourrait la déconcentrer. Pourtant,  ce n’étaient pas les pensées parasites qui manquaient. Soudain l’une d’entre elles s’imposa brutalement à son esprit : celle d’un couple trop tendrement enlacé à son goût. Cette vision fit vaciller le calme relatif qu’elle essayait de s’imposer. Les fleurs qui dansaient devant elles s’animèrent de mouvements rapides et désordonnés avant de s’embraser complètement et de retomber en cendre fine sur l’herbe.

Désespérée, la jeune femme se laissa retomber en arrière, les yeux clos.

-  C’est pas mal du tout, constata une voix.

Elle rouvrit brusquement les yeux pour apercevoir Elijah debout derrière elle, le visage penché au dessus d’elle. Elle se redressa prestement sur son séant et chassa d’un geste d’exaspération les quelques cendres qui s’étaient rependues sur le bas de sa robe.

- Elles n’étaient pas censées s’enflammer, maugréa-t-elle entre ses dents.

- Ah…, constata simplement Elijah légèrement embarrassé par sa bévue en s’asseyant à son tour au pied de l’arbre sous lequel elle avait pris place. Pourtant, tu avais l’air de les maîtriser plutôt bien l’autre jour.

- Justement je ne les maîtrisais pas. J’étais furieuse, je ne cherchais pas à les contenir, lâcha-t-elle froidement en fuyant son regard.

- Et qu’est-ce qui te perturbe, là, tout de suite ? demanda-t-il en s’amusant sa mauvaise humeur dont il se doutait de la cause depuis qu’il avait surpris son regard agacé quelques heures plus tôt en le voyant avec Anya.

- Là tout de suite,  c’est ton sourire condescendant qui m’énerve ! s’emporta-t-elle en le fusillant du regard.

Elle esquissa un mouvement pour se relever mais se retrouva brusquement acculée au sol, prisonnière des bras du vampire. Elle sentit son cœur faire un bon dans sa poitrine oppressée par son poids en sentant son souffle  si proche du sien.

- Tu ne serais pas légèrement jalouse par hasard ? la taquina-t-il en lui maintenant les mains au cas où il lui viendrait à l’idée de manifester sa colère de manière plus directe.

Devant le visage fermé de la jeune femme, qui gardait étrangement le silence, Elijah lâcha prise et reprit son sérieux. Ils restèrent ainsi un long moment, scrutant chaque détail du visage de l’autre comme pour les imprimer dans leur mémoire. Conscients l’un et l’autre que tôt ou tard, il ne leur resterait probablement que des souvenirs de ces instants fugaces à chaque fois interrompus. Irrémédiablement attiré par ses lèvres entrouvertes,  il s’approcha doucement.

Elle aurait voulu céder à ce moment mais un dernier lambeau de raison, enfoui au plus profond de sa conscience vint brutalement réveiller sa volonté affaiblie.  Elle plaqua ses doigts sur les lèvres qui effleuraient presque les siennes pour empêcher leur contact :

- Ne fais pas ça. Ne fais pas ça si tu comptes partir et me laisser seule, supplia-t-elle d’une voix tremblante.

 Elijah se redressa brusquement et contempla le visage désemparé de la jeune femme, en proie lui aussi à la plus grande confusion et incapable de trouver la moindre parole réconfortante.

 Un raclement de gorge les tira de leur malaise respectif. A quelques mètres d’eux, Goran, embarrassé, tentait d’attirer leur attention. Les deux jeunes gens se relevèrent prestement sans doute aussi gênés que le vieil homme :

- Je suis désolé de vous déranger mais je vais avoir besoin de vous Noura pour convaincre votre sœur de renoncer à son idée complètement farfelue.

Noura acquiesça sans demander plus d’explication, heureuse  de s’éloigner le plus rapidement possible. Lorsque la jeune femme passa à la hauteur du vieil homme, ce dernier se pencha légèrement vers elle et lui murmura avec un sourire bienveillant :

- Quand je parlais d’exercices de maîtrise de vos émotions, ce n’est pas vraiment à cela que je pensais.

