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Développeurs JV : Indépendants ou indés, au service des éditeurs et constructeurs?

Par Repostit @S2PMag

Ce n’est pas nouveau. Et le sujet ne se cantonne pas au monde du jeu vidéo. Pourtant, à force de voir de toute part des articles poindre, suivant le nième retournement de veste Microsoft, ou le bon vent signalé par un des uniques succès de la OUYA relativement au petit monde des développeurs « indépendants », ça me chatouillait de vous faire part du fait qu’il ne faut pas oublier une certaine réalité, celle qui est un élément de ce que les « costards » du marketing dénomment « le champ de distorsion de la réalité » qui les aide à, devinez, vendre leur bouzin. Ou empêcher les autres de le vendre à leur place…

indie2 0 Développeurs JV : Indépendants ou indés, au service des éditeurs et constructeurs?

Occupy your Mind today. Be in Wall Street tomorrow.

L’affaire est complexe. Mais finalement, quand on fait son job, avec un statut d’indépendant, quasiment seul maître à bord (quasiment, parce que forcément, il faut bien vendre ce que l’on produit), il y a toujours une sorte de limite. Celle qu’on ne veut pas franchir. Par amour propre, par souci d’une certaine éthique, ou, sans philosopher, juste parce que ce n’est pas parce que l’on « se vend »  que l’on doit se sentir comme une putain de bas étage. Même si le client reste Roi. Sauf qu’il faut savoir qui est le vrai client. La question est là…

Vous ne me suivez pas? Bon, revenons à nos moutons. Cette histoire qui tarabuste visiblement d’aucuns, bien intentionnés, torchés dans leur estime de voir que « Oh My God », une boîte comme Microsoft fait machine arrière quant à l’acceptation des développeurs indépendants, suscite les bravi de la foule. Cette boîte, comme les autres, fait du business. Point. Par contre, pourquoi, alors, revenir sur la chose? Simplement pour qu’on en parle, plus encore que pour ceux qui le font déjà, sans ameuter les foules. Vous attendiez que je cite Sony? D’accord, c’est le même plan, avec de jolies réussites, comme Journey, qui était vraiment un jeu top issu de ce vivier. Mais encore une fois, l’intérêt de ces grosses boîtes, en s’intéressant à ces indépendants, n’est pas là…

J’viens quand j’arrive!

Admettons. On est indépendant du jeu vidéo. Forcément, il y a la passion, qu’on aimerait bien faire rimer avec raison, et, par corollaire… Pognon! Soit. Il y a le chemin de croix, de l’indécrottable dév, que les cravatés du JV ne cesseront tant de railler que d’essayer de mettre dans leur escarcelle, et ceux, qui se voient déjà, avant même d’aligner une ligne de code, crédités de l’ensemble des bénéfices de Blizzard sur les 5 dernières années. Après, c’en est presque caricatural. J’avais eu la chance de discuter un peu avec Peter Molyneux, qui tenait, même en pleine promo d’un volet de Fable, à parler aux quelques élus de la soirée, de ses débuts. Du genre : « J’étais même nul en sport, j’ai coulé ma boîte de compta, le seul truc qui m’a motivé c’était de recoder Druide II parce qu’il n’y avait pas de portage sur Amiga, et tant pis si la seule qui avait acheté mon premier jeu, en masse pour me faire croire que ça se vendait, c’était ma maman. »  Vrai de vrai, et le bonhomme a même été décoré Chevalier des Arts et des Lettres quelque temps après. Il avouait aussi adorer le luxe de pouvoir arriver chez Lionhead à 10 heures du mat, en dictant ses idées à inclure dans le prochain jeu, issues de ses derniers rêves, à 200 indés embauchés, très efficaces…

OUYA ça fait mal

En fait. Mais vraiment… Je sais juste que la petite console à 100$ n’est de loin pas la daube qui est décrite dans bon nombre de reviews qui ne voient que l’aspect consumériste, induit par ce monde de géants de l’industrie, qui ont créé une sorte de communisme industriel libéral de marché (Communisme dans le sens de non-existence de frontière, ni d’état, dans la propagande idéologique. Reste à ajouter les autres termes et la caricature de bon nombre de multinationales est posée…) J’ai osé mettre un peu plus de 130 balles pour avoir le cube OUYA un peu avant la date de commercialisation, avec son pad. Jolie petite chose, pas très puissante, mais pour le prix, comme dit dans le test publié ici il y a peu, rien à redire. Faut pas rêver, on n’a en a jamais plus que pour son argent.

