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De l’absurdité du droit de la concurrence, la preuve par l’exemple : le gaz de schiste aux États-Unis

Publié le 19 juillet 2013 par Copeau @Contrepoints

Dans une économie libre, quelles que soient les décisions prises par les acteurs du marché, ce seront les bonnes si elles tiennent.

Par Antoine Dusséaux.
De l’absurdité du droit de la concurrence, la preuve par l’exemple : le gaz de schiste aux États-UnisTout le monde le sait (sauf un irréductible village gaulois), les États-Unis connaissent un énorme boom dans le domaine des gaz de schiste. Le prix du gaz a fortement baissé, ce qui a entraîné une importante croissante de l’industrie et a profité aux ménages américains. Par ailleurs l’exploitation de cette source d’énergie non-conventionnelle a offert de nombreux emplois dans des États ruraux jusque-là peu dynamiques. Voici pour une brève présentation du cadre, mais là n’est pas mon propos. Car aujourd’hui le secteur évolue…

En effet au départ le prix P du gaz était élevé. L’exploitation du gaz de schiste étant économiquement intéressante de nombreuses entreprises se sont lancées sur le marché et ont ainsi fait baisser le prix du gaz à P2. Mais les prix ont tellement baissé que des puits forés précédemment et jugés économiquement rentables au prix P ne le sont plus aujourd’hui au prix P2. Assurément, l’investissement dans ces puits fut une erreur, une mauvaise prédiction de l’avenir. Mais qui pouvait réellement prévoir une telle baisse des prix ? De plus, l’erreur n’est-elle pas humaine ? Et malgré tout, l’entrepreneur qui a choisi ces puits n’a-t-il pas permis d’embaucher des personnes pendant toute la période où les prix du gaz étaient encore suffisamment élevés ?

Mais alors que va-t-il se passer dans un futur proche ? Ce qui est certain c’est que le secteur va changer. Plusieurs solutions sont possibles, j’en ai dégagé quatre – il y a fort à parier néanmoins que, dans un marché libre, le système retenu par le marché soit une combinaison de plusieurs de ces solutions.

– Les puits non-rentables sont fermés. Le coût financier est énorme : des millions ont été investis dans ces puits qui ne serviront à rien. De plus viennent se rajouter à l’opération les coûts de démantèlement des puits. Sans compter le « coût » humain : des dizaines de salariés se retrouvent au chômage. La petite ville du Dakota du Nord qui pensait retrouver la prospérité, après des années de pauvreté, d’alcoolisme et d’exode rural, découvre avec effroi que les promesses des gaziers sont parties en fumée. Pourtant, en coupant le bras, on a évité que le corps ne soit gangréné : telle entreprise n’a fermé qu’un puits et a pu conserver les autres et rester compétitive. Et puis, sur le marché du gaz, les prix n’ont pas augmenté car seuls les puits rentables sont restés en place.

– Des entreprises mettent la clé sous la porte : c’est notamment le cas de celles qui avaient une majorité de puits non rentables. Là encore, des millions de dollars de perdus et des salariés laissés sur le carreau, dans des proportions évidemment plus importante que précédemment. Et puis n’oublions pas l’entrepreneur ou l’investisseur qui s’était lancé dans cette belle affaire et qui se retrouve désormais ruiné, contraint à vendre tous ses biens : acculé après avoir vu sa femme (ou son mari) le quitter, il se suicide. Fin tragique s’il en est. Seulement, le consommateur est sauf : les prix n’augmentent pas sur le marché du gaz, car ce sont des entreprises non rentables qui disparaissent, non pas celles qui faisaient tendre les prix vers le bas : ouf !

– Les entreprises forment un cartel afin de faire monter les prix et ainsi « rentabiliser » les puits non rentables. Dans cette situation, les producteurs peuvent continuer l’exploitation des-dits puits : ce sont autant d’emplois sauvés. Ils ont aussi l’assurance que le capital investi sera remboursé : les banquiers new-yorkais sont donc rassurés. Mais pour le consommateur, ce choix a des conséquences dramatiques : les prix augmentent. Dès lors, la mère californienne de quatre enfants, célibataire qui plus est, n’a plus les moyens de se chauffer ni de faire la cuisine et elle, qui avait jusque-là toujours su garder la tête haute malgré les aléas de la vie et son petit salaire, est obligé d’aller chercher à manger à l’association humanitaire de son quartier.

