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Article : Kenzaburo Ôé

Publié le 27 avril 2008 par Julien Peltier

Kenzaburo Ôé
La vie et l'œuvre (1935-)

Pour les premiers Cahiers d'Asie de l'année 2007/2008, deux Nobels japonais furent à l'honneur : Kenzaburo Ôé et Yasunari Kawabata. C'est devant un public désormais habitué qu'Alfred Teckel s'est proposé de présenter le premier d'entre eux. Très tôt plongé dans un univers où l'amour de la lecture prime, Kenzaburo Ôé a dû faire face à de nombreuses épreuves familiales, douloureuses, qu'il a couchées sur le papier, avant d'être nobélisé en 1994.


Né en 1935 dans un village d'une région boisée de l’île de Shikoku et issu d'une famille très traditionnelle (le « clan » Ôé) où les femmes étaient raconteuses d'histoires, Kenzaburo Ôé a baigné, tout jeune, dans un univers de lettres. Lectures qui lui permettront de se créer un monde à part, à une époque où les armes prenaient la parole, au Japon et dans le monde.
Des romans de Mark Twain et de Selma Lagerlof le font s'évader et voir dans la nature qui l'environne une sécurité et un monde rassurant – celui de l'enfance – qui est absent de sa vie quotidienne, dans un Japon ultra-militariste et bientôt en proie aux affres de la guerre.
C’est sans doute de cette expérience de la guerre durant sa plus tendre enfance – il avait alors entre 6 et 10 ans – qu’il tire une partie de ses récits, en particulier Gibier d’élevage, court roman écrit en 1957, dans lequel un aviateur noir tombe dans un village japonais et pose de nombreuses interrogations sur l'être humain. Ce premier roman vaudra au jeune Kenzaburo Ôé – il a seulement 23 ans – le prestigieux prix Akutagawa.
En 1944, alors qu’il n’a même pas 10 ans, son père meurt, laissant seuls sa mère et ses six frères et sœurs.
Le Japon défait et humilié des années d’après-guerre lui ouvre de nouvelles perspectives, en remettant en cause son éducation, comme celle de tous les petits japonais, impérialiste et ultra-militariste. Ce changement de perspectives, conjugué aux horreurs de la guerre, en font un pacifiste convaincu.
Bientôt, il devient étudiant en littérature française et s'intéresse de près à l’œuvre de Rabelais.
En 1963, un événement nouveau et très personnel va remettre en cause beaucoup de ses vues sur la vie et le monde : la naissance de son fils Hikari, né handicapé mental. Cette naissance traumatise profondément et durablement Ôé, qui reviendra plusieurs fois sur cette expérience dans son œuvre, en particulier dès 1964 dans l'ouvrage Une affaire personnelle, largement autobiographique, où le narrateur, à qui la même chose arrive, passe trois jours dans les affres de l’alcool et de la dépression, à se poser des questions existentielles et brutales, hésitant entre le départ pour l’Afrique afin de « découvrir ce qu’il y avait au-delà d’une vie quotidienne trop paisible » et le meurtre du bébé « anormal ».
Fortement déprimé par cette naissance (dans un pays alors en pleine modernisation et règne de la vitesse, où il faut être performant, normal, ne pas se distinguer, où le handicap est un peu un déshonneur), il fait la connaissance d'un médecin, qui lui conseille de se rendre à Hiroshima et de rencontrer les malades de l’hôpital de cette ville. Les différentes rencontres qu'il y fera vont le transformer, jusqu'à écrire sur Hiroshima et d'autres thématiques concordantes.
Son fils Hikari est aujourd'hui un compositeur de musique, à large succès.
Très changé, impliqué dans la vie sociale et politique de son pays, Ôé reçoit le prix Nobel de littérature en 1994, à l’assez grande surprise des observateurs. Depuis cette date, il a décidé de ne plus écrire, son fils handicapé ayant trouvé la voix/voie par la musique, il ne lui était plus nécessaire de lui en offrir une par le roman.
Depuis, il reste un personnage engagé dans la vie japonaise, notamment en luttant, aux côtés d’autres intellectuels, pour que le Japon ne remette pas en cause l’article 9 de sa constitution, très discuté depuis quelques années, indiquant que le Japon renonce à jamais à la guerre.
Alfred Teckel
Quelques ouvrages traduits :
Une affaire personnelle, Stock
Le Faste des morts, Gallimard
Dites-nous comment survivre à notre folie, Gallimard
Une famille en voie de guérison, Gallimard
Notes de Hiroshima, Gallimard



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