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Certaines n’avaient jamais vu la mer – julie otsuka

Par Carnetdelecture

Cover Certaines n'avaient jamais vu la mer.jpegLa plus jeune est âgée de 12 ans, la plus âgée en a 37. Elles sont presque toutes vierges et elles embarquent dans d’immenses cargos qui les emmènent aux Etats-Unis. Elles viennent de Tokyo ou de villages montagneux du Japon et elles rejoignent leurs futurs époux, qu’elles n’ont vus qu’en photo. Mais alors qu’elles pensent se marier avec des chefs d’entreprise ou des banquiers, ce sont des ouvriers agricoles qu’elles accompagnent aux champs. On leur avait promis de belles grandes demeures et elles dorment dans des granges, sur des matelas de paille. Elles sont arrivées pleines d’espoir dans cette Amérique où tout est possible et tous se sont effondrés les uns après les autres.

C’est le premier roman que je lis de Julie Otsuka et, déjà, je suis charmée.

Tout au long du roman, le lecteur suit ces japonaises dans leur vie quotidienne, la nuit de noces souvent difficile, le travail épuisant aux champs, les douleurs de l’enfantement. Ces enfants qui s’américanisent, reniant les coutumes japonaises, oubliant leurs origines, jusqu’à la langue parlée par leurs ancêtres. Puis vient la guerre, qui pousse les familles à abandonner le travail de toute une vie.

Un roman intéressant à plusieurs niveaux. Tout d’abord parce qu’il met en lumière un pan de l’histoire américaine peu ou pas connu : l’arrivée massive de japonais qui constituaient une main d’œuvre efficace et bon marché, leur déplacement puis leur internement dans des camps en 1942, suite à l’attaque de Pearl Harbor par le Japon. Implantés là depuis plus de vingt ans, ils ont été accusés d’être des espions à la solde du Japon et traqués.

Ensuite parce que la grande particularité de ce roman est qu’il est écrit à la première personne du pluriel. Ce  « nous », comme une multitude de petites voix anonymes qui nous racontent l’histoire de cet exil, de leur quotidien fait de sacrifices et de si peu de bonheur. Un roman où toutes les femmes sont des héroïnes de roman, où toute vie mérite d’être racontée.

« Nous avions rangé nos miroirs. Cessé de nous peigner. Nous oubliions de nous maquiller […] Nous étions glacées à l’intérieur et notre cœur n’a toujours pas dégelé »

Ce roman est aussi l’occasion d’approcher la culture japonaise, son raffinement et ses traditions. Il nous donne un aperçu des croyances et rituels du bouddhisme et nous permet de comprendre à quel point le choc des cultures a dû être important pour ces jeunes filles à peine sorties de l’adolescence.

Un très beau roman, tant par l’histoire qu’il raconte que par le style de l’auteure, mais qui laisse un profond sentiment de tristesse. Certaines n’avaient jamais vu la mer a reçu le Prix Femina Etranger 2012.


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