Un moulin sur un parc de 6 hectares. Louis Aragon l’offrit à sa femme Elsa en 1951.
Visiter les maisons d’écrivains n’est ordinairement pas mon style, je me méfie de l’idolâtrie et de tout culte voué à la personnalité. Pourtant, la curiosité cette fois fut la plus forte car les textes des époux Aragon-Triolet ont nourri mon adolescence. Mon livre préféré – d’Elsa – « Roses à crédit », m’a profondément marquée et j’ai aussi éprouvé de belles émotions en écoutant les poèmes d’Aragon chantés par Ferré ou Ferrat….
Et puis c’était un couple inséparable, « résistant » à tous les sens du terme : au désamour, à l’envahisseur allemand, à l’antisémitisme (Elsa était juive), au désordre familial (Aragon a eu une enfance difficile) et à la maladie. Que planait-il dans cette maison qui puisse révéler leur secret de longévité ?
Et puis c’est la maison d’une des rares femmes à avoir obtenu le Goncourt (en 1944, pour « Le premier accroc coûte 200 francs ».)
Et puis, aussi, je réfléchis en ce moment, à la faveur de l’atelier d’écriture, aux mystères de l’inspiration. Et j’avoue, la maison de Saint-Arnoult-en-Yvelines est l’endroit rêvé pour n’importe quel artiste. Pas seulement les écrivains : Un moulin du début du XIIIème siècle posé au sein d’un parc hors du temps que seul le bruit d’une roue à Aube vient troubler. Cela n’a pas été sans me rappeler le Moulin d’Andé en Seine-Maritime, autre lieu magique, ancien rendez-vous les cinéastes de la nouvelle vague.
Ils se rencontrent à Paris Montparnasse à « La coupole » en novembre 1928 et se marient 1939.
C’est en 1951 qu’Aragon décide d’offrir à Elsa la russe, la déracinée, « ce petit coin de terre de France », dans le sud des Yvelines. Ils se connaissent depuis 1928, sont mariés depuis 1939. Elsa et Aragon reposent aujourd’hui dans le tombeau qui domine le parc du Moulin de Villeneuve. Ils ont légué la maison à l’État français « quelqu’en soit le gouvernement ».
Je recommande donc la visite guidée de ces pièces où furent écrites quelques unes des plus belles pages de la littérature française et qui vous révèlera une foule de détails sur la vie du couple d’écrivains. Pour les amoureux du vintage c’est aussi un joli parcours : une authentique salle de bains des années 50 ; de l’osier un peu partout – il y a de nombreuses descriptions de meubles en osier dans « Roses à crédit » et l’on apprend ainsi qu’Elsa Triolet aimait beaucoup ce matériau ; un vieux « Frigidaire » – encore en état de marche – de la marque qui donna naissance au néologisme.
Les amoureux des arts plastiques y suivront aussi les traces, ça et là, des amis peintres surréalistes et futuristes, sous forme d’objets usuels, de copie ou de lithographie (Picasso, Léger…).
A lire : « Roses à crédit »
La collection de poche pour « Roses à crédit »
Portrait de femme poignant, aquarelle d’un destin tragique dans les tons de bleus (a couleur préféré d’Elsa Triolet), critique de la société de consommation, Histoire d’amour qui finit mal car « Il n’y a pas d’amour heureux »*. « Roses à crédit », premier roman de la trilogie « l’âge de nylon », est un peu tout cela à la fois. Le ventre et le cœur des femmes sont des mécaniques de précision qui, lorsqu’elles se détraquent, deviennent des bombes à retardement. C’est en tout cas ce qui arrive à Martine Donelle, l’héroïne du roman.
Un film d’Amos Gitaï devait voir le jour en 2010 mais a été interdit de diffusion par le CNC en France. Pour ma part j’aurais bien vu un autre Amos faire ce film, en l’occurrence Kollec, grand spécialiste à l’écran des « décrépitudes » féminines, qu’il s’agisse de « Sue perdue dans Manhattan » ou « Fiona ».
*Poème de Louis Aragon
Jeu de briques
Snake
Pacman
Bubble