 Les joues de la jeune femme s’empourprèrent. Elle baissa la tête avant de battre rapidement en retraite et laissa les deux hommes seuls. Elle s’engagea dans les allées envahies par les herbes et se débattit avec les ronces qui s’accrochaient au bas de sa robe. Elijah sourit malgré lui en la regarda s’éloigner maladroitement  avant de reprendre soudain son sérieux devant le visage de Goran qui le considérait gravement.

- Loin de moi l’idée de me mêler de vos vies privées ou de paraître ingrat après ce que vous avez fait mais ….

- Je sais ce que vous allez dire. Et j’en ai tout à fait conscience, l’interrompit calmement Elijah.

- Klaus ne renoncera jamais à son projet et elles ne renonceront jamais à protéger la malédiction. Vous allez vous retrouver dans une situation très inconfortable- si ce n’est pas déjà le cas-. Croyez-moi, je sais de quoi je parle pour m’être retrouvé moi aussi entre les Petrova et le conseil. Tôt ou tard, vos intérêts divergeront et  vous serez en conflit.  Epargnez-lui cette situation, continua Goran.

- Waleda a choisi pour vous : elle est partie avant que cela n’arrive.

Le sorcier hocha la tête et inspira profondément avant de répondre :

- Oui, je lui en ai longtemps voulu mais j’ai fini par comprendre son choix. C’était une tête de mule mais elle était plus censée que je ne l’étais à l’époque. Noura lui ressemble beaucoup, cela en est troublant, répondit le vieil homme avec un sourire emprunt de nostalgie.

- Et pourtant aujourd’hui vous êtes là avec elles ….les protégeant contre le conseil. Sacré revirement de situation, insista Elijah moins par provocation que pour calmer ses craintes à l’idée de devoir partir tôt ou tard pour respecter le marché conclu avec Klaus.

- Il y a parfois des événements imprévus qui vous font voir les choses différemment. Un jour, peut-être, vos intérêts convergeront et vous serez dans le même camp.

- Oui…un jour peut-être…, répéta Elijah soudain très las en se passant la main sur la nuque.

Le vieil regarda avec compassion  le vampire qui avait perdu l’espace d’un instant son flegme habituel et semblait réellement  abattu par les perspectives qui se présentaient à lui.

- Nous devrions rentrer et aller jeter un œil à ce qu’elles font. Je n’ai aucune confiance en cette bourrique d’Anya, finit-il par proposer pour mettre fin au malaise du jeune homme.

Elijah lâcha un bref ricanement :

- Et quelle est cette formidable idée qu’elle a encore eue ?

-   Oh c’est très simple : elle veut des réponses et elle compte les demander à celle qui a scellé la malédiction.

Elijah fronça les sourcils d’incompréhension puis écarquilla les yeux en comprenant soudain :

- Vous êtes en train de me dire qu’Anya veut invoquer Waleda ?

- Qui d’autre ? admit-il fataliste.

- Et vous, vous comptiez sur Noura, qui est en ce moment en pleine confusion parce qu’elle n’a jamais eu l’occasion de parler de ses dons avec sa grand-mère et qui, en plus, ne lui a jamais dit adieu, pour  convaincre Anya d’y renoncer ? demanda le vampire stupéfait par la naïveté du vieil homme.

Celui-ci fronça les sourcils et considéra un moment la réflexion du vampire :

- Oh seigneur… Dépêchons-nous de rentrer…, convint-il en se passant une main lasse sur le visage.

 Lorsque les deux hommes pénètrent dans la maison, les deux femmes, comme ils le craignaient, réunissaient sur une table poussiéreuse toutes les bougies qu’elles avaient pu trouver dans la maison.

- Vous n’êtes pas sérieuses j’espère, se lamenta Goran en les voyant s’affairer.

- Vous avez une autre idée peut-être ? lâcha froidement Anya sans même jeter un coup d’œil vers lui.

