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« Transferts de Courbet » ou le peintre du chevalet au divan

Publié le 01 août 2013 par Savatier

« Transferts de Courbet » ou le peintre du chevalet au divanDans chaque discipline, sur chaque sujet, il existe des ouvrages de référence. S’agissant de l’œuvre de Gustave Courbet, une récente publication devrait sans aucun doute s’inscrire dans cette lignée. Il s’agit d’un ouvrage collectif intitulé Transferts de Courbet (Les Presses du réel, 397 pages, 28 €) qui regroupe, sous la direction d’Yves Sarfati, les communications qui furent présentées lors du colloque éponyme organisé les 8 et 9 septembre 2011 au Kursaal de Besançon (Doubs).

Ce colloque proposait une approche originale : réunir autour du Maître-peintre d’Ornans et de son œuvre non seulement des historiens de l’art reconnus, mais aussi des experts de la médecine et de la psychanalyse - le divan venant en support de l'histoire pour revisiter intentions et interprétations. Les résultats de cette rencontre a priori inattendue se révèlent des plus intéressants, car ils offrent au lecteur un dialogue transdisciplinaire aussi fructueux que les angles d’approche sont multiples.

Que soient examinés des thèmes aussi variés que la famille de Courbet, l’environnement géographique et social au sein duquel grandit le peintre, la passion cynégétique qui l’animait (et qu’il traduisit dans ses toiles), la place qu’il donnait au corps et au visage dans ses compositions, les traits parfois opposés de sa personnalité ou une enquête radiographique sur quelques-unes de ses œuvres, chaque communication se révèle éclairante, riche d’informations et de nature à ouvrir de nouveaux champs de recherche.

« Transferts de Courbet » ou le peintre du chevalet au divan
Il convient, à ce sujet, de saluer l’originalité de ces contributions. Ainsi, celle du géologue Pascal Reilé, natif d’Ornans, mais aussi grand connaisseur de l’hydrogéologie, nous renseigne-t-elle sur les paysages comtois peints par Courbet et, particulièrement, les sources et puits qui s’imposent comme autant de « paysages vaginaux » dont L’Origine du monde sera l’aboutissement. Ainsi encore celle de Thomas Schlesser qui s’attache à démontrer avec brio combien les adversaires de Courbet parvinrent, à travers leurs critiques négatives, à mieux cerner l’artiste que ne le firent ses thuriféraires. Ou l’analyse du cas de Zoé Courbet, sœur du peintre qui termina sa vie dans un asile, par le psychiatre Paul Bizouard. Ou bien encore le dévoilement, par Sylvain Amic et Florence Hudowicz, du mystérieux tableau caché sous Les Baigneuses de 1853. On notera enfin, entre autres, deux passionnantes communications, l’une de Dominique de Font-Réaulx (« La Peinture comme maîtresse »), l’autre d’Yves Sarfati (« Courbet aux rayons XXX ») qui traitent, sous des angles différents et particulièrement riches, de la représentation de la femme et de l’érotisme dans l’œuvre de l’artiste.

« Transferts de Courbet » ou le peintre du chevalet au divan
Loin de se situer dans de purs champs théoriques réservés aux seuls experts, ces textes s’ancrent délibérément dans le réel. Un réel dont un exemple rendra compte : dans la conférence conjointe de Raphaël Abrille et Yves Sarfati intitulée « Courbet cynégétique : de la chasse au phantasme », les auteurs insistent sur la puissance dérangeante de la toile L’Hallali du cerf (1867), rejetée tant par la critique que par le public. Or il y a, à la Ferme de Flagey (qui appartint à la famille Courbet), une copie de ce tableau ; elle avait initialement été accrochée dans l’une des chambres d’hôtes ouvertes au public. Mais suite aux plaintes des multiples occupants de cette chambre, qui supportaient mal la cruauté de la scène, elle fut déplacée dans la salle d’accueil qui se situe au rez-de-chaussée. Preuve supplémentaire, s’il en fallait encore, que l’œuvre de Courbet conserve toujours son pouvoir de subversion.

Un dernier mot : Transferts de Courbet est dédié à la mémoire de l’historienne de l’art Michèle Haddad, disparue à la fin de 2011. On ne peut que remercier Yves Sarfati d’avoir rendu un tel hommage à cette femme délicieuse, spécialiste de Courbet, à laquelle la plupart des chercheurs qui travaillent sur ce peintre (j’en témoigne ici personnellement) doivent beaucoup.

Illustrations : Gustave Courbet, Les Baigneuses, 1853 (Musée Fabre, Montpellier) - Gustave Courbet, L'Hallali du cerf, 1867 (Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie, Besançon).


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