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"Amsterdamnation et autres nouvelles" de Tatiana de Rosnay

Par Secriture @SEcriture

Un homme en vacances à Amsterdam, une lettre adressée à un membre de la famille, une jeune fille amoureuse de son écrivain préféré, un femme tombée sur le charme d’un inconnu, un homme trompé par son épouse, une femme de ménage danseuse… Dans ce recueil de nouvelles, Tatiana de Rosnay nous livre un peu d’elle, un peu du monde, un peu de tout. C’est frai et nouveau, c’est cru et fascinant. Je souhaitais dire un petit mot sur chacune des nouvelles, histoire de vous donner un petit aperçu de mon état d’esprit au fil des pages, au fil des nouvelles.

Tout commence avec « Amsterdamnation » (initialement publié dans le Magazine VSD en 2008). Le jour de ses 50 ans, Harry voyage à Amsterdam avec son épouse. Cette nouvelle met en avant la prise de conscience de l’âge, de la vie qui passe, du temps qui défile sans qu’on ne puisse l’arrêter. Harry est perdu dans sa propre nostalgie et ne voit que le côté négatif des choses. Sa fille, Polly, est tout pour lui. Un papa heureux, un mari un peu déçu, voilà ce qu’est Harry. Harry c’est donc tout le monde et personne. Un homme qui ne voit pas tout ce que la vie a à lui offrir et qui perd de vue l’essentiel.

La seconde nouvelle « La Tentation de Bel-Ombre » (publiée dans le Figaro en 2012) est écrite sous forme épistolaire : signée « Tatiana », cette lettre est adressée à Amélie, une aïeule. Vraie lettre ou romance d’une généalogie perdue de vue ? Peu importe. L’auteur y met de son cœur et de son âme. Elle s’implique dans cette nouvelle et nous parle d’elle, à travers sa plume. Une nouvelle que j’ai un peu moins appréciée car plus explicative, elle est néanmoins intéressante puisqu’elle nous permet, pour une fois, d’avoir pour narrateur à la première personne, l’auteur elle-même, et non pas un de ses personnages.

Une de mes préférées est la troisième : « Ozalide ». Un peu plus longue que les autres, elle met en scène une jeune fille prénommée Ozalide (joli prénom d’ailleurs) qui est embauchée comme baby-sitter chez son auteur fétiche, L.R. Obsession, passion, folie ? Ozalide ne recule devant rien pour approcher son idole. Cette histoire est vraiment fascinante : les pensées et émotions d’Ozalide nous sont livrées sans fard et sans n’en omettre aucune. La jeune fille, même étrangère, nous devient familière. Comme une amie que l’on croise dans la rue après plusieurs années. Sa passion pour L.R. est tellement obsessionnelle que l’on en vient à s’inquiéter de sa santé mentale… Fascinant de s’approprier l’histoire de cette jeune femme obnubilée par son auteur.

« Sur ton mur » est sans doute celle qui m’a le plus fait sourire. Une femme passe la soirée dans un night-club branché mais s’y ennuie à mourir. Elle poste des statuts sur Facebook pour passer le temps jusqu’à ce qu’elle aperçoive dans la foule un mystérieux et bel homme d’une trentaine d’années. Je dirai de cette nouvelle qu’elle a trouvé une chute digne de ce nom. Car finalement, le propre d’une nouvelle c’est d’étonner le lecteur en un minimum de mot et grâce à un début et un dénouement accrocheurs. C’est chose faite avec celle-ci : drôle et piquante, très sarcastique, voire sadique. Un petit sourire entendu, vous ne saurez retenir !

Plus crue, la nouvelle intitulée « Constat d’adultère » (publiée chez Marie-Claire en 2012) est la plus intéressante au niveau de la construction : il s’agit de la restitution d’un dossier émanant d’une agence de détectives privés délivré à un mari trompé par sa femme. La particularité de ce dossier est que le mari en question a refusé d’y voir figurer des noms ou des images. Une sorte d’anonymat entoure ainsi la lecture de ce dossier, et nous, lecteurs extérieurs, pouvons ainsi encore mieux s’immiscer dans l’histoire (tels des vautours affamés). Parfois crues, les paroles rapportées ou les situations décrites de façon froide, quasi-chirurgicale, forment un dossier presque dérangeant. D’un côté nous sommes curieux d’en savoir plus, d’un autre nous sommes gênés d’en savoir autant sur la vie de cette fépouse infidèle. Il est d’ailleurs fascinant de voir qu’avec quelques SMS et quelques mails, on puisse retracer la vie, états d’âmes et sentiments d’une personne. Bien que romancé bien sûr, ce petit bout d’une vie est vraiment passionnant et intriguant.

Enfin, le recueil s’achève avec une très courte nouvelle, « Dancing Queen » (publiée en 2011 dans Madame Figaro). J’ai souri en découvrant le titre puisque je sais (grâce à des interviews) que l’auteur est une fana de disco. Petite dédicace ? Peut-être. En tous cas, j’ai été ravie de cette nouvelle fraîche et finalement très simple. On y découvre un employé de surveillance de nuit dans une entreprise qui espionne une femme de ménage qui manie l’aspirateur sur fond de Mickael Jackson et Abba. Un tout petit pan de sa vie y est dévoilé, on en apprend un peu sur son passé mais très peu, juste ce qu’il faut pour bien comprendre le contexte. De fait, c’est presque comme si on le surveillait nous-mêmes en train de surveiller les autres. On l’observe sans savoir d’où il vient ni où il va.

Ainsi, s’achève ce recueil haut en couleurs. Très différentes les unes des autres, ces nouvelles sont vraiment fantastiques. Pièce par pièce, l’auteur se livre. Page par page, elle crée des personnages auxquels l’on s’attache avant qu’elle ne nous en arrache définitivement pour passer à d’autres. Violente transition d’un univers à l’autre. On est bousculé mais bercé par ses mots, sa plume. Vraiment très réussi.

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(NB : je suis fortement étonnée de ne trouver trace de ce recueil que très peu de fois sur la toile. Introuvable sur Libfly par exemple… Etrange. Si quelqu’un en sait plus…).

(PS : cette chronique est un peu longue, désolée, je me suis laissée emporter…)


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