- Il est hors de question que je vous aide, décréta-t-il.

 Les deux sœurs échangèrent un regard complice avant de se tourner malicieusement vers le sorcier.

- Si vous ne nous aidez pas, on se débrouillera toutes seules. Et vous avez vu ce que ça donne lorsque Noura utilise ses pouvoirs, commença Anya avec un sourire provocateur.

- Et vous avez vu ce que ça donne lorsqu’ Anya se débrouille toute seule, continua Noura en dirigeant un  regard appuyé en direction d’ Elijah qui ne savait pas s’il devait s’amuser ou s’inquiéter du manège des deux sœurs.

 Le vieil homme, désemparé et pris au dépourvu par le chantage mis en place par les deux sœurs pour le faire céder, lança un regard suppliant en direction du vampire.

- Ne me regardez pas comme ça… Je vais suivre vos précieux conseils et éviter de me retrouver entre deux feux, se défila-t-il en levant les mains. Je crois plutôt que je vais vous laisser régler cela en famille.

- Comment ça en famille ? intervint Anton en apparaissant  derrière eux.

 ~*~

- Je vais avoir du mal à le considérer comme un…oncle, hésita Anya en regardant par la fenêtre par laquelle, Noura et elle, observaient, de manière peu discrète, Goran révéler une partie de son passé à son fils.

- Oui… moi aussi. Surtout qu’il n’a pas l’air d’avoir beaucoup plus de bon sens que toi …, reprit Noura en se haussant sur la pointe des pieds et en tendant le cou pour mieux voir les deux hommes qui s’étaient éloignés de leur champ de vision.

- En tout cas, il ne démolit rien, ne tente pas de frapper son père : on peut dire qu’il le prend mieux que vous deux, lâcha Elijah en s’approchant lui aussi de la fenêtre pour observer la scène.

Les deux sœurs se retournèrent dans un même mouvement pour lui lancer un regard noir avant de se concentrer à nouveau sur la scène qui se jouait à l’extérieur.

- Il n’empêche que j’ai beaucoup de mal à imaginer Waleda amoureuse, reprit Noura avec une moue septique.

- Si elle avait déjà son sale caractère, ça devait être épique, enrichit Anya amusée en imaginant les passes d’armes entre sa grand-mère et Goran dont l’obstination n’était plus, non plus, à démontrer.

-  J’ai vraiment de la compassion pour ce pauvre homme… Quelle idée de tomber amoureux d’une sorcière avec un caractère de chien… il a dû vivre un véritable enfer, lança Elijah avec un sourire en coin en regardant Goran par-dessus les épaules des deux sœurs en se doutant parfaitement que la réaction à ses propos ne se ferait pas attendre.

Anya ne put réprimer un rire amusé qu’elle tenta vainement de dissimuler derrière un raclement de gorge en voyant le regard  courroucé de Noura.

- Et si tu allais plutôt les chercher ! le congédia-t-elle avec humeur.

Le sourire narquois qu’il lui lança avant de tourner les talons ne fit que l’exaspérer davantage.

- Je ne le connaissais pas si …, commença Anya une fois que le vampire ait quitté la pièce.

- Je t’arrête toute de suite, Anya. Je n’ai pas du tout l’intention de parler de cela avec toi, décréta Noura.

La jeune femme resta un moment abasourdie par la rudesse du ton :

- Si c’est à propos de ce que tu as vu cette nuit, je t’assure que tu fais fausse route, se justifia-t-elle

- Je sais.

Pour couper court à toute conversation, la jeune femme se détourna de la fenêtre et entreprit d’allumer les bougies disposées ça et là dans la pièce, en tâchant se maîtriser au mieux afin de ne pas réitérer son exploit de l’auberge.

- Nous avons des choses plus importantes à faire pour le moment. Si on rate notre coup, j’ai bien peur que Waleda, même morte, ne nous rate pas, elle, parce que j’ai comme l’impression qu’elle ne va pas du tout apprécier ce que l’on va faire.

