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Le « showdown » Keystone XL approche

Publié le 03 août 2013 par Jclauded
Le débat sur la construction de l’oléoduc Keystone XL, du nord de l’Alberta à l’État d’Oklahoma, devient de plus en plus intéressant et captivant. Il met en vedette le président américain Barack Obama face au premier ministre (PM) canadien Stephen Harper.
Au tout début de la planification du projet, il y a cinq ans, l’American Petroleum Institute avait prédit que 500 000 emplois seraient créés. Puis, le State Departement a évalué les nouveaux emplois pour la fabrication et la construction du Keystone XL à 42 100. Enfin, il y a quelques jours, TransCanada Pipeline a émis son estimé et le fixe à 20 000 nouveaux emplois, sur deux ans.
Dans un récent discours, Obama se méfiant du rapport du State Department qu’il jugeait faussé (le temps démontre que ce fut le cas puisque la firme britannique ERM, retenu par le State Department pour faire l’étude, avait des liens d’affaires avec Trans Canada Pipeline, le constructeur de l’oléoduc) a utilisé les statistiques d’une étude sur la construction de l’oléoduc faite par l’Institut de recherches « Global labor » de l’université de Cornell. Celui-ci estime que la partie sud de l’oléoduc étant déjà construite, la partie nord ne nécessitera que 500 travailleurs par segments et comme il y en a 10 à faire, cela donne 5 000 travailleurs en deux ans, 2 500 par an plus de 50 à 100 permanents par la suite. Si Obama a raison, on peut donc conclure que l’emploi n’est pas un argument crucial pour cette décision importante.
Les républicains qui utilisent, depuis le début du débat, les statistique du rapport faussé du State Department pour justifier leur appui au projet, braquent tous leurs canons sur Obama en l’accusant, encore aujourd’hui, d’être insensible aux emplois de travailleurs, d’avoir truqué les chiffres, d’utiliser cet argument pour retarder à nouveau l’accord du projet, d’avoir zéro de crédibilité lorsqu’il parle de chiffres, d’avoir arbitrairement changé le mode d’’approbation des projets inter-pays, etc.. Il menace même d’enlever à Obama le pouvoir de décision sur la construction de cet oléoduc...
Obama a réitéré son argument principal à l’effet qu’il approuvera le projet seulement si les émissions de gaz à effet de serre (GES) produites pour obtenir le volume de pétrole transporté par le Keystone XL n’augmentent que sensiblement par rapport au taux d’aujourd’hui. Il a ajouté « le Canada devrait faire plus ».
De son côté, Harper n’est pas heureux. Adepte des oléoducs et du pétrole des sables bitumineux, il affirme que les régions canadiennes en bénéficient puisque ce pétrole augmente la sécurité énergétique du pays. « C’est le moyen le plus sécuritaire pour le transport du pétrole » vient-il de préciser à Québec. Quel Québécoise ou Québécois depuis la catastrophe de Lac Mégantic, dira le contraire ?
Il profita de sa visite pour annoncer la construction d’une extension de l’oléoduc Energie-est, vers l’est du Canada, qui traversera le Québec pour se terminer à la raffinerie d’Irving Oil du Nouveau-Brunswick où il livrera chaque jour plus d’un million de barils de pétrole brut des sables bitumineux.
Il reste au gouvernement du Québec à approuver le passage de cet oléoduc sur son territoire. Se ralliera-t-il aux positions du président Obama pour retarder ce projet ? Ou, oubliera-t-il simplement ses promesses électorales sur le sujet afin de protéger les retombées de péréquation de milliards de $ qu’il reçoit du Canada, en bonne partie à cause de ce que rapporte l’exploitation des sables bitumineux au pays.
Harper a aussi assuré les Canadiens que chaque nouvel oléoduc était sujet à « une rigoureuse analyse scientifique indépendante » qui tient compte des effets environnementaux et économiques et que « le nombre des emplois créés par la construction d’un oléoduc est important ».