Ce qui gêne vraiment, et qui fait que les « gros » médias en parlent, ce n’est pas sa capacité à offrir du divertissement, même si c’est ce qui est rabâché à longueur de torchons. C’est son modèle de marketing. Mais ça, pas grand monde en parle. Un truc qui semble complètement débile à première vue et qui parvient à emmerder tous les cravatés. Une nouvelle console, qui est ouverte à tous les développeurs, permettant de publier facilement leurs créations, avec en plus l’obligation de faire en sorte que l’on puisse essayer tous les jeux en démo? C’est exactement ce que les vendeurs (avec ou sans cravate) ne veulent pas. D’une, et ce n’est sans doute pas pour rien qu’il n’y a quasiment plus de jeux en démo, offrir une démo du jeu est drastiquement moins vendeur que de balancer une cinématique « amazing » sans in-game. Et de deux, ne pas contrôler un développeur selon les requêtes des actionnaires est impensable! Et pourtant. D’ailleurs, c’est peut-être bien pour cela que ce bon vieux Peter Molyneux s’est privé du luxe de pouvoir arriver à 10 plombes du mat, tel un Jésus made in Richmond, pour renaître dans un studio indépendant avec son projet Godus. C’est bien ce genre d’exemple que les Microsoft ou Sony ne veulent pas voir se reproduire! Et pour ceux qui alignent les chiffres défavorables à la OUYA, en arguant qu’un très faible pourcentage des acheteurs ont acheté des jeux, il faudrait simplement s’intéresser d’un peu plus près au produit, avant de balancer des chiffres, 1 mois après la commercialisation de la console. Encore une fois, personne ne prend en compte que l’on peut jouer aux démos de plus de 200 jeux, gratuitement. Une simple question : cela fait moins d’un mois que vous avez une console qui vous donne accès à plus de 200 titres en démo. Que faites-vous? Vous vous ruez dans le store et achetez un titre après l’autre, ou vous prenez le temps de jouer à un nombre maximum de démos avant de passer à la caisse?

Eclipse de devs. C’est pas la Java…

La réalité, c’est que depuis quelques années, la donne a changé. Avant, quand une franchise se terminait, ou qu’on passait simplement à autre chose, on fermait un studio de développement, pour ne pas coûter trop aux actionnaires, et, peu après, on en fondait un autre (sous un nom inconnu, à l’insu du grand public, jusqu’à ce qu’un titre soit annoncé), en mettant à nouveau les ténors virés puis réembauchés à la tâche, comme de « simples » employés. Mais depuis l’avènement des smartphones, bon nombre de pros du JV, à la fin d’un mandat, prennent les devants. Ils se mettent à leur compte, développent des jeux sur smartphones, et n’hésitent pas à faire appel au crowfundig. Restant ainsi maîtres à bord, avec pour seuls clients les… joueurs qui investissent en leurs projets.

C’est cela qui gêne l’industrie du JV. La seule manoeuvre trouvée, c’est d’ouvrir les futures consoles aux indépendants du milieu. Ce qu’a déjà fait la OUYA, avec son nouveau modèle, qui sonne pourtant comme has been pour les gars du marketing. Le but, ici, n’est pas le même. Evidemment, se dire que l’on sera publiés sur une Xbox ONE ou sur la PS4 est sans doute plus motivant que de pousser une app Android sur le store OUYA. Et c’est là le but de ce genre de manoeuvre. Récupérer ces potentiels indépendants, les occuper (comprenez : éviter qu’ils développent pour d’autres supports, comme les smartphones, le PC…), leur mettre une carotte devant le nez, et éventuellement leur tendre un contrat si ça marche…

Ces jours-ci, bon nombre d’articles pointent du doigt le créateur de TowerFall sur OUYA, Matt Thorson, qui, après avoir enregistré les meilleures ventes sur la console (un peu plus de 20’000$ encaissés), va se mettre au travail sur un portage du titre sur PC. Plutôt que de souligner le fait que, fort de son indépendance, ce développeur reste maître à bord et réinjecte son cash dans un portage PC, on se soucie de la « désertion » de celui-ci. Il faudrait plutôt applaudir des deux mains cette démarche et le fonctionnement de la plate-forme OUYA. Après une version Android/OUYA autofinancée, le voilà avec suffisamment d’argent pour continuer son cheminement d’indépendant. Et soyez-en certains : si le portage PC se vend bien, il n’y a aucune raison qu’on ne le démarche pas pour réaliser un portage sur Xbox ONE ou PS4. Portage qui serait aisé à réaliser, puisque la version PC en sera techniquement très proche…

Ce qui me fait penser à une affirmation de Robbie Bach, après son départ de chez Microsoft en 2010 et sortie sur le tard, relative à la première Xbox, lancée fin 2001. Lors du lancement de ce premier modèle, l’objectif n’était clairement pas de gagner de l’argent. Mais plutôt d’être présent sur le marché des consoles de jeu et, si possible, de gêner Sony dans sa course folle. Une manoeuvre qui a fini par prendre (heureusement pour les joueurs, les monopoles n’étant jamais bons), mais qui souligne encore une fois qu’en arrière-plan, des stratégies sont élaborées. Même pour ce qui nous semble un « simple » produit ou service. Autrement dit : Si tu ne te sens pas au top pour entrer dans la course, rentres-y tout de même. Tu ne gagneras peut-être pas face à ton concurrent, mais en étant présent et un prenant le soin de lui mettre les bâtons dans les roues, on parlera au moins autant de toi que de lui, tandis tu lui feras perdre du terrain…

Hold your head high, and your middle finger higher!

Quant à nos amis développeurs, on ne peut que souhaiter qu’ils fassent le meilleur des choix. Un tiens valant toujours mieux que deux tu l’auras!


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