Anya suivait chacun de ses gestes, tout d’un coup surprise par le changement qu’elle constatait chez sa cadette et auquel elle n’avait pas prêté attention. Ses gestes, ses expressions et même sa voix étaient désormais emprunts d’une gravité qu’elle ne lui connaissait pas et trahissait les épreuves auxquelles elle avait été soumise au cours de ces  quelques jours passés loin l’une de l’autre. La jeune femme prit soudain conscience des bouleversements que cela allait occasionner sur la vie de sa sœur et se sentit  totalement impuissante à l’aider à les affronter. Son regard se porta à nouveau vers la fenêtre par laquelle elle distinguait la haute stature légèrement courbée de Goran qui était sans doute le seul à pouvoir la guider et à la protéger de ses pouvoirs.

 - C’est à toi que Waleda aurait dû transmettre son savoir. Je suis plus irréfléchie et impulsive que toi au contrairement à ce qu’elle pensait. Cela nous aurait éviter …tout cela. Elijah avait raison, j‘ai fait de nos vies un véritable fiasco, murmura-t-elle en fixant le sol.

 Noura se retourna pour faire face à son aînée qui semblait soudain totalement désemparée.

- J’aurais fait la même chose que toi à ta place, tenta-t-elle de la rassurer.

- Bien sûr que non. Je t’ai vue cette nuit, prête à renoncer à des pouvoirs qui te dépassent. Je te vois mettre tes sentiments de côté pour protéger ta famille. J’ai été incapable de le faire. Et si Klaus avait montré, ne serait-ce qu’une fois, une étincelle d’humanité, j’aurais probablement renoncé à cette mascarade et à partir. J’aurais probablement tout fait pour retrouver l’homme que j’avais aimé.

Noura regarda sa sœur, abasourdie par sa confession. Jamais au cours de ces années, Anya ne lui avait confié quoique ce soit sur sa relation avec Klaus.

- J’ai beaucoup de mal à imaginer un Klaus autrement que comme un tortionnaire et l’assassin de notre père.

- C’est difficile à imaginer effectivement mais ça a été le cas…, confessa Anya.

Désarmée, en voyant sa sœur au bord des larmes et se sentant incapable de trouver des mots réconfortants, surtout lorsqu’il s’agissait de Klaus, Noura resta un moment penaude et réfléchit rapidement à un moyen de les sortir  de cette conversation qui les mettait  toutes les deux mal à l’aise :

- En fait, à chaque fois j’imagine ton histoire avec Klaus, je repense à Panache. Tu sais ce chien blessé que tu as recueilli en cachette de père et de Waleda quand tu devais avoir dix ans. Tu t’étais attachée à lui, tu t’enfuyais du village pour aller le retrouver dans cette cabane abandonnée dans les bois, tu t’es occupée de lui, tu pansais ses plaies et au final tout ce que tu as récolté ce sont des puces et une morsure qui t’a valu, en plus, un coup de canne dans le derrière de la part de Waleda, lâcha-t-elle soudain.

Anya resta un moment bouche bée de surprise à l’évocation de ce souvenir tout à fait incongru compte tenu des circonstances:

- Tu …tu es en train de comparer Klaus avec un chien pouilleux ?

- Non, je compare votre histoire à celle du chien pouilleux. Ceci dit… l’un et l’autre aurait pu te refiler la rage, reprit Noura avec un sourire narquois.

- Noura ! s’exclama Anya qui sentait un sourire s’étirer malgré elle sur lèvres

Les deux sœurs échangèrent un regard complice.  Leurs éclats de rire raisonnèrent dans la maison vide. Elles tachèrent de retrouver leur sérieux en entendant la porte s’ouvrir sur Goran qui les regarda un moment, stupéfait par leur bonne humeur soudaine.

- Tout s’est bien passé ?  Où sont Anton et Elijah ? s’enquit Anya en se raclant la gorge pour contenir son hilarité.

