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John Maynard Keynes change d'avis, mais...

Publié le 13 juillet 2013 par Copeau @Contrepoints

Les changements d'opinion étaient fréquents chez Keynes et ses idées souvent contradictoires.

Par Francisco Cabrillo, de Madrid, Espagne

John Maynard Keynes change d'avis, mais...

John Maynard Keynes

John Maynard Keynes fut sans doute l'économiste le plus connu de la première moitié du 20e siècle ; et, certainement, un de ceux qui a ont eu le plus d'influence – en bien ou en mal – tout au long de l'histoire de la pensée économique. Né à Cambridge en 1883, Keynes fut un haut fonctionnaire de l’administration britannique, professeur d'économie, homme d'affaires, journaliste, écrivain, collectionneur d'art et de mécènes. Homme d'une intelligence extraordinaire, il brilla dans presque toutes ces activités. Mais son apport fondamental au monde contemporain fut, sans doute, son livre La théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de l'argent – publié en 1936 – qui marqua un changement fondamental dans la manière de comprendre la macroéconomie et domina la politique économique du monde occidental durant plusieurs décennies.

Dans cet ouvrage, les ministres des Finances et de l'Économie trouvèrent une justification théorique pour faire ce qui pendant des décennies leur avait été refusé : une politique discrétionnaire où serait considéré comme une relique barbare un étalon monétaire qui contrôlerait de manière automatique l'émission d'argent par la banque centrale et où le principe d’équilibre budgétaire ne serait plus qu'une restriction absurde au maniement des finances publiques dans leurs objectifs stabilisateurs.

Cependant, Keynes ne pensa pas toujours ainsi. En réalité ses changements d'opinion étaient fréquents et ses idées souvent contradictoires. On connaît l'anecdote selon laquelle Winston Churchill se serait plaint un jour de recevoir cinq réponses différentes quand il demandait leur avis à cin économistes sur un sujet... sauf si un des économistes était Keynes, en quel cas le nombre de réponses différentes était six.

Sa forte personnalité fit qu'il fût toujours entouré d'un groupe de fidèles disciples qui, comme c'est habituel dans ces cas, développaient parfois les idées du maître beaucoup plus loin qu'il ne l'aurait aimé. Et les recommandations de politique économique que l'ont peut extraire de la Théorie générale se prêtent spécialement à ce genre de fidélité inconditionnelle. De fait, encore aujourd'hui, quand on parle d'économie keynésienne, on ne sait pas très clairement ce qui a été dit par Keynes lui-même et ce que certains de ses disciples et fans affirmaient postérieurement qu'il avait dit.

Keynes avait écrit son livre le plus connu pendant les années de la Grande Dépression ; et son œuvre, bien que de nature théorique à la base, ne peut être bien comprise si l'on ne tient pas compte du cadre dans laquelle il fut conçu. Les recommandations que l'on peut en tirer tournent autour de la relance des économies affectées par la récession et sont des mesures toujours inspirées par l'urgence et le court terme. « À long terme nous serons tous morts » est une des phrases les plus célèbres de notre personnage, qui aima toujours les expressions brillantes et provocantes. Mais quelques économistes se rendirent compte du danger qu'il résulterait de la transformation de ces mesures pensées initialement pour des circonstances plutôt exceptionnelles en critères permanents de politique économique. Un de ces économistes fut Friedrich von Hayek.

Hayek avait souvent débattu avec Keynes et ses disciples sur des questions économiques de théorie économique. Mais une grande amitié unissait les deux hommes au-delà de leurs désaccords scientifiques. Hayek raconte qu'en 1946 il était réellement préoccupé par les effets qu'aurait sur l'économie l'interprétation que faisaient certains disciples de Keynes de sa théorie. Et il n'hésita pas à faire part de ces doutes à son ami. À sa plus grande surprise, Keynes lui donna raison. Et, qui plus est, après avoir fait quelques commentaires peu flatteur sur ces personnes, il tenta de tranquilliser Hayek en lui disant qu'il ne s'alarme pas ; que ces idées avaient été très nécessaires au moment où il les avait formulées. Mais que si elles devaient devenir un moment dangereuses, il se chargerait lui-même de faire en sorte que l'opinion publique s'oriente en sens contraire. Et – ajoutait Hayek – il fit un geste rapide de la main indiquant à quelle vitesse il pourrait obtenir cela. Mais les choses, cette fois-ci, n'allèrent pas aussi bien. Trois mois après cette surprenant manifestation de confiance en ses propres pouvoirs, Keynes mourrait.


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