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Tu seras violée ma fille

Publié le 24 juillet 2013 par Juval @valerieCG

Je republie ce texte, un peu modifié, qui me semble toujours utile.

Quand on est une femme/fille, très vite on t’explique comment les choses vont se passer.

Si tu sors tard/avec ces mecs/en boite, il va t’arriver "quelque chose". (et tu l’auras un peu cherché puisqu’on t’avait prévenu).

Ce quelque chose est assez simple ; un inconnu va violemment t’écarter les cuisses et te rentrer son pénis dans le vagin. Et toi tu grandis avec cela. Tu grandis avec l’idée que tu vas être violée.

C’est compliqué de faire comprendre cela. On va m’expliquer qu’il faut prévenir les filles ; on ne peut les laisser dans l’ignorance. Mais comment donc. Tout le monde a parfaitement intériorisé, admis, trouve normal que les femmes risquent d’être violées. C’est comme cela faisons avec. Et si cela t’arrive c’est pas faute d’avoir prévenu. c'est ce que l'on appelle la culture du viol. Il serait extrêmement complexe qu'on réalise collectivement que le plus grand risque couru par les femmes en matière de viol est avec une connaissance à leur domicile ou chez le violeur. Personne n'a envie d'expliquer aux femmes qu'elles doivent se méfier avant tout de ceux qu'elles connaissent. Les femmes de plus de 40 ans qui ont eu un premier rapport forcé après 18 ans déclarent dans 35% des cas que l’auteur de l’agression était un conjoint ou un partenaire; celles qui ont connu un épisode de violence sexuelle avant 18 ans incriminent principalement leur père, beau-père ou une personne de la famille (27% des cas), voire des personnes connues d’elles (31%) (Contexte de la sexualité en France (CSF) de 2006 ). Alors on fait planer le mythe du violeur inconnu de la rue.

Dans l’espace public, un homme a beaucoup plus de risques d’être tué qu’une femme ; pourtant on ne va jamais lui souligner que s’il sort de chez lui, il risque de finir avec un couteau planté dans la plèvre. Ainsi en 2011, 360 000 hommes ont été victimes de violences physiques hors ménage (300 000 femmes), 80 000 hommes ont été victimes de violences sexuelles hors ménage (210 000 femmes). Je n'ai pas trouvé de source pour la France mais vous avez ici le nombre de victimes d'homicide selon le sexe au Canada. Pourtant on n'éduque pas les garçons à avoir peur dans l'espace public et qu'ils courent des risques réels ; ce risque fait partie de leur vie et doit être assumé.

Imaginez Messieurs que vous preniez un métro bondé et que vous ne sachiez pas si un mec ne va pas vous coller sa bite contre la cuisse.

Que vous passiez devant un lieu rempli d’hommes et que vous ne sachiez pas si on ne va pas vous aborder (mais on nous a vendu que c’est flatteur).

Le pire est que les femmes ont intériorisé cela. Certaines vont faire un détour de 300 mètres pour éviter un magasin dont le patron se fend de remarques salaces. Certaines vont participer aux blagues de cul, qui se jouent contre elles, en espérant que cela améliorera les choses. Certaines adoptent des stratégies dans le métro – je me colle contre la porte et je mets mon sac devant – pour éviter les agressions sexuelles (oui une main au cul n’est pas un impondérable mais une agression). Combien de femmes me lisent en pensant que j’exagère alors que cela leur ait arrivé  à toutes et que cela n’arrive à aucun mec ?

On vit dans un état de tension, plus ou moins intégré, plus ou moins géré.

Vous vous imaginez qu’une femme vous raccompagne chez vous parce qu’ "il pourrait arriver des choses". Vous imaginez en France en 2013 ne pas avoir la liberté de ses mouvements parce qu’on te fait planer le risque du viol ?

Risque qui existe mais qui existe autant avec des proches qu’avec des inconnus.
Risque qui existe mais qui ne doit pas, jamais, empêcher une femme de faire ce qu’elle veut.

Vous imaginez ce que c’est de faire grandir des générations de femmes avec la peur ? Avec la culpabilité ? C’est ce qu’on fait. Mais pour leur bien. Toujours pour leur bien.

Je rappelle que cela n'est pas parce qu'on ne connait pas cette peur qu'elle n'existe pas. Si vous ne la vivez pas en tant que femme, tant mieux pour vous. Rappelez vous seulement toutes les fois où on vous a dit de ne pas vous habiller ainsi, de ne pas sortir à cette heure, de ne pas faire telle activité. Que vous n'ayez pas cédé à ces injonctions, tant mieux ! Mais elles n'avaient pas à être dites à partir du moment où l'on n'explique pas aux hommes les dangers qu'ils courent.
Ce n'est pas nous qui nous construisons en victimes c'est nous tous, femmes comme hommes à répéter aux femmes de "faire attention" qui les construisons comme telles. (merci tanxx pour l'expression).
La liberté de mouvements des hommes n'est pas bridée malgré les risques d'agression. On ferait rire tout le monde si une femme proposait à un homme de le raccompagner chez lui. Et pourquoi pas ?

On me rétorquera qu'il faut bien prévenir les femmes. Ok. prévenons les que seulement 17% des viols sont le fait d'inconnus et qu'elles courent moins de risque à sortir dans la rue que rester chez elles avec une connaissance ou aller chez lui.
Tant qu'on continuera à alimenter des stéréotypes sur le viol (commis par un inconnu la nuit) à faire peser sur les victimes la responsabilité de leur agression (tu es sortie, tu étais habillée trop sexy, tu as bu, tu as flirté) sans demander une seule seconde aux hommes de réfléchir sur leurs propres comportements alors tout ce qui pourra être entrepris contre le viol restera lettre morte.


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