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Charles Le Quintal

Publié le 24 avril 2008 par Tom Vanderstichele

La suite de « Quand je serai SDF »

Une suite pleine de petits liens, à suivre, si vous le voulez 

Je suis saisi de stupeur, quand je vois à la télé Le Tas (clic), dans un reportage du JT. On est le 20 avril, près d’un mois après le début du printemps et lui et d’autres n’avaient pas encore entamé leur longue phase d’invisibilité printanière et estivale, bien au contraire, ils campaient devant un abri pour SDF. Ils dormaient dans des tentes de la marque du célèbre sport d’endurance, ironie ou volonté de montrer que le Sans-logisme est un sport d’endurance, je ne le saurais pas, car Mme Yoyo vient de changer de chaîne, elle ne veut pas rater le Grand Reporter Nagui et l’interview quotidienne qu’il fait d’aventuriers de toute sorte.

Le Tas est à Charleroi, faut que j’y aille pour voir si ce qu’il fait là est une préparation pour les prochains JO , dans ce cas n’ai-je pas aussi mes chances, vu l’entraînement que j’ai effectué en hiver ? Le sponsor sur les tentes était pour moi une preuve que quelque chose se préparait. J’avais déjà raté l’opération de colonisation des Sudéens (clic), je ne vais quand même pas rater une participation aux Jeux Olympiques, dans le seul sport d’endurance où j’ai certaines chances, l’invisibilité (clic) en position assise, voir même dans la position du lotus.

Le 25 avril, je suis Gare Centrale, lieu mythique du Sans-abrisme, je vais prendre le train pour la ville de Charleroi, terre de tous les défis. Pour mes amis Français, sachez que Charleroi est à la Belgique ce qu’est le Bronx ou Chicago des années de prohibition sont aux Etats-Unis. Charleroi ressemble en plus à une énorme zone industrielle, de type soviétique, avec un nuage gris permanent au-dessus de la ville. Les mafiosi, les truands, les Politiques véreux, les vendeurs de bois de contrebande(clic), la police débordée, tout ce beau petit monde fait tout pour garder cette chape de gris au-dessus de la ville qui tire son nom de Charles 5, que ses potes appelaient Charlequint, diminutif de Charles Le Quintal, surnom qu’il devait sans doute à une obésité génétique, dont souffre plusieurs monarques de part le Monde. Aujourd’hui, pour se distinguer des autres cités médiévales belges, elle rassemble la plus grande concentration de tentes habitées par des Tas, entraînement ultime pour les JO, sous la houlette d’une échevine des sports, très controversée, puisque la rumeur récente (23 avril), parle de conasse(clic), rien que ça.

Une petite heure plus tard, je suis déjà au centre de Charleroi, j’ai du mal à me mouvoir avec la combinaison et le masque à gaz que l’on m’a ordonné de porter à la sortie de la gare. Le taux de pollution de l’air a encore une fois dépassé les normes de Vladivostok et de Minsk réunis, j’ai pas l’air ridicule, tous les « touristes » doivent en porter, seuls l’indigène ne doit pas. Le responsable de l’immigration, à la gare, m’a expliqué que les habitants de Charleroi sont immunisés, puisqu’ils naissent avec des poumons goudronnés, qui filtrent bien mieux l’air vicié. Je ne sais pourquoi, je n’ai pas trop envie de m’attarder dans cette ville, mais je commence à comprendre pourquoi les athlètes SDF viennent s’entraîner ici, au vu des conditions extrêmes.

Je trouve enfin la maison d’accueil devant laquelle le rassemblement sportif a lieu, celle-ci porte le nom d’Ulysse, légère référence aux Grecs, fondateurs du muscle. Ulysse était aussi un des tous premiers Sans-logis, puisqu’il erra longtemps avant de récupérer ses papiers et de pouvoir rentrer chez lui, où l’attendait sa femme, ce qui prouve que c’est une légende.

De temps en temps je sirote, par un system ingénieux de tube, un liquide sucré que je porte dans le petit sac à dos que m’a fourni l’office du tourisme de la gare, c’est visiblement du coca avec un arrière goût de chips. Je ne serais pas étonné qu’un mafioso local rassemble tous les restes de frites et de coca McDonnéennes et en fait ce jus, seul remède contre une éventuelle infection, dixit le gars à la gare.

La plupart des tentes sont vides, j’arrive enfin à trouver quelqu’un, je lui dis :

-   « Gfou vavez vou un go avec ne borbe ? »

-   « Hein ? »

-   « Ché pô fachile de pôrler affec ce môsque »

-   « Dites donc, c’est vrai que vous parler bizarre, vous les Chtis »

-   « Naon, chui de Brousselle »

-   « Et puis, pourquoi que tu portes un masque mon gars, je pue tellement ? »

-   … ?

Visiblement, va falloir que je retire un instant mon masque à gaz, sinon je n’arriverai pas à me faire comprendre, je prends une dernière bouffée d’air filtré et je l’enlève.

-   « Bonjour, je vous demandais si vous n’aviez pas vu un gars avec une barbe ? »

-   « Ah ! Oui y en avait quelques uns avec des barbes, mais ils se sont rasés au foyer, en face »

-   « En fait, mon barbu à moi, vient de Bruxelles, sans doute avait-il un masque et une combinaison comme la mienne à son arrivée »

-   « Ah non, faut dire que je ne suis pas tout le temps ici, mais un gars habillé comme toi, j’en ai vu aucun »

C’est vrai aussi que je n’avais rencontré personne avec cet ensemble combinaison et masque, ça ne doit pas être la saison du touriste à Charleroi.

-   « A propos, que faites vous ici et où sont les autres ? »

-   « Certains vont faire la manche, d’autres travaillent, moi j’attends l’ouverture du foyer, j’espère décrocher une place »

Je me souviens à cet instant de ma mésaventure à Zaventem, je décide de ne pas parler directement des JO, je vais aborder d’une autre manière.

-   « Vous arrivez à tenir invisible longtemps par ici ? »

-   « Heu…ben si je rentre oui, on ne me verra plus ! »

C’est donc ça, l’invisibilité est en retard cette année, les SDF sont obligés de dormir dans des maisons et des lits comme tout le monde, en attendant que la magie opère. De toute façon, les JO sont pour le mois d’août, il y a encore du temps pour que ça vienne.

Je remets mon masque, je salue de la main mon interlocuteur, une bouffée d’air sous masque pfffff…, une rasade de la potion, on ne sait jamais, c’est vrai que c’est un peu pollué dehors.

Je traverse, je vais me renseigner directement chez Ulysse(clic). Je sonne, j’enlève à nouveau mon masque, un bonhomme vient ouvrir.

-   « Bonjour, je voudrais savoir quelles sont les formalités pour entrer »

-   « Ben, on tire des cartes, et suivant la couleur, tu rentres ou pas »

à suivre, certainement…


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