– Des fusions ont lieu afin de faire augmenter le prix : en fait cette situation est identique dans ces conséquences à la précédente, au moins à court terme. Car sur le long terme, le cartel a peu de chance de tenir : les entreprises qui n’ont pas, ou peu, de puits non rentables ont en effet tout intérêt à le quitter en augmentant leur production pour faire baisser les prix.

Après lecture de ces différentes possibilités, qui peut dire qu’une de ces situations est préférable à une autre ? Aucun calcul ne pourra jamais indiquer la « meilleure » solution. Seul Dieu, peut-être, en serait capable. En effet, quelle valeur attacher à l’emploi de l’ouvrier licencié, à la vie détruite de l’investisseur ruiné, au suicide de l’entrepreneur qui a mal choisi le puits, à la déchéance de la mère de famille ?

Pourtant, l’État-Providence (la référence à Dieu n’était donc pas sans fondement...) semble avoir la solution. Il suffit pour cela de regarder la législation en vigueur : la cartellisation est rigoureusement interdite et lourdement punie, la fusion d’entreprise est soumise à l’équivalent américain de l’Autorité de la concurrence. Elle pourrait très bien être interdite si les experts et autres économistes estiment, à partir de critères scientifiques, que la fusion est trop dangereuse pour le marché et les consommateurs, la fermeture du puits pose le problème du licenciement des salariés qui pourraient bien s’y opposer (surtout en droit français), enfin la faillite de l’entreprise met tout le monde d’accord : on met la clé sous la porte, on rembourse tant bien que mal les investisseurs avec les maigres bénéfices réalisés précédemment et on recase pour l’image quelques salariés pennsylvaniens chez les rares employeurs de la région.

Ainsi l’État incite à la faillite. Pourtant la meilleure solution est-t-elle vraiment le dépôt de bilan ? Non ! À vrai dire : pourquoi non ? Car encore une fois, il est impossible de connaître a priori la bonne solution, si tant est qu’il y en ait une.

La seule certitude est que dans une économie libre, quelle que soit la situation retenue, ce sera la bonne si elle tient. Sinon une autre décision sera prise : l’arrivée d’un nouvel entrant, la fin du cartel, la réouverture du puits par les ouvriers eux-mêmes, la faillite de l’entreprise issue de la fusion devenue trop grosse, que sais-je ! Ainsi les hommes, par leurs décisions tendront nécessairement vers la meilleure situation possible étant donné les conditions de l’époque, et ce malgré les inévitables erreurs faites entre-temps. Ces dernières ne constituant que des soubresauts, qui modifient la vitesse de convergence sans en rien changer l’unicité de la limite.

Pour conclure, les seules décisions mauvaises, injustes et immorales sont celles imposées par la violence : le monopole lorsqu’il est inscrit dans la loi, le cartel lorsqu’il s’apparente à une mafia, le licenciement quand il prend la forme de pressions sur le salarié pour l’obliger à démissionner ou encore la fusion si elle se fait sous le menace. Et seule une société où l’entrée sur le marché est libre permettra d’atteindre l’optimum.

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Référence :  Ludwig von Mises, Man, Economy and State, Chapitre 10.

The free market in the world of production may be termed “free competition” or “free entry,” meaning that in a free society anyone is free to compete and produce in any field he chooses. “Free competition” is the application of liberty to the sphere of production: the freedom to buy, sell, and transform one’s property without violent interference by an external power. We have seen above that in a regime of free competition consumers’ satisfaction will, at any time, tend to be at the maximum possible, given natural conditions. The best forecasters will tend to emerge as the dominant entrepreneurs, and if anyone sees an opportunity passed up, he is free to take advantage of his superior foresight. The regime that tends to maximize consumers’ satisfaction, therefore, is not “pure competition” or “perfect competition” or “competition without cartel action,” or anything other than one of simple economic liberty.


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