-  Tout va bien. Ils préfèrent rester dehors et nous laisser seuls…. Je vois que tout est prêt, remarqua-t-il. Et bien allons-y avant que je ne change d’avis.

Dehors, le soleil éblouissant de la veille avait laissé la place à ciel bas et gris qui plongeait la maison dans une semi-obscurité, malgré l’heure avancée de la matinée. Dans la vaste salle, que les nombreuses chandelles  éclairaient d’une  lumière imprécise, une solennité soudaine succéda aux éclats de rires des deux jeunes femmes.

Ils prirent place au centre du cercle de bougies posées à même le sol. Goran sentait au creux des siennes, les mains tremblantes de ses petites filles. Sa conscience lui ordonnait de tout arrêter maintenant. Il savait que la frontière entre les deux mondes ne devait jamais être franchie, qu’ils n’étaient pas à l’abri de conséquences ingérables. Pourtant, ses lèvres laissèrent s’échapper les premiers mots de l’incantation alors que ses doigts osseux enserrèrent davantage ceux des deux jeunes femmes dans un geste rassurant. Car il savait pertinemment que leur obstination à invoquer leur grand-mère n’avait que peu à voir avec les révélations qu’elle pourrait leur apporter. Il ressentait  par ce contact la culpabilité Anya d’être encore en vie et l’insécurité qui paralysait de la plus jeune, privée trop tôt de ses repères parentaux.

Chaque mot ânonné par le sorcier animait les flammes qui les entouraient. Les deux jeunes femmes sursautèrent dans un même mouvement lorsque les deux battants de la porte se refermèrent brutalement faisant raisonner lugubrement les murs de la pièce. Elles s’échangèrent un regard inquiet en voyant la silhouette du sorcier s’affaisser légèrement et en sentant ses mains relâcher leur pression. Puis soudain, la lueur des bougies blêmit et les flammes s’éteignirent. Leurs mèches incandescentes  laissaient s’échapper une fumée à l’odeur âcre.

Goran se redressa péniblement, aidé par les deux jeunes femmes qui n’osaient l’interroger sur ce qui venait de se passer. Un léger souffle les frôla. Elles frissonnèrent et se figèrent en entendant cette voix grave et éraillée  si familière :

-  Je n’arrive pas à croire qu’elles aient réussi à te convaincre de faire une chose pareille, maugréa la vieille femme à l’adresse de Goran.

Les deux jeunes femmes restèrent un moment pétrifiées, bouche bée devant la tache lumineuse qui se dessinait de plus en plus distinctement dans le coin le plus sombre de la pièce. La silhouette se teintait de couleurs légères, immatérielles. Son image se condensait   peu à peu sans pour autant parvenir à donner l’illusion de la réalité.

Les deux jeunes femmes, le cœur battant, regardaient l’apparition en proie à la plus vive émotion.

- Elles ne m’ont pas vraiment laissé le choix, se dédouana Goran en tâchant de maîtriser sa voix tremblante.

-Ça ne m’étonne pas… Eh bien c’est tout ce que vous avez à me dire ? demanda Waleda en souriant en voyant la mine hébétée de ses deux petites filles.

-  Nous avons au contraire tellement de choses à te dire, grand-mère, répondit Anya en essuyant les larmes qui inondaient son visage.

- Je sais pourquoi vous m’avez appelée.

- Comment cela « tu sais » ? …Tu nous surveilles ? demanda Anya dubitative.

- Bien sûr que je surveille ! Et surtout toi, espèce de bourrique, dès que tu approches de ce maudit grimoire ! s’emporta le spectre.

Anya resta un moment interdite et se mordit nerveusement la lèvre :

- C’est toi qui a provoqué ces phénomènes l’autre soir lorsque j’avais le livre en main ?

- Bien sûr que c’était moi! Qu’est-ce que tu croyais ? Que j’allais te laisser prononcer cette formule qui t’aurait conduite à une mort certaine ! continua Waleda sur le même ton.

