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Qu'est devenue la Fondation pour la Mémoire de la guerre d'Algérie ?

Par Mbertrand @MIKL_Bertrand

C'est un serpent de mer de la politique mémorielle française : la Fondation pour la Mémoire de la Guerre d'Algérie était une idée avancée par la fameuse  loi du 23 février 2005 "portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés".

Si le président de la République Jacques Chirac avait accepté de revenir  par décret sur l'article 4 ("Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord"), il n'avait pas modifié l'article 3 annonçant la création d'une "fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie".

L'opprobe lancée sur ce texte s'était pourtant étendu à la fondation qui n'est apparue qu'en 2010 dans la douleur.  Plusieurs historiens en dénonçaient en effet le principe et le gouvernement rencontrait de nombreuses difficultés à constituer son comité scientifique.

Nous avions nous même dénoncé  sur ce blog l'instauration d'une nouvelle Fondation (après la Fondation pour la mémoire de la Shoah et la Fondation pour la mémoire de la Déportation) faisant la part belle à la gestion politique des mémoires plutôt qu'à un encouragement explicite de l'histoire comme pacificateur des conflits mémoriels.

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Dans un tel contexte de défiance, cette jeune Fondation n'avait finalement obtenu qu'un rôle minime dans l'organisation des commémorations du cinquantenaire de la Guerre d'Algérie en 2012. C'est pourquoi le député UMP du Nord Jean-Pierre Decool a adressé une question au ministre des Anciens Combattants et Victimes de Guerre afin de connaître les intentions du Gouvernement à ce sujet.

La réponse du ministère rappelle que "seules les associations participant au financement de la fondation sont membres du conseil d'administration. L'organisation de cette structure exclut donc de fait la totalité des associations de harkis, de rapatriés et d'anciens combattants de la guerre d'Algérie. Dès lors, les travaux menés par la fondation ne pouvaient que s'éloigner fortement de son objet. Même si les deux colloques réalisés en 2011 et 2012, l'un sur le peuplement de l'Algérie, l'autre sur Abd el-Kader, ont rencontré un vif succès, cette fondation n'est pas à la hauteur des espoirs qu'elle a suscités. L'orientation qu'elle a prise jusqu'à présent, est contestée par les acteurs de la mémoire de la guerre d'Algérie ainsi que par des parlementaires".

Bref, le Gouvernement semble accepter le diagnostic d'un échec évident bien que les avis sur les symptomes divergent. Ce que les services du ministère regrettent n'est pas tant la faiblesse des apports scientifiques de la Fondation que l'absence de consensus de la part des "acteurs de la mémoire"

La Fondation pour la mémoire de la Guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie n'est pourtant pas enterrée. Le Gouvernement a décidé de lui laisser une chance en réorientant ses travaux et en "favorisant la participation de l'ensemble des acteurs du conflit à ses travaux et à la définition de son objet" avant de dresser un nouveau bilan à la fin de l'année 2013.

 Un site Internet a été créé pour suivre son actualité. L'ensemble reste pour le moment modeste et un peu confus : Les illustrations de la page d'accueil s'affichent difficilement, la rubrique "actualités" ne propose qu'une annonce par mois, la rubrique "Album photos" renvoie à un lien périmé... 

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En revanche, la rubrique "But et orientations générales" de la Fondation montre que les critiques ont été entendues :

"Une fondation de « mémoire »

Quant au titre de la Fondation, qui voue son objet à la mémoire des évènements d’Afrique du nord, imagine-t-on le tollé qui aurait embrasé la scène politique si la loi y avait substitué le mot « Histoire », affichant, par là, la prétention de s’immiscer dans l’écriture historique des évènements. À juste titre, cela aurait justifié la protestation des historiens, attachés à leur indépendance et à leur liberté d’interprétation des faits en cause. En revanche, si mission est donnée à la Fondation de s’attacher uniquement à la « mémoire » de ces conflits, de la recueillir, de la conserver et de la transmettre, c’est parce qu’il devenait urgent que tous les témoignages passés, présents et à venir soient collectés et mis hors d’atteinte des effets du temps ou de toute autre dénaturation. Notons que ce sont des outils de première main qui sont préservés au profit des chercheurs et des historiens. Pour autant, la Fondation n’en sera pas plus autorisée à choisir parmi les « clans » de mémoire ou à accorder son soutien à l’un plus qu’à l’autre. Le rôle de la Fondation est d’authentifier et de conserver, pas de juger. La Fondation ne peut être que neutre".

Dont acte. Il s'agit maintenant de convaincre les historiens ET les acteurs de la mémoire de la Guerre d'Algérie de la légitimité d'une telle entité.


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