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54 - Toute la nuit, comme avant

Publié le 25 avril 2008 par Theophile

Nuitzup Le papier peint de ma chambre est d'un bleu très pâle qui se confond parfaitement avec celui du ciel.
Habitant au 8ème étage, j'étais très impressionné par la hauteur.
Je n'avais jusqu'à présent vécu qu'au 2ème, au 3ème ou dans une maison.
Ma chambre était grande, neuve, claire.
Quelques visages de Pierrot, certains avec une larme, se confondaient dans le bleu ciel de la tapisserie.

C'est une nouvelle vie qui prenait forme petit à petit.

Samuel, le petit ami de ma soeur venait le plus régulièrement possible depuis qu'il a obtenu son permis de conduire et acheter sa propre voiture d'occasion.
Joséphine va mieux, et s'épanouit dans ses cours de piano, elle vient d'obtenir un premier prix au conservatoire.
Ma mère a trouvé un emploi, mieux payé et beaucoup plus intéressant.
Moi, je ne vis que par le théâtre et suis très enthousiaste du cours et des projets de spectacles que nous avons.
Ma chienne Sally est de nouveau parmi nous.
"L'autre", habite et travaille à Lauhon, à soixante kilomètres et passe certains week-ends ici, avec nous.

Je les ai entendu faire l'amour cette nuit.
Je ne dormais pas.
Les cloisons sont fines dans cet appartement.

Tout cela a été long, calculé, précis, tenace. Il a fini par revenir.

Pas complètement, car Myriam est très vigilante. Le couple prend une autre tournure. Exigeante avec lui, le mettant en garde au moindre haussement de voix, elle croit tenir le contrôle de la situation.

Jean-Marc est fier. Cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête est bien évidemment inconfortable pour lui. Il tente de réfréner ses colères, ses emportements à chaque instant.
Se voir sans le contrôle dont il avait pris habitude toutes ces années, le déstabilise.

Sa jalousie maladive dont avait parlé ce policier à Myriam, il y a quelques années, revient petit à petit. Des reproches sur les quelques minutes de retard. Des coups de téléphone de collègues qu'il qualifie de constamment ambigus. Des numéros de téléphone sur l'agenda, avec un prénom masculin écrit entre parenthèses.
Il doute à chaque minute. Il ne sait ce que fait Myriam la semaine lorsqu'il n'est pas là. Il doute.

C'est de lui, aussi qu'il doute. Il craint de ne pouvoir retenir son poing. Il craint de perdre définitivement tout ce qu'il a réussit à regagner. Ses poings se serrent. L'envie de défoulement spontané sur le visage de ma mère le démange. Il ne le montre pas. Mais cette violence le démange. Comme une envie. Comme un manque. La nicotine de sa violence à laquelle il n'y a pas de sevrage efficace. Il est hanté par cette avidité de pouvoir. Exercice de sa virilité à entretenir.

Alors ce sont les mots. Les poings sur la table pour compenser le réflexe tentant de le porter sur son ventre. Sur son visage. Démolir cette femme qu'il dit aimer et qui pourtant lui fait tant de mal, à croire ce qu'il en dit.

    - Dis-le moi que tu baises... tu peux le dire... C'est tout ce dont tu as envie...!
    - Tu arrêtes tout de suite Jean-Marc ou tu dégages définitivement...
    - Ecarter les cuisses... Au premier venu...!

Ce sont les objets à porter de sa grosse main monstrueuse qui prennent sa violente ardeur du moment. Il travaille. Il est efficace. Il parvient à ne pas faire l'irréparable. Il persiste à ne pas la frapper.

Ce jour-là, quand la nuit est tombée. Il a fallu, à la demande de ma mère, aller se coucher car le lendemain il y avait "école".
Ils sont tous les deux assis à la table de la cuisine. Ils discutent. Longuement. Une longue partie de la nuit.
Comme avant. J'ai fais une nuit blanche. L'oreille collée contre ma porte de chambre. Prêt à intervenir au premier cri.


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