- Vous avez voulu invoquer les pouvoirs occultes de votre ancêtre ! Mais vous n’avez rien écouté de ce que je vous ai raconté ! s’emporta à son tour Goran.

Cernée de part et d’autre par ses grands-parents, Anya préféra faire profil bas :

- J’ai fait une erreur mais j’avais peur que Klaus ait tout deviné, s’excusa-t-elle.

- Grand-mère, sans le livre nous ne pourrons pas empêcher que ce genre de choses ne se reproduise avec les prochaines générations. Aide-nous à le récupérer, dis-nous qu’elle est cette clé liée à notre sang et qui peut briser la malédiction,  intervint Noura.

La vieille femme resta un moment silencieuse, inspira profondément avant de reprendre:

-  Le sang des Pétrova  a déclenché les deux malédictions : le tien Anya qui a permis sa transformation en vampire et celui de votre père qui a réveillé le loup- garou. Sans cette malédiction Klaus aurait été le premier spécimen d’une nouvelle espèce, encore une fois, créée entièrement par notre famille. Je savais que tôt ou tard il te retrouverait, Anya, et ferait tout pour te tuer, toi et toute notre lignée. Il fallait que je trouve un moyen pour que cela n’arrive pas. Si Klaus veut briser le sort et reproduire son espèce, il aura besoin de toi, de ton sang.

- C’est Anya la clé que recherche Klaus ?! Je donnerai cher pour être là quand il apprendra qu’il ne peut pas te tuer. s’exclama Noura aussi abasourdie que soulagée.

 Anya garda un moment le silence pour intégrer les paroles de Waleda.

- Grand-mère ? Tout cela me protège moi mais qu’est-ce qui l’empêchera de s’en prendre à notre famille ?

- J’ai fait en sorte qu’une nouvelle clé apparaisse dans notre famille au hasard des générations et qu’il reconnaîtra très facilement. S’il t’arrivait quelque chose avant qu’il ne brise le sort, il devra laisser notre famille en vie pour pouvoir briser un jour la malédiction.

Waleda s’interrompit pour considérer avec attention Noura :

- Malheureusement, je n’ai pas pu vous protéger de tout.

La jeune femme se troubla et baissa brusquement la tête pour ne pas affronter  le regard de la vieille femme. Elle connaissait sa haine pour ces êtres crées par sa petite fille et qui lui avait ôté son fils. Elle savait aussi son aversion pour les pouvoirs de son ancêtre et dont elle avait toujours essayé de les protéger. Elle était maintenant la synthèse de tout ce que sa grand-mère haïssait plus que tout. Cette idée bouleversa la jeune femme. Devant le désarroi de sa petite fille, la silhouette fantomatique s’approcha :

- Je suis si fière de ce que tu es devenue, Noura. Je suis tellement désolée de t’avoir si mal jugée et de t’avoir tenue à l’écart. J’aurais dû t’enseigner à toi aussi les savoirs de notre famille. Si je l’avais fait, tu aurais pu te défendre ce soir-là. J’aurais tellement voulu avoir le pouvoir d’intervenir, s’excusa la vieille femme en approchant une main immatérielle du visage baigné de larmes comme si elle pouvait le caresser.

La jeune femme lui adressa un discret sourire emprunt de reconnaissance.

 La vieille femme contempla une dernière fois les visages émus de ses deux petites filles et échangea un regard complice avec Goran :

- Je dois partir maintenant. Je te les confie, conclut-elle

La vieille femme se recula à nouveau dans le coin sombre dans lequel elle était apparue. Au moment où son image commençait à s’estomper, sa voix  résonna à nouveau :

- A propos, vous serez heureuses d’apprendre que cet arrogant et imbécile de vampire s’est fait dérober la pierre et se retrouve coincé dans son château par sa sorcière. C’est le moment ou jamais d’intervenir mais soyez prudentes quand même, lança-t-elle.

Ses derniers mots restèrent comme suspendus dans les airs. La silhouette avait disparu.


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