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ALMA détecte les limites neigeuses d’un jeune système planétaire

Publié le 22 juillet 2013 par Pyxmalion @pyxmalion
TW Hydrae

Illustration du système TW Hydrae (175 années-lumière de notre système solaire) et de ses limites neigeuses

Une « limite neigeuse » a été pour la toute première fois détectée par ALMA dans le système planétaire naissant TW Hydrae, éloigné de 175 années-lumière.

Des astronomes utilisant le ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) ont acquis la toute première image d’une limite neigeuse dans un système planétaire naissant. Sur Terre, de telles limites se forment à des altitudes élevées, où les basses températures transforment l’humidité de l’air en neige. Cette limite apparaît clairement sur les flancs d’une montagne, là où les sommets enneigés s’arrêtent pour laisser place à la paroi rocheuse.

Les limites neigeuses se constituent de façon semblable autour d’étoiles jeunes, dans les confins reculés, plus froids, des disques à partir desquels les systèmes planétaires se forment. A mesure qu’elle s’éloigne de l’étoile, l’eau (H2O) est la première à geler, constituant ainsi la première limite neigeuse. A plus grande distance de l’étoile, alors que les températures baissent, des molécules plus exotiques sont susceptibles de geler à leur tour et de se transformer en neige, comme le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), et le monoxyde de carbone (CO). Ces différentes neiges donnent aux grains de poussière une enveloppe extérieure collante et jouent un rôle essentiel en bloquant leur tendance naturelle à se fragmenter lors de collisions, leur permettant ainsi de constituer les pierres angulaires des planètes et des comètes. La neige augmente également la quantité de matière solide disponible et peut considérablement accélérer le processus de formation planétaire.

Limite neigeuse du monoxyde de carbone (vert) dans le système de TW Hydrae - Le cercle bleu représente l'orbite de Neptune

Limite neigeuse du monoxyde de carbone (vert) dans le système de TW Hydrae – Le cercle bleu représente l’orbite de Neptune

Chacune de ces différentes limites neigeuses – caractéristiques de l’eau, du dioxyde de carbone, du méthane, du monoxyde de carbone – explique la formation de certaines catégories de planètes. Autour d’une étoile comme le Soleil dans un système planétaire semblable au nôtre, la limite eau-neige se situerait à une distance comprise entre les orbites de Mars et de Jupiter, et la limite neigeuse du monoxyde de carbone correspondrait à l’orbite de Neptune.

La limite neigeuse repérée par ALMA constitue le premier aperçu de la limite neigeuse du monoxyde de carbone autour de TW Hydrae, une jeune étoile située à 175 années-lumière de la Terre dans la direction de la constellation de l’Hydre. Les astronomes pensent que ce système planétaire en cours de formation ressemble en de nombreux points à notre Système Solaire lorsqu’il était âgé de quelques millions d’années seulement.

« ALMA nous a fourni la première véritable image d’une limite neigeuse autour d’une étoile jeune, ce qui est très excitant puisque cela nous renseigne sur la genèse du Système Solaire » nous confie Chunhua « Charlie » Qi du Centre d’Astrophysique de Harvard-Smith, l’un des deux co-auteurs principaux de l’article. « Nous pouvons à présent distinguer les détails jadis invisibles des limites externes gelées d’un système planétaire à la fois distinct et semblable au nôtre ».

Mais les conséquences de l’existence d’une limite neigeuse de monoxyde de carbone pourraient bien ne pas se limiter à la seule formation des planètes. La glace de monoxyde de carbone est nécessaire à la formation de méthanol, l’un des constituants de molécules organiques plus complexes essentielles à la vie. Si les comètes ont transporté ces molécules vers de nouvelles planètes en formation de type Terre, il se pourrait que ces planètes abritent les ingrédients nécessaires à l’apparition de la vie.

Jusqu’à présent, les limites neigeuses n’avaient jamais été photographiées directement parce qu’elles se forment toujours dans le plan central relativement étroit d’un disque protoplanétaire, de sorte que leur localisation et leur extension précises ne pouvaient être déterminées. Au dessus et au dessous de cette étroite région qui correspond aux limites neigeuses, le rayonnement en provenance de l’étoile empêche la formation de glace. La concentration de poussière et de gaz dans le plan central permet d’isoler la région de ce rayonnement, et donc au monoxyde de carbone ainsi qu’à d’autres gaz de se refroidir puis de geler.

Cette équipe d’astronomes est parvenue, au moyen d’une astuce, à scruter l’intérieur du disque, jusqu’à la région de formation de la neige. Au lieu de rechercher la neige – qui ne peut être observée directement – ils ont tenté de détecter la présence d’une molécule baptisée diazenylium (N2H+), qui brille intensément dans la partie millimétrique du spectre et constitue donc une cible parfaite pour un télescope tel qu’ALMA. Cette molécule, fragile, est facilement détruite en présence d’un gaz de monoxyde de carbone, elle n’existe donc en quantité détectable que dans les régions au sein desquelles le gaz de monoxyde de carbone s’est changé en neige et ne peut plus la détruire. En résumé, la recherche de diazenylium constitue la clé de la détection de la neige de monoxyde de carbone.

La sensibilité et la résolution exceptionnelles d’ALMA ont permis aux astronomes de déterminer l’existence ainsi que la distribution de diazenylium, de situer également cette limite à environ 30 unités astronomiques de l’étoile (soit 30 fois la distance Terre-Soleil). On obtient ainsi une image en négatif de la neige de monoxyde de carbone dans le disque entourant TW Hydrae, qui peut être utilisée pour confirmer la localisation théorique de la limite neigeuse du monoxyde de carbone – le bord intérieur de l’anneau de diazenylium.

« Pour les besoins de ces observations, nous n’avons utilisé que 26 des 66 antennes constituant l’effectif complet d’ALMA. Des traces de limites neigeuses autour d’autres étoiles apparaissent déjà sur d’autres observations d’ALMA, et nous sommes convaincus que de futures observations, effectuées au moyen du réseau complet, en révèleront bien d’autres et nous procureront des données tout aussi excitantes concernant la formation et l’évolution des planètes. Patientons et voyons » conclut Michiel Hogerheijde de l’Observatoire de Leiden (Pays Bas).

Communiqué de presse de l’ESO.

Crédit photo : B. Saxton/A. Angelich/NRAO/AUI/NSF/ALMA (ESO/NAOJ/NRAO).


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