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Céleste à Venise

Publié le 23 juillet 2013 par Oliaiklod @Olia_i_Klod

Je vous écris à bord du Lion d’Or, car les maisons ici ne sont autre chose que des vaisseaux à l’ancre. On voit de tout à Venise, excepté de la terre. Il y a cependant un petit coin, qu’on appelle la place Saint-Marc, et c’est là que les habitants vont se sécher le soir. Au reste, je me réserve de vous parler de l’Italie quand je serai à Villeneuve, parce que vous savez “verba volant”, c’est du latin, je laisse au grand peintre qui est avec moi le reste du proverbe…

Lettre de Céleste de Chateaubriand à Mme Joubert
26 juillet 1806

Venise avait, au moyen âge, provoqué l’admiration des voyageurs. Mais, dès le XVIème siècle, Montaigne lui consacre à peine quelques lignes, dans lesquelles, d’ailleurs, il est plus question de ses soucis intestinaux que de la ville elle même. Au XVIIIème siècle, le président de Brosses trouve Saint-Marc "d’un goût misérable tant au dedans qu’au dehors" et le palais des doges n’est qu’un "vilain monsieur sombre et gothique du plus méchant goût". Rousseau passe dix-huit mois à Venise dans consacrer une seule page à la beauté de cette ville.

Mme de Chateaubriand née Céleste Brisson (?-1847), femme de Francois René vicomte de Chateaubriand (1768-1848)

François-René Chateaubriand arrive à Venise avec Céleste, sa femme, le 23 juillet 1806. Par tous les moyens il a tenté de la dissuader de l’accompagner, et chaque jour du voyage il a essayé de s’en débarrasser. Point n’y a fait, cette épouse aimante est resté avec lui, … lui qui ne pense qu’à la belle Nathalie de Noailles.

De Venise il ne voit rien, ne comprends rien, n’aime rien : Venise lui déplaît.

Une fois à Trieste, juste avant son départ, il écrira une lettre à son ami Bertin. Cette lettre, datée du 30 juillet 1806 sera publiée, le 6 août dans le Mercure de France. La réaction sera immédiate. Les journaux vénitiens injurièrent l’auteur. Plusieurs brochures vengeresses furent éditées. La comtesse Giustina Renier-Michiel le supplicia dans une lettre publiée dans la Giornale delle’italiana letteratura. Mais cela est une autre histoire, nous y reviendrons…

Pendant que François-René se désespère de sa belle, Céleste, sa "veuve" comme il la surnomme est réellement accablée par tous les maux du monde.

Aujourd’hui je suis accablée du départ de monsieur de Chateaubriand et frappée du sirocco ; Ce vent vous coupe bras et jambes. Quand il souffle, un Italien ne peut vous dire autre chose que : Sirocco, Sirocco, et vous lui répondez, Sirocco, Sirocco. Avec ce mot, pendant l’été à Venise, vous savez autant d’italien qu’il en faut pour une plus longue conversation…

Chateaubriand, pressé de partir s’enfuit à Trieste, donc pour s’embarquer. Céleste, abandonnée, à bout de nerfs, excédée, mais trouvant encore la force se s’apitoyer sur le sort de son mari, écrit à nouveau :

M. de Chateaubriand est parti hier au soir à dix heures. Je n’ai point, madame, la permission de le suivre, comme vous les croyiez et comme je ‘espérais. Il a craint pour moi les fatigues du voyage et je n’ai pas pu lui faire comprendre tout ce que je souffrirais pendant son absence. Je le pleure déjà comme mort et il me reste qu’autant d’espérance qu’il m’en faut pour e donner une agitation plus insupportable que le douleur.

Les jardins français à Venise  - Félix-François-Georges-Philibert Ziem (Beaune 1821-Paris 1911)


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