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Semainier (Du 1 au 7 juillet 2013)

Publié le 10 juillet 2013 par Arsobispo

Semainier  (Du 1 au 7 juillet 2013)Séduit : par cette couverture, j’ai commandé à mon libraire « Délizia, une histoire culinaire de l’Italie » par John Dickie que l’on connaissait plus attiré par les ombres mafieuses que par les délices ensoleillés. Mais franchement comment résister à cette couverture si réussie par sa justesse symbolique ; Sensualité avec cette belle jeune femme brune ressemblant à Sophia Loren, modeste comme cette robe paysanne qu’elle arbore,  rusticité et vérité aussi avec ces aisselles naturelles et enfin convivialité avec ce sourire qu’accompagne un clin d’œil.

Craqué ; à la vue de « et tous mes amis seront des inconnus », un roman de Larry macMurtry que vient de publier Gallmeister. En fait une œuvre de jeunesse d’un auteur qui m’avait enthousiasmé à la lecture de « Lonesome Dove ». Mais cet opus n’en possède pas le souffle malgré quelques scènes flamboyantes telles que la visite au vieil oncle sauvage de la frontière attendant toujours et encore le retour d’Emiliano Zapata. Mais l’errance relationnelle du héros entre amours impossibles sur fond de Flower Power et désillusions à répétition d’un road trip prenant la tangente dans une fuite existentielle m’a lassé. En tournant en rond du Texas à la Californie, l’auteur se noie comme son héros, aux confins du Rio Grande. Dans l’éclatement du conformisme des États-Unis des années 60, il ne reste que ces touchants mais pitoyables portraits de femmes que l’indécision caractérise : la jeune femme à la poursuite du rêve américain, la jeune insouciante perdue dans l’incohérence de la libération sexuelle, la jeune romantique prête à se sacrifier pour un amour impossible ou la ménagère esseulée à la recherche de l’amour.

Semainier  (Du 1 au 7 juillet 2013)

Compris : qu’on peut perdre toute illusion à la lecture de la BD « En chienneté » de Bast. Une tentative d’évasion artistique en milieu carcéral, comme le précise le sous-titre. Mais le livre refermé on n’est guère convaincu que l’évasion soit une réussite. Au contraire du livre. Quelques moments volés, c’est certain. Mais guère plus. Par contre, un réquisitoire sans fioriture d’un milieu que je ne jugerai que par ces deux pages tendant à prouver le bien fondé de la maxime "Un bon croquis vaut mieux qu'un long discours."

Semainier  (Du 1 au 7 juillet 2013)
Semainier  (Du 1 au 7 juillet 2013)

Adoré : qu’un mouvement associatif – les membres du "street-art agenais" dont je parle régulièrement – ait inspiré les institutions culturelles de la ville. Le musée des beaux-arts d’Agen venait en effet de projeter le film documentaire de P. Chaput & L. Drummond, « Naples revisitée par Ernest Pignon-Ernest ». Le célèbre artiste plasticien procédait de la même façon en 1988 lorsqu’il réalisait de sombres dessins au fusain ou à la pierre noire, reflets plus macabres d’œuvres classiques de sujets religieux, notamment la Passion du Christ. Puis, échelle à l’épaule, il partait coller ces grandes feuilles fragiles sur les murs de Naples, espérant provoquer les réactions des passants pendant la semaine de Pâques. Morbide était le travail de l’artiste au contraire de la joyeuse démarche de nos artistes agenais. Mais Agen, bien que moins exubérante, n’est sans doute pas Naples.

Naples revisitée par Ernest Pignon-Ernest

Naples revisitée par Ernest Pignon-Ernest

Enervé : par la lecture de «  Ce qu’il advint du sauvage blanc » de François Garde aux Editions Gallimard. L’histoire : un jeune matelot Narcisse Pelletier disparaît lors d’une escale dans une baie inconnue d’Australie. 17 ans plus tard, il est retrouvé par l’équipage d’un navire anglais puis recueilli par un scientifique français, Octave de Vallombrun. Ce dernier, un jeune et riche aristocrate s’attache petit à petit à lui, malgré les difficultés de communication, Narcisse a, depuis, « oublié » sa langue natale.

Semainier  (Du 1 au 7 juillet 2013)

Certes, la prose de l’auteur est travaillée, élégante lorsque le narrateur est le scientifique, fluide et enlevée lorsqu’il s’agit de suivre les pérégrinations du jeune marin au sein de la tribu aborigène. Certes la construction est astucieuse, même si la forme épistolière des propos d’Octave de Vallombrun devient parfois gonflante. Mais il y a aussi ces scènes odieuses, à la limite du racisme et indéniablement méprisantes, lorsque l’auteur s’engage dans la description de la société tribale. Notre marin semble y vivre un calvaire. Alors pourquoi, refuse-t-il de quitter sa nouvelle famille adoptive lorsque, enfin, un navire se présente, 17 ans plus tard ? S’il vivait un tel supplice, pourquoi fut-il nécessaire de l’enlever de force lorsqu’il fut retrouvé ? Que s’était-il passé ? Nous ne le saurons jamais. Seules les suppositions liées à une paternité, tardivement dévoilée, se présentent bien tard à notre esprit, sans certitude. François Garde se refuse de décrire les raisons, les faits qui permirent à Narcisse d’accepter son sort de nouveau sauvage, peut-être même de l’apprécier. Non, visiblement, l’auteur se fout comme de l’an quarante des autochtones. Ce n’est pas son propos. Peut-être, mais de là à les transformer en une horde bestiale de sauvages, il y a un monde… Alors quel est-il ? Ce qui semble être le sujet même du livre, la perte d’une civilité, l’oubli d’une éducation, l’interrogation sur la solidité d’une personnalité, sont-ils bien traités ? Nos propres questions que le livre suscite, ne s’arrêtent pas, la dernière page tournée. L’auteur ne donne pas – là également - de réponse. Et je sors de sa lecture avec une frustration que ne m’avait pas donné un autre roman sur un sujet similaire, qui resta confidentiel lors de sa parution en 2001, "Wonnerup, la dune sacrée" d’Alain Sérieyx[1]aux éditions Le Serpent De Mer.

Wonnerup, la dune sacrée d’Alain Sérieyx

Wonnerup, la dune sacrée d’Alain Sérieyx

François Garde s’est inspiré d’une histoire vraie, publiée en 1876 par Constant Merland "Dix sept ans chez les sauvages : aventures de Narcisse Pelletier ". Alain Sérieyx choisit, quant à lui, celle concernant la disparition de Timothée Vasse, un jeune mousse de l’équipage de Nicolas Baudin, qui ne fut jamais retrouvé mais dont on sait par des témoignages aborigènes qu’il vécut au sein de l’une de leurs communautés.

Destins littéraires bien différents pour ces auteurs issus tous deux de l’ENA. En éclairant François Garde et en présentant à nouveau Narcisse Pelletier, la littérature rejoint l’histoire tout comme elle a oublié Alain Sérieyx et son personnage à jamais disparu, Timothée Vasse…

François Garde obtint le prix Goncourt du premier roman et accessoirement 11 autres prix. Alain Sérieyx, rien. Mais au moins lui, a donné une toute autre vision des aborigènes, bien plus humaniste[2]. Le monde est injuste, nous le savons.


[1] Plus connu comme justicier des finances publiques que comme romancier.

[2] Ce qui est, peut-être, la moindre des choses pour ce catholique convaincu.


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