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[Critique] THE BLING RING de Sofia Coppola

Par Celine_diane
[Critique] THE BLING RING de Sofia Coppola Depuis son Virgin Suicides en 1999, Sofia Coppola s’est faite la peintre de l’ennui bourgeois. D’une trilogie féminine, qui explorait les troubles de femmes sublimées et paumées (les cinq sœurs vierges, Scarlett Johansson dans Lost in Translation, ou encore Marie-Antoinette), la cinéaste a basculé depuis peu dans un paysage plus masculin, adoptant le point de vue d’un homme dans Somewhere, d’un ado dans ce Bling Ring très pop et coloré. Clinquant en apparence, ne faisait jaillir que le vide qui emplit les personnages et leur existence, son cinquième film trouve le bon équilibre entre cynisme et ironie, drame et drôlerie. On est à L.A, il y a le luxe, les palmiers, Facebook, l’âge ingrat. Et les fantasmes d’ados perdus, pris dans l’engrenage de la surenchère. Ils dépouillent les stars, s’affichent sur le net, collectionnent jusqu’à la nausée un luxe dont ils n’ont pas besoin. J’ai, donc je suis. Pourquoi chipent-ils les sacs des célébrités à la mode ? Pourquoi sont-ils obsédés par la gloire et les billets verts ? Pourquoi s’entêtent-ils à visiter les maisons des stars alors même que la police est à leurs trousses ? Coppola se fiche des pourquoi. Ce qu’elle filme, c’est le résultat et les produits d’une société malade. Monde de strass qui glorifie la vacuité, qui fait du paraître l’être, et qui empêche d’exister sans le regard d’autrui. The Bling Ring, c’est le trash d’Harmony Korine avalé par les paillettes de Paris Hilton. Korine nous servait du vinaigre. Coppola sort les bonbons. Pourtant, au milieu de toutes les séquences de cambriolage soft, orchestrées avec pas mal d’ambition par une réalisatrice qui essaie à tout prix d’éviter la redondance, il y a plusieurs scènes qui font froid dans le dos. D’abord : une arme, une jeune fille. La séquence laisse entrevoir la pulsion de mort tapie dans chaque piqûre d’adrénaline que constituent les vols, et le vide- immense et noir- qui sert de moteur au groupe. Ensuite, l’image de fin. Elle y dévoile une réalité terrifiante : l’ado dit adieu à ses costumes Armani, ses Rolex et écharpes griffées, enfile un ensemble orangé de taulard, et ne pense pourtant qu’à l’ascension du nombre de ses amis Facebook. Même isolé du groupe social, même privé de toute liberté. C’est dire le conditionnement de la jeunesse. Et les dégâts. 
Seuls, anonymes, les ados d’aujourd’hui pensent n’être personne. Ensembles, célèbres (et ce, qu’importe les moyens employés), ils se sentent invincibles. Coppola, parallèlement à leurs malaises existentiels, filme les chairs tristes, et les carcasses vides. Derrière la fascination maladive pour ce qui est célèbre, il n’y a rien. Les corps ne désirent plus, ils souhaitent simplement être vus. Les cœurs ne battent plus, ils cherchent des moyens de s’allumer, à nouveau. Pour faire passer ces concepts (l’ennui, le mal-être, le dégoût pour la vie), Coppola demeure à la bonne distance : entre le déluge des flashs des téléphones portables qui immortalisent jusqu’à l’écoeurement cette vie qu’ils ne vivent pas vraiment et les étalages de luxe des penderies et tiroirs, qui viennent combler les absences. Absence d’avenir (la plupart ne suit plus de cours à proprement parler), absence de repères (la cellule familiale reste la plupart du temps dans l’ombre). La cinéaste ne juge jamais, n’analyse rien, mais capte à merveille l’errance et le puzzle identitaire, faisant de The Bling Ring l’instantané blasé d’une époque. Coppola éclabousse personnages et spectateurs d’une substance vaine, visqueuse et sans éclat, et, laisse poindre la tristesse et la vacuité d’une génération derrière le beat faussement enjoué d’une chanson de Sleigh Bells. Certains penseront qu’elle n’a rien à dire, puisqu’elle ne dit rien. Au fond, c’est tout le contraire. De son silence froid et quasi moqueur, jaillit le constat- las, désabusé- qu’il est de toute façon trop tard pour insuffler de l’âme et du cœur à ce qui n’est que pacotille et/ou illusoire. Et, à bien y réfléchir, la résignation- et peut-être surtout lorsqu’elle apparaît sournoisement amusée- est un point de vue comme un autre.
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