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À la fondation Henri Cartier Bresson se trouve en ce moment une...

Publié le 13 juillet 2013 par Mmepastel

À la fondation Henri Cartier Bresson se trouve en ce moment une exposition d’une rare qualité.

C’est évidemment Loïc Thisse qui m’a rencardée sur cet événement, car je suis peu au fait de l’actualité, particulièrement celle qui concerne l’art photographique, mais cette artiste, Vanessa Winship est loin d’être une inconnue. Son travail le plus récent, exposé précisément dans ce lieu parisien qui ne paie pas de mine, intitulé She dances on Jackson, a remporté le prestigieux prix HCB de ladite fondation, et a été salué à peu près partout. Bref, si je vous dis que c’est exceptionnel, sachez que ce n’est pas que mon avis.

J’ai eu de la chance car étant seulement pour deux jours à la capitale, je n’avais prévu que deux expositions (celle de Chagall au Luxembourg) et celle-ci ; je ne regrette pas mes choix.

Assez blablaté. Venons-en au fait. Pourquoi les photos de Vanessa Winship sont-elles exceptionnelles ? Je ne sais pas, je ne suis pas compétente pour le dire. Pourquoi m’ont-elles touchée ? Voilà ce que je peux essayer d’expliquer.

Tout d’abord, essayons de cerner le sujet. Cette série propose principalement des paysages et des portraits. Bref des sujets statiques. Et il y a effectivement quelque chose d’arrêté dans ces photos. Oui, évidemment, c’est le cas de toutes les photos, le moment attrapé, l’instant qui ne reviendra plus, etc… Oui, d’accord. Mais ici, c’est encore plus arrêté. Pas figé (on voit le mouvement du vent dans les herbes, des oiseaux s’envoler…), mais arrêté. Une sorte de solennité renforcée par le classicisme du noir et blanc qui nous éloigne du réalisme. Les portraits sont posés, même sommairement, les personnes sont généralement de face, plus ou moins disposées à être prises en photo. Elles s’arrêtent pour être fixées sur une pellicule. Jeunes ou moins jeunes, elles semblent abîmées par l’existence. Même ces couples (le plus souvent jeunes, très -trop ?-) enlacés qui disent leur amour. Tatouages, scarifications, piercings, maquillage excessif, yeux cernés, tous les signaux nous renvoient à l’idée de gens blessés, qui tiennent debout grâce à des béquilles identitaires trop ostentatoires pour relever d’une simple question esthétique. Et ceci, tout d’abord, est profondément touchant. Ça n’appelle pas en nous de la pitié (oh la la, dans le sud des États-Unis, qu’est-ce qu’ils sont pauvres et paumés !), mais une sorte d’admiration. Parce que, notamment grâce au talent de Vanessa Winship, elles sont belles, debout et droites, face à notre regard. Quelque chose va droit au but dans ces portraits. D’elles à nous. Quelque chose dans laquelle entrent la tendresse, le défi, l’espoir, la fierté, la fatalité. Pas d’étonnement. Elles sont ainsi, à cet instant donné, c’est comme ça, à prendre ou à laisser. Tu peux toujours essayer de t’amuser à juger, tu ne sais pas. Sous les artifices d’un piercing, tu ne sauras pas qui est cette personne. Tu sauras son nom ou sa localisation peut-être, souvent mentionnés dans les titres des photographies, mais ça ne te dira pas grand-chose. Tu devras te fier à ton sentiment, aux choses qui se dégagent de ces personnes, comme Vanessa Winship l’a elle-même fait en suivant une fille qui danse et sa mère dont elle admirait le lien qu’elle regardait et interprétait (ce qui explique le titre de la série). Et, pour ma part, j’ai ressenti beaucoup de solitude chez ces personnes, des âmes perdues peut-être, mais dotées d’une farouche envie de vivre. Comme dans ses paysages, les choses sont mal agencées, voire cocasses, la laideur et la beauté des choses s’entrechoquent dans un même cliché, le monde est de guingois, mal fichu et imparfait, mais il est comme ça, et si tu l’acceptes, humblement ou par la force des choses (n’est-ce pas pareil au fond ?), tu vois la beauté jaillir et triompher. Accepter, s’arrêter, regarder, se regarder, puis reprendre son chemin chaotique. C’est une brève rencontre, mais c’est une vraie rencontre. C’est déjà beaucoup. Voilà ce que j’ai ressenti devant ces photographies. Alors oui, elles nous parlent de l’Amérique profonde, déshéritée, abandonnée, mais, j’y ai surtout vu des gens et des lieux incroyables que je n’aurais probablement pas remarqués (ou qui m’auraient vaguement effrayée) si je les avais vus dans la vraie vie. Par le miracle de l’art de cette photographe, j’ai vu autre chose que des images ; j’ai entendu des phrases, senti des odeurs, vu des âmes flotter. Bref, j’ai eu l’impression de vraiment rencontrer des gens. Paradoxal devant des clichés, non ?

  • #Photographie
  • #Vanessa Winship

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