Ce faisant, Harper refute l’argument d’Obama qui affirme que l’Oléoduc Keystone XL créera peu d’emploi. Pourtant, il sera 10 fois plus important que l’Energie-est. Quant à la diminution des GES, Harper évite de confirmer si les analyses scientifiques mentionnées précédemment tiennent compte des GES. Il est clair qu’en ne répondant pas, il laisse à penser que les analyses n’en tiennent pas compte. Et, comme ces dernières ne sont pas rendues publiques, on ne peut vérifier ce qui en est vraiment. En fait, Harper s’oppose aux conditions posées par Obama pour donner son accord au Keystone XL.
Harper agit-il par intérêt politique ? Il est député d’Alberta où se situent les sables bitumineux. Comme je l’ai écrit dans un récent blog, il croit que la lutte contre les GES est « un complot socialiste pour enlever de l’argent aux pays riches ». Depuis huit ans PM, il a donné une nouvelle direction au Canada qui ne tient compte que de l’émergence de cette richesse pétrolière. Il a mis fin à l’accord du Canada à Kyoto car ce dernier contraignait l’exploitation des sables bitumineux en contrôlant les GES. Il s’est fait le porte-parole des républicains américains contre les critiques environnementalistes, même en personne à la télé-américaine de Fox News. Et, il est devenu, peu à peu et de plus en plus ouvertement, un porte-parole pour l’intérêt des pétrolières.
Je n’ai rien contre les pétrolières ni les oléoducs et je sais que l’exploitation des sables bitumineux deviendra un super avantage économique pour le Canada et par conséquent pour le Québec. Une condition, cependant, me semble essentielle : le pétrole produit doit être « propre ».
J’aime rappeler, car on oublie trop vite ce que sont les sables bitumineux, la description que j’en faisais dans mon blog du 6 août 2009, intitulé « Les sables bitumineux du Canada » : Au Canada, nous possédons une réserve pétrolifère en Alberta qui représente plus de 300 milliards de barils. C’est plus important qu’en Arabie. Pour mon pays et le monde occidental, c’est un atout stratégique majeur. C’est devenu une richesse inouïe pour les Canadiens. Malheureusement, notre réserve est sous la forêt boréale, en Alberta, à 60 mètres sous terre et contenue dans des sables bitumineux.
Les sables bitumineux sont un mélange de pétrole brut, de sable, d’argile minérale et d’eau. Pour en extraire le pétrole, il faut creuser les 60 mètres de terre, injecter dans les sables de la vapeur d’eau à faible pression afin d’augmenter la température du bitume et diminuer sa viscosité. Une fois ramolli, le bitume est pompé, l’eau rejetée et la terre remise en place.
Le coût d’exploitation est élevé et l’impact environnemental est dévastateur puisqu’une tonne et demie de sables bitumineux donne à peine un baril de pétrole brut, qu’il faut trois barils d’eau douce pour le fabriquer et, pour créer la vapeur d’eau, on doit brûler beaucoup de gaz naturel, soit l’équivalent de deux barils de pétrole brut pour en faire trois, ce qui ajoute un taux inacceptable de gaz à effets de serre (GES) à l’atmosphère. Peut-on vraiment imaginer l’impact total de cette entreprise colossale qui s’étend sur un territoire grand comme le quart de la France métropolitaine ?
L’eau vient des rivières et des sources (déjà on constate l’assèchement du territoire et la baisse de la nappe phréatique) et l’eau usée est traitée et rejetée dans des bassins qui longent la rivière Athabaska. Malgré tout, cette eau reste fortement polluée, demeure toxique et est une sorte de bouillie de produits dangereux. Elle trouve son chemin jusqu’à la rivière, aux sources… Le risque est qu’à la longue, cette pollution fasse partie, un jour, des sédiments et des écosystèmes pour ensuite s’installer dans la nappe phréatique
.
Depuis, il est vrai, les pétrolières ont fait beaucoup pour améliorer la qualité de leur production, mais c’est loin d’être suffisant. Barack Obama le sait puisqu’il affirme que « le Canada devrait faire mieux ».
Harper est-il assez fort avec l’appui des républicains pour renverser Obama ? Ou doit-il, pour satisfaire ce dernier, faire pression sur les pétrolières pour qu’elles investissent davantage afin de diminuer les GES tout en ayant une opération plus propre ? Le « showdown approche !
Claude Dupras

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