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le sable et les pages (2)

Publié le 07 août 2013 par Aymeric

Les pavés pour la plageLa semaine sur une île du ponant sa vie au grand air faite de suées, d'eau de mer fraîche et de gorgées de vins laisse peu de temps pour la lecture.

Ouvert durant la traversée, L’Histoire de la Russie de Michel Heller n'est entamé que d'une quarantaine de pages.

L'eau tout autour de nous relève par contraste l'exotisme de ce « continent de steppes - de la mer Jaune au lac Balaton [...] peuplé de nomades à la recherche de pâtures. »

Sont passés sur ces terres lointaines, et très fréquentées fut un temps, les Cimmériens, les Scythes, les Sarmates - « le souvenir en est resté, en particulier dans la langue polonaise qui qualifie de "sarmates" les longues moustaches » les Huns, les Avares (ou Obres) présents un siècle après une conquête éclair suivie d'une disparition aussi soudaine – « la chronique russe a conservé ce dicton : "s’évanouir comme les Obres", désignant une disparition complète et définitive. »

Une telle quantité  de passages pose problème quand l’historien doit se faire le constructeur d’un mythe national solide ; peut-être le seul impératif stable dans l’histoire de l’histoire russe toujours renouvelée par les successives priorités de l'Etat.

« Nulle part,[...] le passé n’a subi de bouleversements aussi fréquents et radicaux que dans le pays né de la révolution d’Octobre. »

Illustration :

« La Chronique du temps jadis, due, au début du XXIIe siècle, à la plume du mone Nestor, est la première histoire russe parvenue jusqu’à nous. Elle devait devenir la principale source d’informations pour tous les spécialistes de la Rus. Vassili Klioutchevski voit dans Nestor un « slavophile », et Lev Goumilev, historien contemporain, un « occidentaliste ». En 1903 pour l’un, et en 1989 pour l’autre, les deux historiens russes emploient, à l’égard de leur homologue du XXIIe siècle, les deux termes qui définissent la grande contradiction de l’histoire russe. »

Exemple de controverse encore vive aujourd’hui, celle dite de l’invite aux Normands.

«  En l’an 862, lit-on, les Slaves, après s’être libérés des Varègues qui exigeaient d’eux un tribut, se prirent de querelle ; des guerres intestines éclatèrent, ils commencèrent à se battre entre eux. Les habitants de la terre de Novgorod décidèrent alors d’envoyer une députation à un prince étranger, avec cette prière : "Notre pays est vaste et riche, mais le désordre y règne… Venez et gouvernez-nous."

Les émissaires de Novgorod prirent la mer pour se rendre chez les Varègues, en Scandinavie. Trois frères – Rurik, Sinéous et Trouvor – accompagnés de leurs droujinas (les trustes françaises), répondirent à l’invite. L’ainé, Rurik, devint prince de Novgorod : la dynastie des Rurik allait régner, à Kiev puis à Moscou, durant des centaines d’années pour ne s’éteindre qu’au XVIe siècle. »

Le nationalisme se satisfaisant assez mal de cette origine étrangère, l’hypothèse normande est souvent et violemment dénoncée comme anti-russe et apatriotique.

« En 1963, Andreï Amalrik est exclu de l’université de Moscou pour un mémoire intitulé : Les Normands et la Russie kiévienne. »

Traversée retour dans quelques heures, l’occasion d’ouvrir un nouveau livre et de reparler ici de Jean Gagnepain.

Rurikement vôtre.


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